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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Activités physiques et sportives : deuxième lecture

Par / 22 juillet 2003

par Annie David

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Chers Collègues,

Comme je vous le rappelais lors de mon intervention le 16 juin dernier, la reconnaissance de la spécificité du sport a été obtenue lors du sommet de Nice, en décembre 2000. De même, les fonctions sociales, éducatives, et culturelles du sport y ont été réaffirmées avec force, et il a été rappelé que depuis l’antiquité, le sport a une valeur démocratique. En outre, la nécessité de la lutte contre sa marchandisation à outrance est inscrite dans la déclaration.

Et j’affirme qu’en ces temps présents, nous avons toujours besoin du sport, ou activités physiques et sportives, qui constitue un moyen d’affirmation et d’épanouissement des individus, ainsi qu’un vecteur de citoyenneté et de solidarité.

Bien sûr, comme bien d’autres pays, la France doit modifier ses mesures législatives afin de s’adapter aux nouvelles réalités. Mais la législation doit refléter et consolider le rôle que joue l’Etat français dans la promotion et le développement des activités physiques et sportives.
Pour les sénatrices et sénateurs communistes, ce dont le sport a besoin, c’est d’un Etat qui s’implique fortement aux côtés des associations, des clubs, des adhérents, sans oublier bien sûr les collectivités territoriales, un Etat qui accompagne sa volonté politique en matière de sport d’un financement pérenne, d’une volonté de maintenir la cohérence de l’édifice sportif français, permettant ainsi aux sports professionnels et amateurs de rester soudés.

Or la voie que vous nous indiquez ressemble fort à une dérégulation accrue et accentue la marchandisation du sport, au détriment du sport pour tous, bien que l’accès à la pratique sportive est et doit rester un droit fondamental.

Je ne rentrerai pas dans le détail, puisque nous en sommes à la deuxième lecture de ce texte, mais permettez-moi de vous rappeler l’opinion de mon groupe.

Par votre article premier, vous permettez aux "organismes à but lucratif", dont les contours sont pour le moins flous, d’intégrer les instances fédérales, introduisant une rationalité économique au détriment d’une rationalité sportive. Or, les valeurs de profit n’ont jamais représenté jusqu’alors les valeurs du sport.
Votre texte, Monsieur le Ministre, place le pratiquant de club à égalité avec le consommateur ! Mais le licencié doit être considéré autrement que comme une proie pour le commerce culturel : en fait, il est un partenaire agissant, un co-acteur de son environnement.

En outre, sur le plan de l’exercice démocratique, le présent texte, en abandonnant le principe « un licencié, une voix » ne se risque même pas à envisager l’entraînement à une démocratie directe.

Pourtant, la tradition associative en France, sous la protection de la Loi de 1901, nous donne une formidable expérience de l’initiative démocratique individuelle et collective. J’entends tout à fait qu’il faille adapter, dans le domaine du sport la loi 1901, aux nouvelles réalités mais, dans le sens préconisé par le rapport de François ASENSI, afin d’éviter de dénaturer le sport. Cela permettrait de répondre aux problèmes des fédérations de ski, d’équitation, ou encore de golf, tout en évitant de marbrer dans la Loi des problèmes spécifiques et d’en faire du droit commun.

Avec vos articles 2 et 3, vous allez plus loin. Sous prétexte d’une nécessité à adapter les clubs professionnels à leur environnement économique, vous compromettez la vie de l’association elle-même en creusant encore plus le fossé entre sa "société", le club, et son tissu associatif. Cette recherche systématique des flux financiers menace sérieusement la solidarité entre les sports amateurs et professionnels, vous aurez compris que je parle ici du football.

Si je peux être en accord avec les articles 4 et 5, bien que la rédaction modifiant l’article 43 de la loi de 1984 ne me donne pas entière satisfaction, je réprouve l’article 5 quater, relatif au déremboursement de certains médicaments.

C’est par le biais d’un amendement glissé à l’assemblée nationale, que le gouvernement a fait adopté cet article.

Comment pouvez-vous profiter de ce texte pour passer un tel article, qui pour le coup nous renvoie au dopage, sans nuire à l’image des sportifs ? Il est à regretter par ailleurs que rien dans votre texte n’aborde le sujet de la médecine du sport, de la santé des sportifs. Ne nous trompons pas de cible, car nous le savons tous, le dopage est l’envers du décor de la financiarisation à outrance ; et c’est pourtant bien dans cette direction que vous engagez, avec votre texte, l’ensemble du mouvement sportif.

Mais cet article 5 quater fera bien sûr l’objet d’un amendement de ma part et j’y reviendrais donc plus tard.

Quand aux derniers articles de ce texte, bien qu’une question de délai subsiste pour les fédérations concernées par les JO d’hiver, me semble-t-il, peut-être d’ailleurs pourrez-vous me répondre à ce sujet, Monsieur le Ministre, je ne reviendrai pas plus sur leur contenu.

