Un référendum pour nos retraites
Par Laurence Cohen / 2 mars 2023Demander un référendum sur ce projet de recul de l’âge de départ à la retraite sonne aujourd’hui comme une évidence. M. le Ministre, mes Cher·es Collègues de la majorité présidentielle et sénatoriale - aujourd’hui main dans la main – je vous le redis, le rejet de cette mesure provocatrice est massif dans le pays.
C’est une provocation, de répondre par l’obligation de travailler plus longtemps à la détresse, à l’angoisse de la population, frappée par la crise du Covid, victime d’une précarité croissante dans le travail et dans la vie quotidienne et qui subit une inflation à deux chiffres sur les produits alimentaires et de première nécessité.
C’est une provocation à l’égard des femmes. Déjà victimes de discrimination en matière salariale, d’évolution de carrière, plutôt que l’égalité, vous ajoutez de la maltraitance en rallongeant soit leur travail, soit leur période de chômage, car vous savez bien qu’en reculant l’âge de la retraite, c’est le chômage des séniors que vous prolongez.
Le message que vous envoyez aux femmes est des plus cyniques. Vous leur dites qu’elles vont travailler plus longtemps, mais que l’écart entre leurs pensions et celles des hommes qui s’élèvent, faut-il le rappeler, à 40%, va être moindre ! Mais ce que veulent les femmes, ce n’est pas un écart cosmétique, c’est L’ÉGALITÉ.
Depuis 2017, le président Macron a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes, une grande cause nationale alors mettez en adéquation ses paroles et ses actes : l’égalité salariale et l’égalité d’accès à l’emploi des femmes permettraient de résoudre le pseudo déficit qui justifie votre réforme inique !
Avec les ami·es de mon groupe, mais aussi de toute la gauche sénatoriale, nous sommes scandalisés par les propositions de M. Retailleau, s’appuyant sur une idéologie familialiste, nationaliste d’une époque que je n’ose rappeler.
Non M. Retailleau, les femmes ne peuvent avoir pour seule solution, afin d’éviter de travailler jusqu’à un âge indéterminé, que de faire plus d’enfants. Nous vous demandons de retirer cette proposition par dignité !
C’est une provocation à l’égard de la jeunesse, durement éprouvée par le COVID, par un monde incertain, des guerres dans de nombreux pays, la menace d’une troisième guerre mondiale, une jeunesse confrontée à cet inquiétant réchauffement climatique, soumise à un parcours scolaire et universitaire de plus en plus sélectif, dans des conditions de plus en plus difficiles.
Que proposez-vous à la jeunesse ? Un Service National Universel autoritaire, une forme d’embrigadement insupportable pour celles et ceux qui ont soif de liberté et une carrière qui ne se terminera qu’avec la vieillesse, car quel étudiant pourra espérer une retraite avant 70 ans ?
C’est une provocation pour les travailleuses et les travailleurs, y compris celles et ceux qui exercent des métiers pénibles ou ont une carrière longue. Vous maltraitez aujourd’hui celles et ceux que vous couvriez, hypocritement, de louanges, ces premières et premiers de corvée, durant la crise du Covid.
Oui, la colère est grande et elle s’amplifie. La mobilisation à compter du 7 mars s’annonce massive. C’est une très bonne nouvelle ! Et hier, dans l’hémicycle, nous avons pu vivre cette opposition entre 2 projets de société aux antipodes dans un clivage droite/gauche enfin assumé y compris au banc du gouvernement.
M. Macron et son gouvernement, veut passer aux forceps, en utilisant cette procédure de l’article 47-1, si décrié depuis sa mise en œuvre pour l’examen de cette réforme des retraites, et qui relève du détournement de procédure.
Nous l’avons affirmé hier, vous violez la Constitution pour imposer cette réforme. Vous contraignez le Parlement. Vous tentez de le soumettre et nous sommes choqués par cette majorité sénatoriale qui avait affiché son statut de contre-pouvoir, de lieu de résistance à l’autoritarisme de M. Macron, à son mépris du Parlement et qui, aujourd’hui l’accompagne avec complaisance.
Et oui, mes Cher·es Collègues, vous accompagnez le Président de la République dans cette mise au pas du Parlement, pire, cet enjambement du Parlement, puisqu’un texte non soumis au vote de l’Assemblée nationale, et peut-être même non soumis au vote des deux Chambres, si le gouvernement n’ouvre pas plus de jours de débat.
Un débat et une adoption en CMP, dominé par des parlementaires LR, pourtant en perte d’influence dans l’opinion publique.
C’est un coup de force institutionnel. Il faut donner au peuple les moyens d’y résister. Lui donner les moyens c’est lui donner la parole, c’est soumettre ce texte au référendum.
Qui, ici, peut oser dire, alors que plus de 90% des actifs rejettent le texte, restons entre nous, au Sénat, validons ce texte fondamental dans un temps contraint et barrons la route à l’expression populaire ?
Tout vote contre cette motion référendaire est un acte grave contre la Démocratie.
Celles et ceux qui s’entêteront dans ce déni de démocratie porteront la responsabilité de la mise à l’arrêt du pays et d’une légitime révolte.
Avec le groupe CRCE, je vous appelle donc solennellement à voter cette motion référendaire.