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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ces accords de libre-échange représentent une menace pour les outre-mer

Inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne aux spécificités des régions ultrapériphériques -

Par / 22 novembre 2016

Je tiens d’abord à remercier la délégation à l’outre-mer, à l’origine de cette proposition de résolution, qui fait suite à son rapport du mois de juillet 2016. Ce texte constitue une nette avancée dans le domaine de la production agricole des régions d’outre-mer. Mais tout n’est pas réglé, loin de là.

En effet, comme l’a très souvent souligné Paul Vergès, la question principale pour les productions agricoles d’outre-mer, mais aussi pour les autres productions industrielles, reste la mise en place des accords de partenariat économique, les APE, qui remplacent les accords de Lomé et de Cotonou. Il s’agit de créer des zones de libre-échange entre les anciens pays colonisés d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et les pays européens qui les ont colonisés.

À ce titre, ces accords sont une menace considérable pour les productions ultramarines. En effet, à ce jour, personne n’est capable de définir clairement ce qu’ils contiennent.

En outre, les outre-mer n’ont jamais été entendus. C’est la France qui a défendu, ou tenté de défendre, les intérêts ultramarins. Cette stratégie de défense, s’il s’agit bien de cela, ne repose sur aucune analyse chiffrée. Ainsi, il n’y a jamais eu, préalablement à la ratification de ces textes, une quelconque étude d’impact sur les conséquences pour les économies ultramarines des accords envisagés.

Comme le TAFTA, ou Transatlantic Free Trade Area, et les autres documents de libéralisation des échanges, les APE sont victimes d’une opacité totale. Comment peut-on se satisfaire de réponses à l’emporte-pièce, telles que celles du Gouvernement ?

Je citerai un exemple. À Paul Vergès, qui voulait savoir quelles productions agricoles pourraient être importées sur le sol réunionnais au titre des APE, le ministère des affaires européennes a répondu, en des termes surréalistes : « Certaines lignes tarifaires correspondant à des produits sensibles ne seront pas libéralisées immédiatement. » Quelles sont ces lignes, quels sont ces produits ? Aucune réponse n’a été donnée à cet égard. (Mme Gélita Hoarau, saisie par l’émotion, interrompt son propos quelques instants. – Applaudissements sur certaines travées.)

Comment, dès lors, le monde agricole ultramarin peut-il se préparer à l’arrivée de productions provenant des pays de leur zone géographique ? Comment peut-il définir une stratégie de développement ou de diversification ?

C’est dans ce contexte d’incertitude, de flou et d’impréparation totale que je plaide pour la mise en place de clauses de sauvegarde automatiques, voire d’un moratoire avant l’application des APE dans les outre-mer. Cela suppose une présence ultramarine aux côtés de la France dans la délégation européenne qui négocie ces accords.

La commission du commerce international du Parlement européen commence à prendre la mesure du danger de ces APE sur les économies d’outre-mer. J’en veux pour preuve l’amendement qui a été adopté pour protéger les producteurs de bananes des Antilles. En effet, leur production était menacée par la signature d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne, d’une part, le Pérou, la Colombie et l’Équateur, d’autre part.

Dans l’attente d’une ratification officielle tant par la Commission européenne que par le Conseil européen, le vote de cet amendement ouvre la voie à la protection d’autres productions. Je pense notamment à la canne à sucre. (Mme Gélita Hoarau, ayant des sanglots dans la voix, s’interrompt de nouveau.) Je suis désolée, mes chers collègues, je n’avais pas prévu qu’il serait si difficile pour moi de prendre aujourd’hui la place de Paul Vergès...

La canne à sucre est un secteur clé de l’économie réunionnaise. Mais celui-ci a-t-il encore un avenir après 2017 ? Au mois de septembre prochain interviendra la fin des quotas sucriers et du prix garanti. Comment les producteurs réunionnais et antillais pourront-ils aborder cette échéance ? À La Réunion, 18 000 emplois sont en jeu. Le Gouvernement a mis en place des structures pour aider les betteraviers à traverser cette étape, mais il a purement et simplement oublié les producteurs de canne.

La filière canne à sucre-rhum-bagasse de La Réunion va-t-elle connaître le sort du géranium et du vétiver, secteurs qui avaient connu un gros choc social et économique ? Pour la canne, les conséquences seront infiniment plus grandes.

Il est donc indispensable que, du côté du Gouvernement, l’on se saisisse de toutes les opportunités pour préserver les intérêts agricoles des outre-mer. Nous n’avons pas le sentiment que tel soit le cas.

Ainsi, nous ne pouvons qu’être inquiets lorsqu’un membre du Gouvernement déclare, au Sénat, le 21 juin dernier : « Nos départements et régions d’outre-mer se situent en effet à proximité de ces pays et peuvent donc exporter une partie importante de leur production vers ces territoires. »

Le Sénat, lui, est pleinement conscient des enjeux. Il a adopté, au mois de janvier dernier, la proposition de résolution visant à une meilleure prise en compte des RUP dans la politique commerciale de l’Union européenne, spécifiquement les incidences de la libéralisation du marché du sucre.

Pour en revenir à la proposition de résolution qui nous est aujourd’hui présentée, il est bien évident qu’il est impératif d’adapter les normes européennes à nos situations spécifiques.

Rappelons que les RUP françaises souffrent de handicaps structurels et conjoncturels considérables. À cet égard, citons la question du prix de revient des productions agricoles : celui des productions des pays avoisinant nos outre-mer est extrêmement bas, étant donné le niveau de salaire qui y est appliqué.

En outre, les pays voisins des RUP ne sont pas soumis aux règles phytosanitaires européennes. Et parfois, ils utilisent des produits interdits sur le sol européen. Néanmoins, au nom de la sacro-sainte libéralisation des échanges, l’Europe tolère l’importation de produits comportant des substances que, par ailleurs, elle interdit.

Relevons aussi la question de la recherche et des moyens de celle-ci appliquée à ces « petits marchés » que sont les outre-mer. Au nom du profit, ces recherches spécifiques ne sont pas financées. Les agriculteurs font donc face à une absence d’alternative.

Pour terminer, je tiens à souligner l’intérêt de la création d’observatoires des prix et des revenus pour les grandes filières exportatrices des RUP, que sont celles de la banane et de la canne. Il s’agit de disposer de mesures fiables, publiques et transparentes des effets des importations en provenance des pays tiers, mesures qui, je le souligne, ne peuvent être effectuées en remplacement de l’étude d’impact que nous demandons sur la mise en place des APE.

J’adhère aussi à cette idée d’un meilleur contrôle des importations et des certifications des produits des pays tiers.

Cette proposition de résolution répond donc à des problématiques particulières et soulève de véritables questions de fond. Le groupe CRC la votera.

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