Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Activité des sénateurs

Un budget de la sécu injuste, inégalitaire et insincère

Par / 10 novembre 2022

Le gouvernement allait-il enfin arrêter d’épuiser les recettes de la Sécurité sociale avec les exonérations de cotisations patronales ?

Permettez-moi de citer le gouvernement lors de la présentation, le 23 septembre dernier, de ce budget de la Sécurité sociale pour 2023 :
« En sortie de crise sanitaire, et en début de quinquennat, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est un texte d’ambitions pour répondre aux enjeux du quotidien des Français ».

Pouvions-nous croire que la crise sanitaire et la crise du pouvoir d’achat de nos concitoyennes et concitoyens vous feraient changer de logiciel libéral ? Le gouvernement allait-il enfin arrêter d’épuiser les recettes de la Sécurité sociale avec les exonérations de cotisations patronales ?
Que nenni ! Le PLFSS 2023 prévoit une augmentation de 5 milliards d’euros des exonérations sociales patronales pour atteindre 70 milliards d’euros en 2023. Le gouvernement allait-il enfin prendre en charge ses responsabilités en assumant la dette de la CADES de 18 milliards d’euros de la pandémie de Covid. Un amendement du groupe communiste à l’Assemblée nationale avait d’ailleurs été adopté pour transférer la dette du budget de la Sécurité sociale vers le budget de l’Etat.

Au contraire le Gouvernement a actionné à deux reprises l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour passer outre l’opposition parlementaire et au passage a supprimé cette disposition.
Pour débattre, mes Chers Collègues, il faut en avoir la volonté politique, or elle n’est pas au rendez-vous, loin s’en faut !

Monsieur le Ministre, vous refusez d’entendre la souffrance des personnels des secteurs de la santé et du médico-social, celle des patient·es qui n’ont plus de médecins traitants ou qui attendent des heures sur les brancards dans les couloirs des hôpitaux.
En persévérant dans vos choix, en amplifiant la logique qui est la vôtre qui considère la santé comme un coût qu’il faut réduire, vous détruisez la Sécurité Sociale, à laquelle les Françaises et les Français sont tellement attachés et vous précipitez les départs des hospitaliers.

La situation est critique et annonce un point de non-retour, pourtant vous persévérez et signez une politique irresponsable. En prévoyant une progression des dépenses de l’Assurance maladie à seulement 3,7 %, mais en réalité en diminution de 0,8% en tenant compte de la crise sanitaire, le budget de la santé va augmenter moins vite que l’évolution naturelle des dépenses de santé de 4%.

L’Ondam va demeurer 1 point en dessous de l’inflation estimée à 4,7% pour 2023, ce qui est une première, bien funeste. Ainsi, vous allez réaliser 1,7 milliard d’euros d’économies en 2023 sur le budget de la santé.
Autant d’argent qui va manquer pour recruter du personnel donc améliorer les conditions de travail, interrompant l’hémorragie du personnel qui n’en peut plus.
Pire, vous justifiez les fermetures de lits - 21 000 lits entre 2017 et 2022 - et de services par manque de personnel, mais à qui la faute ?

Qui refuse de donner des moyens supplémentaires aux Universités ? Qui ne réintègre pas les personnels licenciés durant le COVID ? Qui ne prend pas en charge les formations laissant les hôpitaux se débrouiller ?
Vous attendez la montée des colères pour débloquer quelques millions sans vous en prendre à la racine des maux de notre système de santé : le manque de recettes, volontairement entretenu.

Quand une maison menace de s’effondrer, pensez-vous que l’urgence est de repeindre la façade ? C’est pourtant ce que vous faites au gouvernement.
Je pense notamment à la situation des services pédiatriques sur laquelle je vous ai interpellé lors des questions d’actualité, Monsieur le ministre, le 26 octobre dernier.
Là encore, vous m’avez opposé une fin de non-recevoir, balayant les faits que je rapportais d’un revers de main. Pourtant, je ne faisais que relayer la colère, l’indignation des principaux intéressés. Ecoutez le Professeur Stéphane Dauger, chef de service de réanimation pédiatrique de l’Hôpital Robert-Debré, qui ne décolère pas lui non plus. « Entendre que tout est sous contrôle, ça relève presque de la provocation pour ceux qui, sur le terrain, se confrontent à cette crise, dit-il. Même en travaillant jusqu’à l’épuisement, on doit refuser des patients… »
Alors que les personnels de la pédiatrie dénoncent depuis des années les manques de moyens humains et financiers, le gouvernement a jugé suffisant d’accorder une prime de soins critiques et le doublement des heures de nuit uniquement jusqu’au 31 mars 2023.

L’épidémie de bronchiolite n’est que le sommet de l’iceberg de la réalité des urgences pédiatriques le reste de l’année. Le déblocage de 400 millions d’euros est une insulte pour les personnels mobilisés, d’autant que 150 millions étaient déjà prévus pour l’ensemble des services en tension de l’hôpital.

Les services pédiatriques comme l’ensemble des services des hôpitaux ont besoin de mesures structurelles pour pallier aux conséquences des politiques d’austérité menées par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis près de 20 ans.
Les difficultés d’accès aux soins rencontrées par nos concitoyennes et nos concitoyens nécessitent de recruter 100 000 personnels dans les hôpitaux et d’augmenter les capacités de formation des universités pour former davantage de médecins mais aussi des métiers paramédicaux comme les infirmières et les infirmiers qui subissent des conditions dégradées de formation dans les Ifsi.

