L’austérité à l’assaut des collectivités locales
Par Cécile Cukierman / 2 décembre 2022Ce nouveau budget rogne largement les finances des collectivités. Madame la ministre, votre gouvernement a choisi, en usant de nouveau du 49.3 à l’Assemblée nationale, de faire fi des discussions parlementaires sur le sort de nos collectivités territoriales.
Nous aurions dû fêter cette année un bel anniversaire : les quarante ans de l’acte I de la décentralisation.Retour ligne automatique
En 1982, une série de lois marque une rupture avec la tradition centralisatrice qui a constitué, pendant des siècles, une forte spécificité de l’organisation politique et administrative de notre pays. De Charlemagne à Louis XIV, à la Révolution française, à Napoléon, notre histoire centralisatrice – plus que jacobine – a jalonné la construction politique multiséculaire de la France.
En 1982 s’impose au contraire la volonté d’une administration décentralisée et déconcentrée, appuyée sur l’idée que l’affermissement de la liberté locale, associée au maintien des pouvoirs régaliens de l’État, renforçait l’incarnation des principes républicains.Retour ligne automatique
Cette année aurait donc dû être celle de la célébration des libertés locales ; elle restera comme l’année durant laquelle a sonné leur marche funèbre.
Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, rejeté par l’Assemblée nationale et durci par le Sénat, trace une feuille de route austéritaire, de laquelle découle également ce projet de loi de finances. Concrètement, une perte de 2,9 milliards d’euros pour les collectivités territoriales a été votée, portant à 13 milliards d’euros le montant de DGF qui leur a été retiré depuis 2014.Retour ligne automatique
La colère des élus grandit, madame la ministre. Depuis quelques semaines, comme d’autres sénateurs, je suis destinataire de motions adoptées par les conseils municipaux de mon département concernant les finances locales.Retour ligne automatique
J’ai donc tout naturellement une pensée ce matin pour les communes de Pouilly-lès-Feurs, Saint-Polgues, Violay, Saint-Nizier-sous-Charlieu, Lentigny, Saint-Germain-Laval, Saint-Haon-le-Châtel ou encore Saint-André-d’Apchon, et tant d’autres.
Madame la ministre, nos collectivités doivent faire face à une situation sans précédent, avec une inflation à son plus haut niveau depuis 1985. Le constat est là : les dépenses annuelles de fonctionnement ont crû et vont exploser de plus de 10 milliards d’euros.
Les conséquences en cascade de cette situation vont conduire à amputer les capacités d’investissement des collectivités ; par effet domino, notre activité économique, nos richesses territoriales, nos emplois locaux se trouvent menacés chez les artisans, ainsi que dans les très petites entreprises (TPE) et dans les petites et moyennes entreprises (PME) de nos départements. Pour reprendre l’expression de notre collègue Fabien Genet : si rien n’est fait, il va y avoir de la casse !
Ainsi, après quatre ans de baisse des dotations, de 2014 à 2017, la réduction des moyens s’est poursuivie avec le gel de la DGF et la diminution, chaque année, des attributions individuelles pour plus de la moitié des collectivités du bloc communal.
Madame la ministre, il n’est plus l’heure de déterminer quel quinquennat est responsable de cet état de fait. La réalité s’impose à nous, parlementaires, à vous, membres du Gouvernement, et surtout aux dizaines de milliers d’élus locaux. Ceux-ci font face chaque jour à l’impérieuse nécessité de répondre aux problèmes de leur population, de développer les services publics locaux et de gérer leur collectivité, alors que l’on assèche leurs moyens financiers et leur capacité à agir. Ils accomplissent ainsi leur mission d’amortisseurs de crise.Retour ligne automatique
Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de finances, vous avez ainsi souhaité la suppression de la CVAE, à laquelle le Sénat s’est opposé. Vous proposez de nouveaux contrats de Cahors qui s’appliquent à un plus grand nombre de collectivités que leurs prédécesseurs.
Depuis 2014, la baisse cumulée des dotations a conduit à l’effondrement des investissements, alors que les comptes de l’État n’ont révélé aucune réduction de déficit.Retour ligne automatique
À l’inverse du budget que vous nous proposez, nous défendons un projet viable pour nos collectivités, qui font vivre la démocratie.
Nous saluons ainsi l’indexation de la DGF sur l’inflation, même si nous regrettons que cette mesure ne vaille que pour l’année 2023, ainsi que la réintégration dans l’assiette du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) de l’agencement et de l’aménagement de terrains.
Alors que le filet de sécurité pour 2022, décrié sur toutes les travées de notre hémicycle, est de fait mort-né, nous prenons acte de la proposition sénatoriale pour 2023, même si, à notre sens, il aurait fallu conférer au dispositif une meilleure visibilité, de manière qu’il soit plus compréhensible par l’ensemble des élus.
Nous demeurons persuadés qu’il est nécessaire d’aller plus loin, et j’aurai l’occasion d’y revenir en présentant nos amendements sur les crédits affectés à cette mission. Nous défendrons un véritable projet de libre administration des collectivités territoriales, convaincus que, avec ou sans 49.3, les mesures votées par le Sénat seront conservées. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Françoise Gatel et Sonia de La Provôté applaudissent également.)