Le blocage, c’est vous !
Par Cathy Apourceau-Poly / 15 mars 2023Nous y sommes. La droite sénatoriale s’apprête à voter cette réforme scélérate de recul de l’âge de la retraite à 64 ans, main dans la main avec le Gouvernement et les sénateurs de la majorité présidentielle.
Vous avez pu le faire, malgré la contrainte du 47-1, car vous avez usé de toutes les procédures réglementaires et constitutionnelles possibles et imaginables pour accélérer les débats en censurant la gauche sénatoriale. Vous avez bloqué la démocratie. Le blocage, c’est vous !
Vous volez deux années de vie en bonne santé aux travailleurs qui aspirent au repos.
Ce projet de loi est une nouvelle attaque contre les régimes spéciaux, régimes pionniers. Voter la fin du régime spécial des électriciens et gaziers au moment
où ils gèrent les conséquences des intempéries, c’est une insulte !
Monsieur le ministre, vous vous empêtrez à vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes, en affichant des avancées pour les carrières longues ou le revenu minimum de 1 200 euros, avancées lilliputiennes. Vous avez multiplié les contre-vérités. Vous avez échoué. Personne n’est dupe.
Vous voulez reculer l’âge de départ à la retraite. Vous avez aggravé ce projet de loi, mesdames et messieurs les sénateurs de droite. Vous avez introduit le ver dans le fruit : celui de la capitalisation. Vous avez tombé le masque sur votre choix des fonds de pension. Vous voulez rendre obligatoire le recours aux assurances privées.
Monsieur le ministre, vous violez la Constitution en refusant le débat parlementaire et en bafouant le Préambule de la Constitution de 1946, issu du Conseil National de la Résistance.
Votre priorité est d’éviter aux plus riches et au patronat de mettre la main à la poche. Avec vos nouveaux alliés de la droite sénatoriale, vous avez refusé nos propositions alternatives de financement. Partager les richesses, le travail, penser à un monde plus juste et humain est une alternative complète à votre projet de loi libéral, projet d’un vieux monde, où seule la concurrence et le profit trouvent grâce à vos yeux. Mais un nouvel esprit grandit dans notre peuple, et dans tous les pays du monde.
Ce projet de loi est rétrograde, classe contre classe. Vous avez choisi un coup de force antidémocratique. Tous les moyens sont bons : détournement de la Constitution, jusqu’au vote bloqué : c’est de l’autoritarisme ; Emmanuel Macron, dans une dérive bonapartiste assumée, assure ne parler qu’au peuple. Mais écoutez ce peuple, qui est vent debout contre votre réforme ! L’absence de vote de l’Assemblée nationale et le vote bloqué, forcé au Sénat, rendent cette réforme rétrograde illégitime. Pour s’adresser au peuple, que le Président de la République organise un référendum : pour ou contre le recul de l’âge de départ à la retraite ? Ce serait une porte de sortie démocratique à la grave crise sociale et politique que nous vivons.
Retirez votre projet de loi avant que la colère populaire ne vous atteigne. Une femme affichait sur une pancarte cet après-midi : « Je suis fatiguée, laissez-nous le temps d’être heureux ! »
Retrait de cette réforme à 64 ans ! Nous irons jusqu’au bout.
Mon groupe est déçu par cette mascarade de débat. Les yeux étaient rivés sur le Sénat. Nous aurions pu montrer la raison, la conscience. Les Français attendaient beaucoup, après le spectacle désolant de l’Assemblée nationale.
Naïvement, je croyais que nous pourrions sortir grandis. Mais le scénario était écrit d’avance, les uns et les autres se rejetant la responsabilité de l’échec.
Bien sûr, Règlement et Constitution prévoient tous les cas de figure pour l’examen des textes de loi. Mais que dire des multiples rappels au Règlement ou prises de parole sur un même amendement, bien avant l’article 7 ? Ce n’est pas ainsi que l’on fait entendre notre voix.
Bien sûr, le Gouvernement nous a privés de débat sur la deuxième partie. Devait-on en arriver là ? Que dire du véhicule législatif, du rejet par tous les partenaires sociaux et par la rue ?
Nous ne devions pas priver les Français d’un débat d’idées sur les carrières longues, femmes, sportifs, personnes en situation de handicap...
J’espère que l’amendement de mon groupe sur les sapeurs-pompiers volontaires résistera, dans le brouillard de ces débats.
Était-ce trop demander que de débattre avec une véritable envie d’aller jusqu’au bout du texte ? Notre devoir était de montrer notre sincérité. Mais l’image est désastreuse et notre responsabilité collégiale.
Comment réconcilier les Français avec la politique ? Cela ne sert pas notre noble cause. Colère et déception génèrent des votes extrêmes. Certains ont versé dans une théâtralisation qui ne leur sera d’aucun bénéfice. Ce qui s’est passé au Parlement laissera des traces, alors que tous ensemble, nous sommes d’accord pour dire que la démocratie mérite mieux. Chaque membre du RDSE votera selon ses convictions. Je remercie tous les collègues présents et nos collaborateurs.
Je crois toujours à la nécessité d’une réforme.
Reculer pour mieux sauter ne présage rien de bon pour notre système par répartition. Menacé par une logique démographique implacable, notre système, au cœur du pacte social, mérite d’être sauvé, notamment pour plus de solidarité.