Réforme des universités au programme du CA de Paris 8
Par Éliane Assassi / 12 juillet 2007Déclaration d’Eliane Assassi, membre du CA de l’Université Paris 8 - Vincennes - Saint-Denis :
Le débat parlementaire sur le texte appelé désormais « Libertés des Universités », a débuté hier au Sénat et va se poursuivre cette nuit et peut être demain.
Je veux d’emblée préciser ici que l’ensemble des Sénatrices et des Sénateurs du Groupe Communiste, Républicain et Citoyen ont exigé - dès l’ouverture des débats- le retrait de ce Projet de loi. Nous l’avons fait forts de propositions alternatives que nous porterons tout au long des débats ; forts des motions déjà adoptées par 29 universités ; forts des avis défavorables qui s’expriment déjà par voie de pétitions comme vient de le préciser le Président de votre Université.
Cela dit -comme le rapport des forces politiques au Sénat est ce qu’il est et le texte sera sans doute adopté- nous allons défendre des amendements propres à en atténuer les effets néfastes et ce dans l’intérêt des étudiants, des futurs étudiants et de l’ensemble des personnells des universités.
Ces amendements sont le fruit des consultations de mon groupe avec des Présidents d’Université, des enseignants-chercheurs, d’étudiants, de leurs représentants et de responsables syndicaux.
Ils visent à garantir le statut des enseignants-chercheurs, à préserver les conditions de transparence de leur recrutement et à défendre et développer la gestion démocratique des universités.
Ce faisant, nous nous ferons l’écho sur le fond de très nombreux représentants de la communauté universitaire nationale qui, comme le Conseil scientifique de l’Université Paris 8, demandent, je cite : « que le gouvernement renonce à imposer sa réforme durant l’été, qu’il mette en place un véritable débat sur les enjeux essentiels de l’enseignement supérieur et qu’il respecte le temps nécessaire pour une consultation la plus large possible sur l’amélioration de la situation des universités ».
En effet, on peut s’interroger sur le prétendu caractère prioritaire de cette réforme affichée par le gouvernement et le Président de la République, alors que le Parlement n’a pas débattu des finalités et des enjeux de l’enseignement supérieur.
L’université, la recherche, les étudiants et les jeunes, tout ce qui fonde la connaissance, la culture, l’intelligence et l’avenir de notre pays méritent mieux qu’une réforme adoptée à la va-vite pendant l’été.
Oui, l’université française a besoin de réformes pour sortir de la vétusté dans laquelle elle est maintenue depuis trop longtemps et pour répondre aux défis de notre temps.
La question est de savoir quels doivent être les objectifs fondateurs de cette réforme.
Or aujourd’hui, on tente de nous « vendre » cette réforme sous le label de l’autonomie. Nous ne nous laissons pas bercer par cet abus de langage. Oui, nous sommes pour l’autonomie, pour la libre administration des universités. Elle est la condition de l’indépendance des universités vis-à-vis du pouvoir politique. Mais cette autonomie doit se conjuguer avec service public ! C’est la condition de l’indépendance des universités vis-à-vis du pouvoir économique !
Le projet de loi du gouvernement vise quant à lui à contraindre les universités à rechercher des fonds privés pour assurer leur fonctionnement et leur développement. C’est vers la privatisation des universités que ce projet de loi nous emmène, en encourageant le recours aux dons, l’incitation à prendre des participations, à participer à des groupements et à la création de filiale, à la création de fondations.
Le désengagement de l’Etat n’est pas propre à répondre aux besoins de nos universités, ni à leur permettre d’être à la hauteur des défis scientifiques, des besoins de recherche, d’éducation, de formation de notre époque.
Et si le financement public devait être remis en cause, l’autonomie créerait un système de concurrence entre établissements. L’émergence de pôle d’excellence aux côté d’universités de second rang renforcerait et officialiserait la notion de diplôme d’établissement. Cela marquerait la fin de la valeur nationale du diplôme universitaire. En outre, l’université devenue dépendante de l’aide financière des entreprises, le risque serait grand de voir ces dernières exercer un droit de regard sur le contenu des formations et sur l’orientation des étudiants.
C’est pourquoi, nous devons exiger du gouvernement l’engagement que l’Etat continuera à assurer sa mission de premier contributeur financier de l’université publique.
Pour finir, je me félicite qu’ici les 3 conseils aient adopté la motion que le Président de l’Université vient de porter à notre connaissance faisant de P8 la 30ème Université qui demande le retrait de ce projet de loi ; pour l’élue que je suis c’est un encouragement pour exprimer avec force cette même exigence.
Pour construire l’université du 21e siècle, une réforme progressiste et démocratique de l’université doit tout d’abord et d’urgence apporter des moyens financiers d’Etat nouveaux et considérables pour à la fois rénover et moderniser les sites universitaires, et au-delà garantir la pérennité du cadre national de l’enseignement supérieur qui assure l’égalité de traitement entre les établissements, ainsi que la qualité de l’enseignement dispensé aux étudiants.
Une réforme moderne et efficace de l’université française ne doit pas reposer sur la volonté de baisser le nombre d’étudiants et de mettre en concurrence les établissements universitaires entre eux.
La modernité et l’efficacité c’est de donner aux universités et aux enseignants-chercheurs les conditions et les moyens de former et de faire réussir un plus grand nombre de jeunes et d’étudiants. Une réforme moderne et efficace de l’université doit se donner pour ambition de répondre aux besoins de recherche avec une jeunesse formée nombreuse. Afin de doter notre pays et au-delà l’Europe et le monde des citoyens formés, libres et conscients pour développer des coopérations et apporter demain des réponses positives et progressistes aux défis, sanitaires, technologiques, alimentaires, de codéveloppement et environnementaux pour notre planète et l’humanité.