Construire ne veut pas dire artificialiser
Par Cécile Cukierman / 17 mars 2023Si nous sommes là, c’est parce que, comme le dit Aristote, l’homme est « animal politique », parce que nous « faisons société ». Voilà maintenant des millénaires, l’homme s’est sédentarisé et a décidé d’aménager son territoire sans que ce soit le territoire qui s’impose à lui.
Ne nous trompons pas de débat. Oui, il y a des enjeux environnementaux qui s’imposent à nous. Nous devons préserver le climat pour pouvoir continuer de vivre sur la planète. Cependant, ne laissons pas penser qu’il y aurait des élus qui ne seraient pas conscients de leurs responsabilités au regard de l’environnement de leur commune et de la préservation de leurs espaces communaux.
Bien au contraire, il y a aujourd’hui des milliers et des milliers d’élus locaux qui ont, au quotidien, la volonté de préserver leur territoire communal, même s’ils sont parfois soumis à des pressions contradictoires : contradictions environnementale, sociale, agricole, industrielle. Pour autant, ils cherchent toujours à projeter leur territoire vers demain.
Dans mon département comme dans d’autres, si l’on ne fait rien, ce que j’appelle le syndrome de « la belle au bois dormant » menace beaucoup de villages. Devant l’injonction à ne rien faire, finalement, on n’aide ni la flore, ni la faune, ni la préservation de la ressource en eau. À force de se refermer, des villages deviennent hostiles, y compris à la vie humaine.
À l’inverse, certains élus ont le souci, sans aller jusqu’à fermer leur territoire sur lui-même, de préserver des espaces naturels, ici un parc naturel, ici une zone humide.
En miroir des objectifs de réduction de l’artificialisation affichés par la loi Climat et résilience, il demeure des impératifs tout aussi fondamentaux pour l’espèce humaine. Je veux parler des impératifs socio-économiques, dont nous devons également tenir compte.
Il y a tout d’abord l’enjeu de l’autonomie alimentaire
Oui, nous devons continuer de soutenir l’installation agricole, de développer dans notre pays une agriculture au service de toutes et de tous, une agriculture qui n’accroît pas le marqueur de différenciation sociale entre les Françaises et les Français et qui permette à toutes et tous d’être nourris correctement.
Pour cela, monsieur le ministre, l’État doit demeurer particulièrement engagé aux côtés des collectivités. Il doit revenir sur des politiques qui ont laissé, année après année, des entreprises fermer en laissant des hectares de friches à la charge des collectivités, sans qu’elles y puissent grand-chose, faute de moyens financiers et en ingénierie.
Il doit s’engager également pour réduire le nombre de logements vacants.
Il y a besoin, dans cette France des sous-préfectures, dont on a beaucoup parlé ces derniers jours, de continuer d’accueillir des commerces, des entreprises, des habitants, de pérenniser des services publics, pour pouvoir aménager le village et la ville de demain.
Construire ne veut pas dire forcément artificialiser. Aussi, nous aurons besoin, en parallèle de cette proposition de loi, d’une véritable action forte pour pouvoir requalifier et réemployer les espaces fonciers existants. Il est trop facile de dire qu’il faut reconstruire la ville sur la ville. Encore faut-il en donner les moyens aux élus locaux.
Monsieur le ministre, 67 % des intercommunalités déclarent avoir refusé des projets d’implantation économique ou subi des déménagements d’entreprise par manque de foncier. C’est le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) qui le dit.
Bien évidemment, ce ne sera pas n’importe comment ni à n’importe quel prix, mais je crois qu’à travers cette proposition de loi, nous avons la possibilité de redonner à nos élus locaux un peu de souplesse, de visibilité et de capacité à aménager notre territoire en faisant dans la dentelle.
Pour ces raisons, nous voterons en faveur de cette proposition de loi.