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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Archéologie préventive

28 mars 2000

par Ivan Renar

Monsieur le secrétaire d’Etat, permettez-moi, dans cet hémicycle que vous connaissez bien, de vous adresser ainsi qu’à Mme Catherine Tasca - je ne doute pas que vous lui transmettrez ce message - un cordial salut de bienvenue - de bon retour devrais-je dire, la concernant - en vous souhaitant un plein succès dans le traitement des dossiers complexes de la culture et de la communication.

Dans le monde où nous vivons - il ne va pas bien, mais il n’y en a pas d’autre, et c’est le nôtre, disait Jean-Paul Sartre - comment ne pas voir que les oeuvres des artistes, des créateurs, qu’ils soient poètes, chanteurs, acteurs, peintres, musiciens, portent toute la palpitation du monde, d’un monde difficile où, heureusement, il y a toujours, quelque part, quelqu’un qui chante dans la nuit ?

Ne voulant pas insulter le passé, je n’oublie pas tous ceux qui se préoccupent du patrimoine, celui d’hier et celui de demain - savoir se souvenir de l’avenir, disait le poète. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’Etat, ainsi que Mme Tasca, de les accompagner dans ce qui est plus que jamais une oeuvre de civilisation.

Le projet de loi que nous discutons aujourd’hui, on l’attendait depuis de très nombreuses années pour donner à l’archéologie, et plus spécialement à l’archéologie préventive, une source légale qui, il faut le reconnaître, lui faisait défaut jusque-là.

Le cadre - je n’oserai pas dire
" légistatif " - de 1941 n’est plus adapté aujourd’hui. C’était une époque d’un caractère pour le moins particulier, et je me dois de rappeler, sans vouloir être grinçant, que les chantiers étaient alors ceux du mur de l’Atlantique. Il était tout de même temps de faire autre chose !

Face à l’inquiétude de toute une profession, qui, en 1998, craignait de voir l’archéologie soumise aux lois du marché, le ministre s’est attaché à élaborer le texte qui nous est présenté aujourd’hui.

J’avais moi-même, avec le groupe communiste républicain et citoyen, proposé un texte sur l’archéologie, dont le but était de donner une juste place à l’archéologie territoriale.

En effet, nous pensions - et nous pensons encore aujourd’hui - qu’à côté de l’archéologie nationale les collectivités territoriales ont dû, souvent par défaut de l’Etat, instruire elles-mêmes la protection de leur patrimoine. Depuis la fin des années soixante-dix, un certain nombre de départements, de villes, notamment des villes d’art et d’histoire, ont accompli un travail reconnu dans la connaissance et la gestion de leur histoire à travers la mise en place de services archéologiques.

La proximité des laboratoires territoriaux d’archéologie est, en outre, un facteur important en ce qu’il permet une meilleure corrélation entre patrimoine, histoire et territoire.

Ainsi, dans l’ensemble des collectivités dotées de services d’archéologie, les fouilles archéologiques, les publications et les expositions se sont multipliées. De multiples collaborations ont vu le jour, associant l’éducation, l’économique, le social et le culturel.

Déposant cette proposition de loi, nous souhaitions, néanmoins, conserver une indispensable hauteur de vue et donner à l’archéologie une place de choix dans les responsabilités de l’Etat. Aussi posions-nous comme un préalable l’inscription de l’archéologie dans les missions du service public.

Nous vous savons gré, monsieur le secrétaire d’Etat, de nous avoir entendus et d’avoir su écouter l’ensemble des acteurs de l’archéologie, pour donner à chacun une place particulière, tout en réaffirmant avec conviction les missions publiques de l’Etat en matière archéologique.

Le projet que nous examinons, tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale, pose un cadre que nous pensons adapté au développement de l’archéologie.

L’archéologie, après bien des années, se trouve placée au rang des missions du service public.

A l’AFAN devrait succéder un établissement public administratif. Ce nouvel organisme devrait accomplir ses missions avec le concours " d’autres personnes morales ", pour reprendre les termes mêmes de la loi.

Enfin, et cette disposition était attendue, l’article 4 du projet de loi crée une redevance archéologique de nature à assurer le financement de l’archéologie dans notre pays.

Certes, en l’état, le texte, et c’est là tout l’intérêt d’une lecture plurielle, reste à parfaire, même si nous devrons, dans quelques années, faire le point de l’application de ce texte et peut-être adapter le dispositif.

Ainsi, en l’état actuel du texte, l’assiette de la redevance devrait être, selon nous, élargie.

De la même manière, les opérations de diagnostic archéologique ne sont engagées qu’à partir du moment où les pétitionnaires engagent les procédures d’utilisation du sol. L’aménageur ne peut alors disposer des informations relatives à une éventuelle contrainte archéologique. Or, la prise en compte très en amont des travaux et des contraintes archéologiques permettrait une plus grande efficacité des travaux de diagnostic.

Enfin, le dispositif de la redevance, pour la partie qui relève des redevances pour fouilles, devrait être amélioré et introduire des taux différenciés selon les types de vestiges.

Je tenais, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, à vous faire part de ces observations avant même l’examen du texte, car - doit-on le déplorer ? - le texte sur lequel nous serons amenés à nous prononcer n’aura plus qu’un lointain rapport avec le projet de loi modifié par l’Assemblée nationale, comme en témoignent les amendements de notre commission.

