Corriger le déséquilibre entre fournisseurs et distributeurs
Par Gérard Lahellec / 22 mars 2023Le moins que l’on peut dire c’est que cette PPL intervient dans un contexte compliqué dans lequel il est difficile de donner satisfaction à toutes les catégories impliquées, du producteur au consommateur !
Ici, nous sommes invités à voter un texte dont l’objet affiché est de mieux protéger tous les acteurs de la filière, ce qui est fort louable du point de vue de l’intention, mais quasiment impossible dans le cadre libéralisé dans lequel nous évoluons.
Les produits alimentaires connaissent une hausse spectaculaire, les prix de l’énergie restent à la hausse et nos agriculteurs restent confrontés à cette difficulté structurelle découlant du fait que l’essentiel de la valeur ajoutée des produits alimentaires ne revient pas à la production.
La vie chère s’installe de manière durable et les salaires ne suivent pas.
Au fond, consommateurs, salariés et paysans sont confrontés au même problème de la juste rémunération de leur travail !
Nous assistons à une hausse des prix dont on ne sait pas toujours exactement à quoi elle est due. Une croissance faible, une inflation forte et un système économique qui saturé et ce sont toujours les mêmes qui en font les frais.
Bien entendu, l’objet de cette PPL n’était pas de traiter la question des salaires ni du retour de la valeur ajoutée à la ferme… Et pourtant, dans l’agroalimentaire la proportion des entreprises voulant relever leurs prix atteint 70% ce qui laisse augurer une poursuite de la flambée des prix.
Le gouvernement nous a annoncé l’arrivée prochaine d’un « chèque alimentaire pour les plus modestes », dont on ne connaît aucun détail. Nous savons seulement que le gouvernement ne « ne souhaite pas distribuer d’aide alimentaire au niveau global pour s’assurer que les consommateurs ne fassent pas le choix de la malbouffe dans les grandes surfaces » (ministère des Solidarités)
Le pays est au bord de la rupture, il s’appauvrit, et nous continuons à débattre d’une proposition de loi qui ne résoudra malheureusement pas le problème. Nous jouons les équilibristes alors que nous avons besoins de réforme d’ampleur, des réformes de fonds, pas des réformes qui toilettent le marché sans remettre en cause ses dérives. Et cette PPL Egalim 3 n’échappe à la règle ! Nous savons tous que ce texte aura un impact minime sur le revenu agricole et sur l’effectivité d’un droit à une alimentation suffisante et de qualité pour tous, dans un pays où 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté !
Nous comprenons la recherche du compromis le plus équilibré possible mais il ne faudrait pas que cette recherche d’équilibre conduise à une dualité entre les souhaits exprimés par le secteur de la production alimentaire d’une part, plutôt favorable au prolongement de l’expérimentation SRP et associations de consommateurs, d’autre part, plutôt opposées au prolongement de ce dispositif expérimental.
Il conviendrait donc de traiter le sujet au fond et commencer par reconsidérer la LME dont les effets pèsent considérablement sur le secteur de la production !
En outre, Madame Agnès Benassy Quéré chef économiste à la direction générale du Trésor nous dit : « En France, on souffre d’une échelle de salaires très comprimée autour du SMIC, ce qui désespère les personnes rémunérées juste au-dessus, dont le salaire n’évolue pas beaucoup et se fait même rattraper par le SMIC ». Le pire c’est que les entreprises sont incitées à payer peu ! Ce sont les allègements généraux de cotisations sur les bas salaires qui provoquent cette accumulation des petits salaires.
Nous ne voulons pas décourager les bonnes intentions qui sous-tendent la motivation de ce texte et dans le même temps, nous en mesurons toutes les limites : ce sont là autant de raisons qui nous conduisent à nous abstenir.