LOPMI s’inscrit dans la logique et dans la continuité de la loi dite de sécurité globale
Par Éliane Assassi / 11 octobre 2022Le projet de LOPMI s’éloigne de la coordination entre police et justice en prônant le tout répressif par la systématisation et la simplification de la procédure.
Le projet de LOPMI a été annoncé lors des conclusions du « Beauvau » de la Sécurité » en 2021 et s’inscrit dans la logique et dans la continuité de la loi dite de sécurité globale de mars 2021 dont nous demandons l’abrogation.
S’appuyant sur le livre blanc de la sécurité intérieure, publié en novembre 2020, près de la moitié des moyens prévus par le projet de LOPMI est dédiée à la transformation numérique. Loin de moi l’idée de rejeter cette transformation mais il me semble que l’équilibre n’est pas respecté au sens où la formation de nos policiers aurait dû elle aussi faire l’objet d’un effort conséquent en termes de moyens.
Je sais bien que certains ne veulent pas l’entendre, mais mon groupe s’est toujours refusé à stigmatiser nos forces de l’ordre, mais nous portons l’idée selon laquelle les dispositifs de maintien de l’ordre doivent reposer le plus souvent possible sur la négociation, le dialogue et la pédagogie et non sur la répression, au risque d’aggraver le sentiment de défiance entre la police et une partie de la population.
Malgré votre affirmation selon laquelle la LOPMI est un « levier de rapprochement avec les citoyens », force est de constater que c’est tout le contraire.
D’une part, les victimes seront mises à distance par cette loi. Ainsi, les dépôts de plainte devraient se faire en présentiel et non en ligne. Chacune et chacun ici peut en comprendre les raisons.
D’autre part, le projet de LOPMI s’éloigne de la coordination entre police et justice en prônant le tout répressif par la systématisation et la simplification de la procédure. En simplifiant la procédure pénale sans vouloir l’expliquer, n’est-ce pas considérer que nos agents sont incapables de la comprendre ?
On ne cesse de nous répéter qu’il ne s’agit pas d’un texte sur la justice mais au regard de ses dispositions nous pouvons sérieusement en douter.
La LOPMI, en généralisant l’amende forfaitaire délictuelle à certains délits, prive les justiciables des garanties fondamentales qu’offre la procédure pénale. Elle délègue aux agents de police une fonction qui relève en principe de l’autorité judiciaire, comme l’a souligné la CNCDH mais également le Conseil d’État dans son avis du 10 mars dernier.
La LOPMI envisage également que les OPJ puissent procéder à des constatations et des examens techniques ou scientifiques sans réquisitions préalables, éloignant alors les enquêteurs du contrôle en temps réel du parquet ou du juge d’instruction. Or, il est difficile d’accepter l’idée que la police technique et scientifique puisse s’auto-saisir.
En outre, un abaissement des exigences dans le recrutement des OPJ n’est pas souhaitable. Un officier de police judiciaire dispose de pouvoirs coercitifs dont ne dispose pas un agent de police judiciaire. La responsabilité nécessite l’expérience. De même, mettre en place la fonction d’assistant de police et de gendarmerie n’est pas un gage d’efficacité. La procédure pénale, même son aspect le plus infime nécessite vigilance et rigueur.
Mes chers collègues, avec cette LOPMI, nous sommes face à une « macdonalisation » de la procédure pénale.
Or, servir le citoyen et sa sécurité voilà le cœur battant du métier de policier. Le projet de LOPMI l’ignore pour nous proposer une vision fantasmée à savoir une police hyper équipée. C’est « le label robocop » qui nous est proposé. Des « exosquelettes » ou encore des policiers, des gendarmes et des pompiers « augmentés » ne font pas de nos agents de police de meilleurs professionnels.
Ce texte passe à côté des véritables enjeux des métiers de la sécurité publique. Nous souhaitons une police qui met en œuvre le triptyque, prévention, dissuasion, répression, une police non pas coupée du citoyen mais une police de proximité, exemplaire et digne ce qui est l’ambition portée par des milliers de policières et de policiers.
Votre tâche au gouvernement, notre tâche au Parlement, c’est d’aider à restaurer une confiance trop souvent perdue. Quelles politiques mettez-vous en place pour parler à la jeunesse des quartiers populaires ?
Nous dénonçons, par ailleurs, les partenariats privilégiés avec des sociétés privées dans la droite ligne du projet de sécurité globale, que la LOPMI envisage. Un tel souhait traduit la volonté de l’exécutif de se couper de la police républicaine au profit de sociétés de sécurité mercantiles bien éloignées des fonctions régaliennes de l’État.
Enfin, la LOPMI est l’antichambre de la réforme à venir portant la départementalisation de la police judiciaire. Une départementalisation synonyme d’intrusion du pouvoir exécutif dans les procédures pénales. La colère s’exprime fortement au sein de la magistrature, chez les avocats et, comme nous l’avons vu la semaine dernière, chez les enquêteurs de la police judiciaire.
M. le Ministre, notre société est sous tension, à la crise sociale se sont ajoutées les crises sanitaires et la guerre sur notre continent. La réalité de la crise climatique et écologique est incontournable.
L’insécurité est globale et la police se doit d’être une force d’apaisement et non pas rajouter de l’anxiété à l’anxiété.
Cette difficile équation entre prévention, accompagnement et protection est un défi. Votre loi et votre approche ne peuvent en l’état le relever.
Nous voterons donc contre ce projet de LOPMI et proposerons au Sénat des voies alternatives.