En effet, notre commission des affaires culturelles modifie substantiellement le dispositif originel du texte.

Ainsi, le monopole dont pouvait bénéficier le nouvel établissement concernant les opérations de diagnostic et de fouilles n’est pas maintenu. Peut-être est-il imprudent de parler, en l’espèce, d’ouverture du champ archéologique à la concurrence. Notre rapporteur ne l’a pas fait, et je lui en donne acte.

Pour autant, la rédaction même du dispositif qui nous est proposé, et qui prévoit que le représentant de l’Etat en région désigne le responsable des opérations archéologiques, pourrait condamner toute velléité de notre pays à se doter d’un instrument public d’investigation archéologique.

En effet, nous pensons qu’en matière d’archéologie il convient de concilier les intérêts locaux et les intérêts nationaux.

Dans ce cadre, la posture nationale pour désigner les opérateurs nous paraît être une garantie de sauvegarde des intérêts de l’archéologie et de notre patrimoine.

L’amendement proposé par notre commission et qui concerne les délais de réalisation des opérations archéologiques nous préoccupe également. Le fait de réduire à un mois les opérations de diagnostic - je préfère désigner ces dernières par le mot d’évaluation, mais j’y reviendrai - et à six mois les opérations de fouilles ne nous paraît pas de nature à assurer la meilleure sauvegarde de notre patrimoine.

Nous avons également le souci de permettre un aménagement de notre territoire ; pour autant nous ne pensons pas que cet aménagement pourrait souffrir à cause de la sauvegarde de notre patrimoine, alors que l’inverse semble plus vraisemblable.

Si nous ne sommes pas frileux quant à la question du statut des établissements publics culturels, le caractère administratif de l’établissement permettait à l’Etat de consacrer l’archéologie préventive au rang de ses missions régaliennes ; la transformation de cet établissement en établissement public industriel et commercial n’aurait pas la même portée normative.

Sur ces questions, et pour les aspects du texte amendé par la majorité sénatoriale qui posent réellement problème, nous avons souhaité introduire une série d’amendements et de sous-amendements afin de revenir à une version du texte plus soucieuse, me semble-t-il, des intérêts de notre patrimoine.

Comme je le soulignais au début de cette intervention, notre pays est relativement en retard dans l’exploration de son patrimoine archéologique.

Aux côtés du nouvel établissement public, qui aura en charge l’essentiel des missions de l’archéologie, il conviendra de veiller à doter les structures décentralisées du ministère de la culture des moyens qui, ici ou là, font encore défaut, notamment en personnel.

Les régions ne bénéficient pas d’un égal traitement. A partir de là, l’élaboration de la carte archéologique prend du retard, même si l’on sait que, par définition, il ne pourra jamais s’agir d’un document achevé.

De la même manière, il nous faut regretter le peu de cas que l’on fait aujourd’hui des recherches en sciences humaines. Les crédits de recherche pour la culture ne permettent pas à la recherche publique d’avancer à un rythme satisfaisant dans le champ des disciplines archéologiques.

Le mot " archéologie " est apparu au XVIème siècle, à un moment où le savoir et l’humanisme triomphaient des quelques siècles obscurs qui avaient précédé. Il n’est pas inintéressant de noter qu’aujourd’hui certaines formes de libéralisme, au présent encore trop vivace, viennent freiner, comme le religieux en d’autres périodes, le champ de la connaissance. Car la loi du marché, vous le savez, est sans conscience ni miséricorde...

Ainsi avions-nous un texte, concernant l’archéologie préventive, qui, pour peu qu’on l’améliore encore, constituait un préalable intéressant. Je me risque à espérer que la commission, soucieuse à l’ordinaire de l’intérêt général, reviendra sur certaines de ses propositions d’amendement, dans l’intérêt de la recherche archéologique mais aussi parce que nos contemporains sont soucieux de la protection de leur patrimoine, dans l’intérêt de l’aménagement de notre territoire. C’est dans cet espoir donc que je fonde l’issue positive de notre vote sur le projet de loi qui nous est soumis. Explication de vote

Monsieur le secrétaire d’Etat, tout au long de vos interventions vous avez rappelé votre intention de mettre à plat les moyens dont bénéficie l’archéologie, en particulier afin de remédier aux disparités existantes, disparités qui sont autant de freins à la mise en place d’une carte archéologique nationale couvrant de manière satisfaisante l’ensemble de notre territoire.

De la même façon, j’ai bien noté votre attachement à développer toutes les formes de coopération et de croisement entre les services centraux de l’Etat, les services déconcentrés et les collectivités territoriales, en vue de valoriser au mieux le patrimoine, notamment archéologique.

En l’état, tel qu’amendé par la majorité sénatoriale et malgré l’intérêt des réflexions et de certaines propositions de M. le rapporteur, j’estime que ce texte nous ramène en arrière. Cela étant, il fera sans nul doute l’objet d’une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, ce qui permettra de parfaire le dispositif qui nous est proposé.

Le projet de loi prévoit désormais la remise au Parlement d’un rapport sur l’exécution de la loi. C’est un point positif qui ressort de nos travaux, mais il nous faudra aussi veiller à l’application des décrets et au strict encadrement de ces derniers.

En tout état de cause, notre vote contre le projet de loi dans sa rédaction actuelle marquera donc surtout notre attente d’un texte plus conforme à l’intérêt national dans le domaine de l’archéologie préventive.

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