Au lieu de ces mesures d’urgence, vous préférez ajouter une 10eme année aux internes de médecine et priver les territoires d’une génération de médecins, en 2026.
Cette réforme s’est faite sans consultation des organisations syndicales des internes ni réflexion sur le contenu pédagogique. Alors que, tout récemment, les études de médecine ont subi de profondes réformes, dont les effets n’ont pas encore été évalués, vous allez réduire l’attractivité de la formation de médecine générale.
Le gouvernement tout comme la majorité sénatoriale ne sont pas en phase avec l’aspiration des jeunes générations qui souhaitent exercer dans des structures collectives en étant salarié.

Pourquoi refusez-vous, Monsieur le Ministre, de financer les centres de santé à la même hauteur que les maisons de santé ou les médecins libéraux ?

Pourquoi un centre de santé doit se contenter d’une aide financière à l’installation de 30 000 euros quand les maisons de santé et les médecins libéraux bénéficient eux de 50 000 euros d’aide ?
La création de centres de santé est pourtant une réponse pour combattre les déserts médicaux et paramédicaux qui s’étendent sur tout le pays !

Pourquoi ne pas avoir le courage de rétablir les gardes des médecins le soir, le weekend et les jours fériés ? Pour ce faire, il y a urgence à revaloriser le montant des gardes et à étendre cette obligation à l’ensemble des médecins généralistes y compris en secteur 2.

Au lieu de ces mesures de bon sens, de justice qui nous remontent des établissements hospitaliers de nos territoires, des syndicats, des collectifs, vous choisissez d’exonérer de cotisations sociales les médecins retraités pour qu’ils poursuivent leur activité. On marche sur la tête !

Ce PLFSS était l’occasion de tirer les enseignements de la pandémie et des incertitudes des conséquences de l’apparition d’un nouveau variant.

Comment ne pas être en colère de constater, Monsieur le Ministre, que, pour le financement des tests et des vaccins Covid, vous n’avez provisionné seulement qu’1 milliard pour 2023, quand les mesures d’urgence sanitaires ont coûté plus de 11 milliards en 2022 à l’assurance maladie.
Alors que l’espérance de vie en bonne santé est de 64 ans dans notre pays, le gouvernement et la majorité sénatoriale souhaitent reculer l’âge légal de départ en retraite à 64 ans plutôt que d’augmenter les cotisations patronales de 4€ par mois pour assurer le financement des retraites.
Ce PLFSS 2023 était aussi l’occasion, à défaut d’une loi Grand Âge, annoncé à maintes reprises, de s’engager sur la voie du recrutement de 100 000 professionnels par an pendant 3 ans pour les Ehpad afin de parvenir à un encadrement d’un résident par un soignant.
On en est loin : 170 millions d’euros pour recruter dans les Ehpad représente un demi-poste de plus dans chacun des 7.000 Ehpad de France.

Après le scandale Orpéa, allez-vous continuer à laisser des organismes à but lucratif gérer massivement les établissements qui accompagnent nos ainé·es ? Allez-vous continuer à les laisser faire des profits sur leur dos ?
On le voit, Monsieur le Ministre, votre projet pour accompagner nos anciens est un projet de société aux antipodes de celui que je porte avec mon groupe.

Je parlais, au début de mon propos d’étatisation de la sécurité sociale et de sa remise en cause. Ce constat se confirme par le transfert à la branche famille des indemnités journalières des congés de maternité post-naissance, jusqu’ici prises en charge par l’assurance maladie.
Ce transfert de 2 milliards d’euros vise uniquement à rééquilibrer les comptes entre les différentes branches de la Sécurité sociale, au mépris des spécificités des branches et des cotisations des assuré·es sociaux.
Enfin, alors que les pénuries de médicaments se démultiplient dans notre pays et que même le paracétamol est un produit en rupture nous avons besoin plus que jamais de nous doter d’un pôle public du médicament et des dispositifs médicaux.

Au lieu de cela le gouvernement a reculé, face au chantage à l’emploi, devant les industriels pharmaceutiques qui organisent la pénurie de médicament et refusent d’introduire une dose de transparence dans l’autorisation de remboursement par la Sécurité sociale.

En conclusion ce budget est déconnecté de l’urgence, injuste pour ne pas dire provocateur, inégalitaire et insincère.

Alors que le Sénat doit examiner en 4 jours un budget de 600 milliards d’euros je rappelle que le projet de loi de finances est examiné sur 3 semaines pour un budget de seulement 480 milliards d’euros.
Alors que le Gouvernement a utilisé le 49.3 à deux reprises à l’Assemblée nationale, le Sénat a utilisé son 49.3 interne en déclarant irrecevable la moitié des amendements déposés sur le PLFSS.

Dimanche, le Président du Sénat déclarait, pourtant, dans le journal le Parisien que le Sénat discuterait sur le fond de tous les sujets. Le soir même la commission des finances a jugé irrecevables des amendements comme la mise à contribution des entreprises responsables d’accidents médicaux au financement de la branche accident du travail car je cite, « l’amendement a un effet trop indirect et incertain sur les finances de la Sécurité sociale ».
Cette censure du Sénat et le coup de force démocratique du gouvernement démontre l’absence de volonté de débattre réellement des propositions alternatives de l’opposition.

Pour l’ensemble de ces raisons, Les sénatrices et les sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste invitent tous les parlementaires attaché.es à la Sécurité sociale solidaire, universelle et financée par les cotisations à voter notre motion.

Je vous remercie.

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Bio Express

Laurence Cohen

Sénatrice du Val-de-Marne
Membre de la commission des Affaires sociales
Elue le 25 novembre 2011
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