Incendies : répondre à l’appel de la forêt
Par Marie-Claude Varaillas / 4 avril 2023Les incendies que nous avons connus l’été dernier ont détruit plus de 66 000 hectares de ce bien commun que sont nos forêts françaises.
Gironde, Bouches du Rhône mais aussi Bretagne, les incendies ont surpris par leur intensité mais aussi par leur étendue géographique : des forêts habituellement épargnées par les feux estivaux sont parties en fumée. Dans mon département, en Dordogne, ce sont 280 hectares qui ont été détruits.
Ce qui semblait hier exceptionnel est donc en passe de devenir la norme. C’est ce que nous rappelle la mission d’information sénatoriale constituée l’été dernier. En effet, les conclusions de cette mission pointent une intensification des feux en région méditerranéenne. Les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 % d’ici 2050 laissant place à des maquis. Elles soulignent l’extension géographique du risque à des départements peu touchés et le développement d’incendies de végétation ou de terres agricoles.
Pire, il n’y aura plus « de saison des feux ». La période à risque fort sera trois fois plus longue, et les feux hivernaux devraient se multiplier. Les incendies colossaux de l’été dernier nous rappellent que le changement climatique est déjà là, en atteste une fois encore le rapport du GIEC.
Ils ont mis en lumière la nécessité de penser de nouvelles stratégies d’adaptation pour la forêt, la nécessité de renforcer les moyens de prévention et de lutte contre les incendies.
Ils nous rappellent aussi que nos forêts sont fragiles. Outre le feu, la succession de sécheresses affaiblit les arbres, les rendant plus vulnérables aux attaques d’insectes et autres parasites. Nous assistons ainsi au dépérissement de certaines espèces.
En ce sens, nous ne pouvons que saluer le travail effectué par les auteurs de cette proposition de loi qui nous rappelle la fragilité de ce patrimoine commun et la nécessité de le préserver.
Nos forêts, qui couvrent 31 % du territoire métropolitain, soit 17 millions d’hectares sont en danger.
En effet, la stratégie française, qui a consisté à renforcer la prévention et la lutte contre les incendies, qui a permis durant des années de maîtriser la survenance de feux dit anormaux, est aujourd’hui bousculée par les changements climatiques.
C’est pourquoi nous partageons la volonté de nos collègues rapporteurs d’anticiper le risque émergent en l’intégrant de manière plus étendue dans les documents d’urbanisme et de planification des territoires jusque-là épargnés par les incendies de grande ampleur ainsi que la prise en compte dans ces documents des espaces urbains, des terres agricoles et des massifs forestiers dans une logique de protection mutuelle.
Nous saluons aussi le renforcement des obligations de débroussaillement (OLD). En effet, la question des zones d’interfaces habitat-forêts est essentielle, car dans ces espaces le risque de départs de feux est élevé et la difficile protection par les pompiers est coûteuse. Et à cet égard, il serait opportun que les communes bénéficient de dispositifs d’accompagnement y compris financiers.
Nous partageons également le renforcement de la sensibilisation des citoyens, élus et professionnels concernés.
Pour autant, si les objectifs de ce texte sont louables et que les outils proposés sont pertinents, encore une fois les moyens restent insuffisants.
Tous les acteurs que nous avons auditionnés le rappellent : à moyens constants, il est impossible que les services de prévention puissent maintenir leur efficacité face à des feux de plus en plus intenses et fréquents. Comme le rappelait déjà le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, je le cite : « Le dérèglement climatique s’accélère. Il faut accroître le nombre de bombardiers d’eau, avions comme hélicoptères. Il faut aussi augmenter les moyens humains et, ce, sans attendre ».
De même aucun investissement, aussi important soit-il, dans la lutte contre les incendies, ne permettra d’empêcher les incendies extrêmes.
Il nous faut investir dans une politique forestière préventive qui permettra la résilience de nos forêts, à commencer par la diversification des essences. Les forestiers doivent renouveler les peuplements dépérissants et adapter les forêts françaises en tenant compte des risques futurs.
Il nous faut également renforcer les moyens humains et financiers face à l’intensification du risque incendie. Alors que la force de frappe des services incendies tient au maillage territorial, plus de 2700 centres d’incendies et de secours ont fermé ces 20 dernières années, ce qui représente 30 % de l’effectif. En conséquence, le « centre de secours moyen » a vu la superficie de son secteur augmenter de 44,5% sur cette période.
Enfin, les difficultés à contenir les feux dans la région Sud-Ouest cet été nous ont rappelé le besoin d’une base aérienne de sécurité civile à l’Ouest afin d’accroître la rapidité et l’intensité des interventions par canadairs.
Par ailleurs, en 35 ans, l’ONF, qui gère près de 25% de la forêt métropolitaine, a perdu près de 40 % de ses effectifs. De 16 000 salariés que comptait l’office en 1986, il n’en reste plus que 8 400 aujourd’hui, auxquels l’État continue pourtant de confier un nombre équivalent de missions et exige une plus grande rentabilité.
Le SDIS, l’ONF, le CNPF, sont des acteurs publics garants de la résilience et de la résistance de la forêt. Ils doivent disposer des moyens matériels et humains nécessaires à l’accomplissement de leurs missions qui se complexifient.
Malgré ces réserves, nous voterons en faveur de cette proposition de loi.