Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Activité des sénateurs

Barkhane est un échec politique lourd de conséquences

Par / 6 juin 2023

La déclaration du Gouvernement de ce soir est dans la droite ligne du discours du Président de la République du 27 février dernier, selon lequel la France doit refuser la compétition, entrer dans une logique partenariale au service d’un investissement solidaire.

Mais tous les fondamentaux qui sapent le développement de l’Afrique et les relations de confiance sont maintenus : la pseudo-réforme unilatérale du franc CFA est louée alors qu’elle ne visait qu’à tuer dans l’oeuf le projet de monnaie commune de la Cedeao ; la Banque de France détient toujours 80 % de l’or de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. Circulez, il n’y a rien à voir.

Pour changer réellement nos relations, il faudrait porter le fer contre les traités de libre-échange inégaux, la course au moins-disant fiscal, le nivellement par le bas des droits des travailleurs ou les logiques de prédation des multinationales. Certes, l’Afrique subsaharienne ne représente que 2 % de notre commerce extérieur, mais les parts de marché sont concentrées entre les mains de quelques grands groupes, en complicité avec les élites corrompues, au détriment des populations africaines : voyez la surfacturation par des groupes français du train urbain d’Abidjan où les profits accumulés par le groupe Bolloré dans les ports ouest-africains, dont il est parti sans égard pour les pays concernés.

Les coûts de ces rapports économiques pour les peuples sont exorbitants : pauvreté, sous-alimentation, insécurité, corruption, migration forcée.

C’est là que se trouve la source du rejet de la politique française, qui ne peut être réduit au travail d’influenceurs russes, turcs ou chinois.

Barkhane est un échec politique lourd de conséquences. Notre politique est à mille lieues des exigences populaires africaines en faveur d’une vraie souveraineté - d’une deuxième indépendance, comme ils disent.

Vous ne comblerez pas ce fossé en lançant un média de propagande. La lutte d’influence ne fait pas tout. Contre les fake news, il faut mettre en cohérence actes et paroles. Si la France changeait de politique, nous aurions tous à y gagner, ici et là-bas. Un agenda africain, par les Africains, voilà la clé du succès.

L’Afrique a un besoin massif de financement et de création monétaire. La France doit agir auprès du FMI, pour changer les règles d’attribution des droits de tirage spéciaux (DTS), émis actuellement au compte-gouttes. Il faut une réforme des conditions d’émissions, pour lutter contre la pauvreté et financer la transition écologique du continent africain. Face à cela, les Brics ne restent pas inertes.

Les recettes fiscales représentent en moyenne 34 % du PIB dans les pays de l’OCDE - deux fois moins pour les pays en développement, notamment africains, qui ont besoin de nouvelles recettes fiscales. Le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels doit être notre guide. Il faut flécher au moins 10 % de l’aide publique au développement en faveur des systèmes fiscaux des pays, pour leur assurer des moyens budgétaires endogènes.

J’entends souvent dire que l’Afrique est notre avenir ; c’est d’abord celui des Africains. Ainsi, en partenaires respectés, nous pourrons répondre aux défis sociaux, climatiques et environnementaux et la France pourrait passer de la conquête de parts de marché à court terme, du rôle de VRP d’armes et de stigmatisation hypocrite de l’immigration, à une politique de coopération mutuellement avantageuse au service de l’industrialisation indispensable et d’une agroécologie vivrière qui a déjà fait ses preuves.

Comprenant l’impasse de nos aventures militaires à répétition, nous supprimerions le plus vite possible nos bases permanentes : cette usurpation par la France de la souveraineté de pays africains a donné des résultats médiocres. Acceptons le refus d’une relation de dépendance et la revendication d’une pluralité de partenaires stratégiques.

Oui, il faut changer de logiciel dans tous les domaines. J’y suis allé à la serpe, je le concède... mais ce changement, les peuples africains nous y appellent constamment

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