La psychiatrie en débat
Quel avenir pour ce secteur de la santé ? -
Par Annie David / 24 mars 2017Introduction au débat du 23 mars 2017
avec la présence de Laurence COHEN et Dominique WATRIN
Je veux tout d’abord vous remercier d’avoir répondu à notre invitation et vous présenter mes collègues Laurence Cohen, sénatrice du Val de Marne et Dominique, sénateur du Pas de Calais.
Tous trois membres de la commission des affaires sociales du sénat pour le groupe communiste, républicain, citoyen. Commission qui traite du travail, de la protection sociale, de la sécurité sociale, de la santé.
Nous avons souhaité profiter de la suspension de la séance pendant la période électorale qui nous laisse du temps pour nous déplacer, pour entreprendre des rencontres dans nos 3 départements, avec pour ligne conductrice la santé, suite aux différentes réorganisations que ce secteur connait.
En Isère nous axons nos travaux sur la psychiatrie, dans le Pas de Calais, les 3 et 4 avril, sur la question des déserts médicaux et en Val de Marne, fin mai, sur les urgences.
Au programme de ces deux jours en Isère sur la psychiatrie : nous avons pu échanger ce matin avec des représentants syndicaux de la santé, et cet après midi nous avons été accueillis au centre hospitalier Alpes Isère de Saint Egrève où nous avons pu rencontrer des personnels, des patients et des usagers. Demain vendredi nous nous rendons sur le site du CH de Vienne dont l’activité Psychiatrie a été transférée sur l’établissement de santé mentale, privé, Portes de l’Isère, auparavant Centre psychothérapeutique Nord Dauphiné. En fin d’après midi, nous rencontrerons le Dr Grall, directeur de l’Agence régionale de santé.
Je tiens à remercier sincèrement les responsables d’établissements qui ont accepté de nous recevoir, de nous rencontrer et ont facilité l’organisation de ces journées, à remercier les organisations syndicales qui se sont organisées pour nous permettre de rencontrer les personnels sans oublier les patients et usagers.
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La santé mentale et la psychiatrie sont des sujets qui nous mobilisent depuis de nombreuses années.
Nous pensons qu’il s’agit d’un enjeu majeur pour notre société, d’autant plus si l’on considère qu’un quart de la population, patients et proches, est aujourd’hui confronté à des troubles psychiques sous forme de souffrance psychique ou de troubles mentaux sévères ou graves. Et ce chiffre, compte tenu du vieillissement de la population, mais aussi de l’augmentation de la demande de soins concernant les enfants, des pathologies liées aux formes de travail et de précarité, ne peut que croitre. Aussi nous attendions une loi cadre humaniste pour la psychiatrie, dans une vision multifactorielle des troubles induisant une psychiatrie pluridisciplinaire, de proximité.
Pourtant dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé, sur 227 articles seuls deux articles concernaient la psychiatrie. Et dans la période 2011-2013 les principales mesures législatives concernant la psychiatrie n’ont eu d’autres visées que sécuritaires. Je pense notamment à la loi de 2011 issue d’un drame qui a eu lieu à Grenoble.
En France, depuis la loi du 31 décembre 1985 qui a confirmé une politique suivie dès les années 1960, la psychiatrie est régie selon le principe de la sectorisation, s’inspirant des courants humanistes contre le système asilaire.
Une approche résolument bienveillante, humaniste et progressiste des soins psychiatriques dans un souci de prise en charge globale du patient en mettant en lien l’hôpital et la cité ; l’organisation psychiatrique articulant ainsi les soins à l’hôpital et le suivi et l’accompagnement thérapeutique ambulatoire en CMP, hôpital de jour, à domicile, etc.
Ce système qui tente de répondre à l’ensemble des besoins aigus et quotidiens des patients atteints de pathologies psychiatriques et de leurs proches, est depuis un certain nombre d’années de plus en plus limité par le manque de moyens financiers et la réduction des effectifs résultant de la loi HPST de 2009, et de la loi de modernisation de la santé en 2016 confortées par les lois de finances .
On comprend aisément qu’une mesure comme les Groupements Hospitaliers de Territoires qui vise à mutualiser les services et réduire le nombre de structures de proximité avec l’objectif d’augmenter la taille du secteur psychiatrique de 70 000 habitants à 240 000 habitants, menace en premier lieu le principe du secteur.
Notre groupe CRC s’est opposé à la logique de la loi la santé de 2016 comme il s’est opposé à la loi Bachelot de 2009 et aux différentes lois de finances dictées au nom de la modernisation et de la rationalisation, par la baisse des dépenses publiques et la recherche d’économies comptables. Une logique économique imposée par les tutelles, qui peut difficilement permettre de répondre aux besoins de santé grandissant de notre pays et d’améliorer la prise en charge des patients, transférant une part importante de l’activité, vers le secteur privé ouvrant à la marchandisation de la santé et à la concurrence.
La mobilisation des personnels hospitaliers, des médecins eux-mêmes exprime clairement la difficulté de l’exercice qui leur est imposé pour pallier aux fermetures de postes, de lits, d’unités de soins et de suivi, à la réduction des moyens, et qui engendre de véritables souffrances pour les soignants comme pour les patients, leurs familles et leurs proches. On ne peut ignorer l’appel lancé par 166 médecins et psychiatres du Vinatier soutenus par 78 de ceux de l’hôpital Saint-Jean de Dieu.
Pour mémoire, l’ONDAM objectif national de dépense de l’assurance maladie pour 2017 est réduit de 3 milliards et demi dont 1,7 milliard pour l’hôpital, la moitié, avec la suppression de 22 000 postes, essentiellement des départs en retraite non remplacés.
La situation est d’autant plus sensible concernant la psychiatrie peu compatible avec les logiques comptables ; alors quel avenir aujourd’hui pour la psychiatrie ?
Vous avez je le sais à ce sujet beaucoup de choses à échanger aussi je vous propose que nous commencions.
Annie DAVID