Je voudrais, pour terminer mon intervention, vous donner mon sentiment global sur ce projet.

S’il y a un point sur lequel je peux être en accord avec vous, Monsieur le Ministre, c’est qu’effectivement, votre texte a une très grande importance. Mais, vous vous en doutez, mon accord s’arrête là. Les raisons mêmes de cette importance font que je ne peux vous suivre quant au fond de cette loi.

Vous vous attachez systématiquement à détruire tout ce que des années de bénévolat, de pratique sportive, d’expériences acquises avaient réussi à mettre en œuvre, dans le cadre de la loi 1901 sur les associations, à croire que là aussi, comme pour les intermittents du spectacle, l’archéologie préventive, l’éducation nationale, votre gouvernement ne s’y intéresse que pour leur côté mercantile potentiel.
Il est vrai que dans tous ces domaines, nous sommes loin des compétences régaliennes de l’Etat.

Vous favorisez là aussi le libéralisme, au détriment de l’humanisme. Si je conçois tout à fait que le sport de 2003 n’est pas celui de 1901, l’esprit même du sport, lui, est resté, à savoir, la solidarité, l’épanouissement, le développement, le dépassement de soi, la citoyenneté…vous y rajoutez, Monsieur le Ministre, un nom commun, la rentabilité.

Et pour en revenir à l’éducation nationale, quel dommage que votre texte ne mette pas plus l’accent sur le sport scolaire !

Car c’est bien dans cette enceinte que l’on peut créer des motivations à pratiquer le sport, c’est bien là que les jeunes peuvent approcher au plus près le sport. C’est bien là aussi qu’ils pourront affirmer leur personnalité.

Et aux états généraux du sport du 8 décembre 2002, le rapport final n’était-il pas articulé en cinq parties ?
- Développer l’accès aux pratiques sportives
- Favoriser l’éducation à la citoyenneté
- Contribuer à l’insertion sociale et professionnelle
- Participer à la prévention et la lutte contre les incivilités et la violence
- S’associer aux politiques locales de développement social.

L’éducation nationale répond au moins à quatre de ces cinq parties…

Vous nous dites que votre texte est issu des États généraux du sport : mais à le lire, ce sont surtout les demandes de ceux qui veulent en faire une valeur marchande qui ont été entendues !

Et quel dommage que rien n’apparaisse sur le sport féminin, le sport en entreprise, et pas un mot non plus sur le sport pour les athlètes handicapés !

Si je conçois bien volontiers qu’aujourd’hui, le mouvement sportif soit composé de différents statuts, je reste persuadée que le sport professionnel, plutôt que de sonner le glas du sport amateur, est un vecteur de dynamisme pour nos sportives et nos sportifs, et qu’il doit contribuer à l’épanouissement du sport amateur, du sport pour tous. Ces deux "types" de pratique sportive sont complémentaires, ils s’alimentent l’un l’autre.

Je regrette pour ma part, que votre texte fasse la part trop belle au sport marchandise, qu’il permette à l’argent roi de s’introduire au plus profond des fondements du sport.

Cette marchandisation du sport déstabilise l’éthique sportive, qui elle n’est pas compatible avec la logique économique.

En conclusion, Monsieur le Ministre, même si c’est certainement sans l’emphase du grand homme qu’était Martin Luther King, je voudrais vous faire part d’un rêve, que j’ai fait pour le sport, pour les Activités Physiques et Sportives.

Elles donnaient, ces APS, à nos enfants l’espoir de grandir en essayant une foule de sports, l’espoir de devenir de grands champions.

Elles donnaient aussi à nos jeunes athlètes la possibilité de réaliser tout leur potentiel, de remporter plus de succès dans leurs études et de réaliser à leur tour leurs rêves.

Elles permettaient à nos athlètes de haut niveau de résoudre la difficile adéquation « entraînement, compétition, formation, emploi », tout en ne se transformant pas en « homme sandwich », pouvant ainsi se consacrer entièrement à leur discipline.

Elles permettaient à nos entraîneurs de se perfectionner, d’avoir une carrière stimulante, de voir réussir nos athlètes.

Elles se préoccupaient de nos bénévoles, pierre angulaire de l’organisation du sport en France, et leur donnaient l’espoir d’élargir leurs expériences de vie, l’espoir d’apprendre et de s’épanouir en donnant de leur temps et surtout leur permettaient de continuer à œuvrer pour le sport.

En somme, les activités physiques et sportives donnaient à chaque individu l’espoir de mener une vie saine et active, l’espoir d’améliorer sa qualité de vie et le bien-être de notre société.

Ce rêve, je vais vous le dire, c’était le retrait de votre texte.
C’est vrai, monsieur le ministre, le réveil est toujours difficile lorsque l’on fait un joli rêve…

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, Monsieur le Ministre, mon groupe ne votera pas pour votre texte.

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