Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

L’ouverture des jeux en ligne en 2010 a cassé notre modèle

Situation de la filière équine -

Par / 21 octobre 2016

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la filière équine est constituée d’activités très diversifiées, regroupées au sein de sous-filières dont les nombreux acteurs n’ont pas toujours des intérêts communs. Pourtant, ces différents secteurs présentent une certaine porosité : un cheval peut changer de sous-filière au cours de sa vie, entre les courses, l’équitation de club ou encore le trait. Jean-Claude Lenoir l’a rappelé : le cheval est, effectivement, le compagnon et l’ami de l’homme !

C’est pourquoi je souhaite dans un premier temps saluer le travail de Mme la rapporteur.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Les éloges sont unanimes !

M. Michel Le Scouarnec. En effet, Anne-Catherine Loisier a su mettre en avant l’importance de la filière équine, le poids économique qu’elle représente pour nos territoires et l’excellence du modèle français, qui réside tant dans sa structure géographique que dans cette spécificité : l’organisation des courses hippiques finance le socle territorial de la filière.

De même, comme le souligne très justement le rapport, la France a connu une volonté de démocratiser l’enseignement de l’équitation via la notion de « cheval partagé ». À ce titre, les centres équestres mettent à disposition de leur public des compétences, des installations et des équidés.

Ainsi, le monopole étatique des jeux a permis, pendant de nombreuses années, le développement de toute la filière : près de 14 % des sommes engagées dans les paris hippiques alimentaient l’encouragement des races chevalines, le maintien de près de 80 000 emplois, l’entretien des hippodromes, la recherche et l’innovation.

Toutefois, l’ouverture à la concurrence des paris en ligne à des opérateurs privés a contribué à une diminution des reversements des excédents : ce phénomène ne doit pas être minimisé.

Or, ce que ce rapport ne souligne pas suffisamment – et nous le regrettons ! –, c’est la volonté d’une privatisation pure et simple de la filière équine.

Casse de l’emploi concentré essentiellement dans les écuries de courses et les centres équestres, perte des acquis sociaux, remise en cause du caractère associatif de l’institution des courses et ouverture à des capitaux privés, fermeture de nombreux hippodromes, volonté de faire des champs de courses des bases de loisirs de luxe ultraconcentrées, enfin, lutte pour la casse du monopole des paris en dur : tout cela n’est pas assez mis en lumière dans le rapport.

Les salariés sont les grands absents de cette étude. Certes, elle fait référence au rapport Dupont. Elle évoque également le plan PMU 2020, mais sans mettre en avant ses conséquences dramatiques pour les salariés, leurs emplois, leurs acquis et, plus largement, pour la filière tout entière.

Ces travailleurs sont menacés de précarisation et de mobilités forcées. Parallèlement, les métiers au contact du cheval présentent souvent des conditions de travail difficiles, des salaires peu élevés et des horaires décalés. Au total, 56 % des salariés de ce secteur, plus particulièrement des femmes, sont encore aujourd’hui en contrat précaire.

En effet, la restructuration de la filière, marquée par le passage d’une gestion étatique, via les Haras nationaux, à une gestion déconcentrée par l’IFCE, a fragilisé notre modèle.

Cette dissolution des Haras nationaux a été engagée en 2010. Georges Labazée s’est livré, à ce titre, à un tour d’horizon hexagonal. Pour ma part, je me contenterai de rappeler que ce processus vise l’établissement d’Hennebont, dans le Morbihan, et celui de Lamballe, dans les Côtes-d’Armor.

À cet égard, la Cour des comptes suggère la suppression de l’IFCE et le retour à une compétence ministérielle forte pour la gestion du service public.

À nos yeux, ces recommandations méritent d’être suivies.

De plus, le rapport établi par Mme Loisier remet en cause le statut actuel du PMU en tant que groupement d’intérêt économique. Cette remise en question s’inscrit dans la volonté actuelle, manifestée par les patrons de l’institution, de casser le caractère associatif du PMU et d’aller vers sa privatisation.

La prise des paris hippiques représente 80 % du chiffre d’affaires global des entreprises de la filière équine. Or, à rebours du panorama présenté dans le rapport, le chiffre d’affaires du PMU a globalement bénéficié d’une augmentation. En quinze ans, il a bondi de 5,3 à 11 milliards d’euros. Dans le même temps, le reversement aux sociétés de courses a plus que doublé, passant de 345 à 860 millions d’euros.

Dès lors, la volonté d’alignement des taux de retour aux parieurs entre le PMU et la Française des jeux risque selon nous d’être une première brèche pour arriver à l’ouverture à la concurrence pour les paris en dur voulue par le président de France Galop et par la direction du PMU.

