Libre-échange ou souveraineté industrielle ?
Par Fabien Gay / 9 février 2023L’enjeu de ce débat est capital pour nos industries, notre agriculture, nos emplois et nos territoires. Les États-Unis, qui n’ont jamais été avares de mesures protectionnistes, mettent aujourd’hui sur la table 370 milliards de dollars pour l’IRA et 52 milliards supplémentaires dans le cadre du Shipping Act, sans concertation avec leurs partenaires. Cette stratégie offensive vient d’être confirmée par le président Biden dans son discours sur l’état de l’Union.
La situation est grave pour les secteurs stratégiques européens. Les Américains sont incités à acheter américain en contrepartie de réductions d’impôt ou de subventions directes. Les dirigeants américains amplifient la guerre économique sous prétexte d’engagement environnemental. Les Nord-Américains seraient plus crédibles s’ils ne renforçaient pas l’exploitation du gaz de schiste...
Déjà prééminents dans les industries pharmaceutique et numérique, les États-Unis se renforcent contre l’Union européenne dans l’industrie de l’armement, l’énergie ou le transport maritime. Ils cherchent à attirer les entreprises d’avenir en captant les savoir-faire et les brevets, sans s’embarrasser des théories du libre-échange qu’ils prônent à l’OMC. Ils utilisent le dollar, monnaie de référence des échanges internationaux, comme une véritable machine de guerre.
Alors que la souveraineté de l’Union européenne est menacée, nous ne pouvons pas rester les bras ballants ni nous asseoir une fois de plus dans les fourgons des Américains.
Nous pouvons nous défendre en renforçant nos marchés publics, qui représentent de 14 à 19 % de l’économie européenne. Préparons nos industries et notre agriculture pour relever les défis d’avenir en investissant dans la recherche et le développement. Quand des secteurs entiers sont menacés, il est possible de déclencher la clause de sauvegarde.
Nous n’avons aucun intérêt à être suivistes des États-Unis. L’alignement sur leur stratégie militaire nous empêche de défendre nos intérêts stratégiques. Nous devrions avoir l’audace de bâtir des consortiums européens, de réviser le marché européen de l’électricité, de modifier les règles budgétaires européennes, pour enfin investir. Les aides d’État comme les crédits européens doivent être conditionnés aux investissements verts et à la défense de nos emplois.
Nous avançons des propositions, et vous nous répondez : tout va bien !
Dans le domaine spatial, par exemple, les Américains sont en train d’achever leur constellation de satellites. Ils subventionnent Space X à gogo et, d’ici quelques années, contrôleront toutes les données. (Mme la secrétaire d’État le conteste.) Même nos données de santé sont détenues par des entreprises américaines.
Sur le marché européen de l’électricité, voilà un an que Bruno Le Maire nous promet de faire bouger les choses, mais rien n’avance et nous restons pieds et poings liés !