Consigner les loyers pour accélérer les travaux ?
Par Fabien Gay / 14 mars 2023En février dernier, vous étiez nombreux, dans cet hémicycle, à condamner les locataires incapables de payer leur loyer - les mêmes à qui vous ajoutez deux ans de travail. Mais il n’y a pas que les locataires qui ont des devoirs, les propriétaires aussi !
Cette proposition de loi a le mérite d’être audacieuse. En s’attaquant au mal-logement, elle soulève le problème des passoires thermiques, qui - et c’est heureux - vont être progressivement interdites à la location.
Il faut isoler les logements et protéger les locataires, alors que douze millions de personnes souffrent de précarité énergétique. Il est cependant urgent de vérifier la fiabilité de la classification, selon un référentiel unique.
Distinguons toutefois le propriétaire de bonne foi d’un seul logement locatif du multipropriétaire qui empoche ses loyers sans jamais mettre un euro dans leur entretien. Je pense aussi aux bailleurs sociaux, dont les finances ont été durement ponctionnées par la baisse du loyer de solidarité.
Priver de ressources le propriétaire qui doit faire des travaux est contradictoire ; c’est comme priver d’APL le locataire qui ne peut plus acquitter son loyer...
Nous avons besoin d’un grand chantier de rénovation thermique : c’est bon pour les citoyens comme pour la planète. Il faut donc aider les bailleurs publics et privés. Le groupe CRCE a déposé une proposition de loi en ce sens, qui propose la préemption des passoires thermiques, l’obligation des permis de louer et la possibilité pour le juge de suspendre le bail avant travaux de mise aux normes. La commission d’enquête sénatoriale sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique sera l’occasion d’avancer sur ce sujet.
En l’état, le CRCE s’abstiendra sur cette proposition de loi incomplète, probablement contre-productive et qui ne s’appliquerait qu’à une partie du territoire.
(Intervention lors du débat sur la proposition de loi "visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d’une allocation de logement et vivant dans un habitat non décent". Le dispositif proposé : prolonger la retenue temporaire des APL lorsque le logement est déclaré non décent en consignant le loyer, pour faire pression sur les propriétaires. La notion de non-décence ne s’applique qu’aux logements locatifs, et ne tient pas compte des propriétaires occupants de logements insalubres ou indignes. Par ailleurs, la proposition de loi ne concerne que les bénéficiaires des APL et ne s’appliquera à titre expérimental qu’à la Réunion.)