Enfin, j’évoquerai la question de la TVA. Il est indéniable que le rehaussement du taux de ce prélèvement a un impact sur la démocratisation de l’accès au sport équestre. Les centres équestres ne doivent pas être laissés en souffrance, car leur avenir importe non seulement à l’ensemble de la filière, mais aussi à celui des enfants, par le biais des classes de découvertes notamment.

Le changement des rythmes scolaires aurait dû permettre de développer le lien entre les jeunes enfants et les chevaux. Au cours de ma carrière, j’ai eu le bonheur de mettre sur pied une telle classe de découvertes, et j’ai pu mesurer à quel point cette relation entre l’enfant et le cheval pouvait être bénéfique à la réussite scolaire. (M. Jean-Claude Lenoir acquiesce.)

Toutefois, nous pensons comme de nombreux acteurs que le renforcement de la filière exige davantage qu’une baisse de la TVA. Il est nécessaire de garder un contrôle de l’État sur l’ensemble des paris et des jeux. Il est également indispensable de maintenir le caractère associatif de l’institution des courses et le mutualisme dans l’organisation des sociétés de courses.

En outre, il serait judicieux de redéployer les missions de service public des haras en les renationalisant. Voilà un mot que l’on n’emploie plus beaucoup, en tout cas pas suffisamment ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Ah, le groupe communiste ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur Lenoir, je suis d’accord avec nombre des propositions que vous avez formulées, mais je relève que vous n’avez pas utilisé ce terme ! (Sourires.)

Mes chers collègues, nous souscrivons aux constats dressés par Mme la rapporteur, mais il faut, à nos yeux, aller plus loin. Si nous voulons sauvegarder une filière équine ambitieuse, accessible, véritable patrimoine collectif, d’autres solutions pérennes sont envisageables.

À ce titre, permettez-moi de citer le plan cheval adopté dès 2011 par le conseil régional de Bretagne.

Afin de soutenir une filière qui, dans cette région, fait vivre 4 800 personnes et dégage un chiffre d’affaires global annuel d’environ 200 millions d’euros, la région de Bretagne s’est engagée pleinement dans la préservation du cheval de trait breton. Ce cheval n’est pas le percheron, mais il est très bon lui aussi ! (Sourires.)

La région s’est également consacrée à la professionnalisation, à l’organisation et à la consolidation des différentes activités équestres.

Le cheval breton fait partie de notre patrimoine, et ses qualités sont unanimement reconnues, même en dehors de nos frontières.

Au demeurant, grâce à ses atouts, cet animal commence à retrouver toute son utilité, par exemple comme outil écologique. Certaines collectivités du département dont je suis l’élu, le Morbihan, emploient le cheval breton au nettoyage des plages, au ramassage des déchets, à la gestion forestière. Elles y ont également recours au titre des transports scolaires. Les maraîchers peuvent eux aussi bénéficier de cet atout : le cheval de trait ne tasse pas le sol, comme le font les tracteurs.

Une entreprise établie à Erdeven, intitulée « Tout en traction », s’est même spécialisée dans cette activité d’équidés utilitaires, qui mérite toute notre attention.

Le recours aux équidés pourrait être plus répandu encore, mais, pour l’heure, il manque une véritable gamme d’outils de travail adaptés au cheval.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Michel Le Scouarnec. Pardonnez-moi, monsieur le président. Permettez-moi de vous faire remarquer que c’est la première fois que je dépasse mon temps de parole ! (Sourires.)

M. Ladislas Poniatowski. Voyons, monsieur le président, il s’agit du cheval breton ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Le Scouarnec. En outre, force est d’admettre que des freins psychologiques perdurent, car la traction animale est trop souvent perçue comme un pied de nez à la modernité. J’accélère, monsieur le président ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Au galop ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Le Scouarnec. Or, bien au contraire, ces exemples locaux démontrent que le cheval est un bon complément au tout motorisé. La fin des Haras nationaux a marqué l’arrêt des missions de reproduction de ces races régionales. Quel dommage ! Mais les collectivités de Bretagne ont pris conscience de ces enjeux et défendent avec raison l’idée du cheval territorial : un cheval par et pour les collectivités.

Pour conclure – car je vais conclure ! –, ce rapport a le mérite d’exister et de refléter la réalité d’une filière qui a grandement besoin de nouveaux outils d’organisation et de gestion au service de toutes et tous, et non d’intérêts particuliers, comme ceux des services de paris.

Néanmoins, n’oublions pas les mots de Jacques Prévert qui disait que « la plus noble conquête de l’homme, c’est le cheval ». À nous de faire vivre ce lien exceptionnel de l’homme avec le cheval !

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