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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Archéologie préventive : débat relatif au rapport d’information Gaillard

11 mai 2006

L’archéologie préventive a été reconnue par la loi du 17 janvier 2001 et on ne peut que se réjouir de cette avancée de civilisation tant l’archéologie préventive est indispensable à une meilleure connaissance scientifique de la longue histoire de nos sociétés. Il nous revient de toujours mieux mettre en lumière ce formidable héritage enfoui et surtout de le transmettre aux générations futures. D’autant qu’il existe une forte demande de nos concitoyens de mieux connaître et comprendre l’histoire de l’humanité et l’expérience des générations qui nous ont précédés. Découvrir nos racines, pour mieux comprendre le présent et préparer l’avenir. C’est une exigence à la fois scientifique et populaire.

Nous constatons en effet une forte prise de conscience collective sur l’importance de cette discipline scientifique que constitue l’archéologie préventive. Si pendant trop longtemps, nos musées n’ont fait la part belle qu’aux découvertes archéologiques menées à l’étranger, en Grèce, en Egypte ou en Italie par exemple, aujourd’hui les amateurs de plus en plus nombreux savent que notre sous-sol est riche d’un patrimoine remarquable, trop longtemps négligé. Il est heureux que les pouvoirs publics se soient dotés d’une loi et d’un établissement public national favorisant les fouilles. Ainsi, il est indéniable que l’archéologie préventive renouvelle l’approche du passé et a permis de revoir certaines idées reçues sur l’organisation sociale et territoriale des sociétés gallo-romaines pour ne citer que ce seul exemple.

Bref, si l’archéologie préventive et l’INRAP n’existaient pas, il faudrait les inventer. Car le patrimoine archéologique est comme un incunable précieux dont chaque page déchirée est à jamais détruite. De nombreux vestiges ont scandaleusement été détruits au cours de la seconde partie du siècle dernier. Ce qui n’a pas manqué de susciter une vive émotion chez nos concitoyens. Aujourd’hui, l’activité d’aménagement du territoire national reste très intense : l’équivalent d’un terrain de football est retourné en profondeur toutes les huit minutes et l’on découvre en moyenne un site important par kilomètre de nouvelles infrastructures routière ou ferrée, sans parler des multiples aménagements urbains. C’est dire l’importance des enjeux !

Plus personne ne conteste que le patrimoine archéologique constitue un véritable trésor pour l’humanité : il est donc légitime que ce soit la collectivité, par le biais d’un service public de l’état qui soit habilitée à régir, étudier, diffuser cette mémoire collective irremplaçable. La recherche archéologique de notre pays relève bien de l’intérêt général et par conséquent l’archéologie préventive d’une mission de service public. Pour des raisons d’argent ou à cause de l’impatience des aménageurs, trop de découvertes ont été impunément anéanties à jamais.
C’est pourquoi l’archéologie ne peut être livrée aux seules lois du marché et de la rentabilité. Pourtant, depuis sa création en 2001, la loi est remise en question et les moyens de l’INRAP régulièrement amputés.

On ne peut pas comme vous l’écrivez mon cher Yann Gaillard, décrire la grande compétence de l’INRAP et de ses archéologues et dans le même temps demander une réduction des moyens de l’établissement. Bien sûr votre rapport n’est pas un document uniquement à charge contre l’archéologie préventive, mais néanmoins, je constate, sans pour autant nier certaines difficultés réelles de l’INRAP, que plusieurs ministères voudraient jeter le bébé avec l’eau du bain. Cela s’inscrit dans l’air du temps libéral où de nombreux technocrates nous vantent les vertus d’une concurrence libre et non faussée en s’efforçant de nous faire croire que la notion même de service public appartiendrait au passé et à ce titre ne serait plus qu’un vieil objet n’intéressant que.... l’archéologie. Comme le disait déjà mon ami Jack Ralite en 2003 : « le budget est malmené, comme mis en examen. Et je pressens qu’est en train de s’ouvrir un vrai débat de la dépense culturelle, comme si, sans le dire, on lui reprochait d’exister ».
Notre pays ne peut pas promouvoir de façon crédible la diversité culturelle y compris à l’UNESCO s’il ne se donne pas les moyens de faire vivre et d’éclairer ce que furent les productions humaines d’hier, qu’elles soient économiques, sociales ou culturelles.

Les français sont passionnés par leur histoire comme en témoigne le succès dans un autre cadre des recherches généalogiques, ou encore le succès fulgurant de la consultation en ligne des archives numérisées de l’INA. On a eu raison de se doter des moyens nécessaires à la sauvegarde de ces documents audiovisuels si fragiles et de permettre leur diffusion à un large public. C’ est une sorte d’ « archéologie préventive » du XXIème siècle. Tout comme on a eu raison de se doter avec l’INRAP des moyens de donner une nouvelle vie aux vastes gisements de mémoire que recèle notre sous-sol. Et si l’archéologie préventive a un coût, elle est surtout un investissement d’avenir. Elle est partie intégrante de l’exception culturelle et lui donne encore plus de force. Car on le sait, il n’y a pas de création sans l’assimilation critique de l’héritage du passé.

Alors, après avoir amputé drastiquement les moyens de l’établissement public qu’est l’INRAP, ce qui génère inévitablement des difficultés dans la poursuite de ses missions de service public, je redoute que ce nouveau rapport ne vise qu’à lui infliger le coup de grâce. Certes, les compétences de l’INRAP et de ses archéologues ne sont pas contestées et chacun se réjouit du résultat inespéré des fouilles à Marseille pour ne citer que cet exemple, qui ont permis de mettre à jour un sanctuaire qui date de la fondation de la ville, soit quelques six cents ans avant notre ère. C’est ainsi le plus ancien monument architectural de France qui a été exhumé, valant à ce site exceptionnel d’être classé !

Sur un secteur devenu concurrentiel depuis la loi de 2003, l’INRAP ne maîtrise pas son carnet de commandes puisque c’est l’Etat et ses services archéologiques qui prescrivent. Les conséquences de la loi de 2003 n’ont pas été tirées, ce qui rend le pilotage de l’établissement hasardeux avec un déficit croissant induit par le dispositif législatif lui-même. L’ouverture à la concurrence, introduite par la loi de 2003, est-elle de nature à améliorer la qualité des missions scientifiques des différents opérateurs ? Avez-vous des analyses précises sur ce sujet ? Pour ma part, je pense qu’elle a contribué à accroître les délais de diagnostics et fouilles archéologiques de plusieurs mois, là où la concurrence était présente.

Notre connaissance historique est-elle le fait de la concurrence ? Doit-on écrire l’histoire de France avec tantôt Vinci, tantôt Arcélor ou une société suisse ?
Ne peut-on pas au contraire fédérer autour de l’INRAP les opérateurs majeurs de l’archéologie préventive, les compétences locales, régionales, privées, les universités, le CNRS, afin de bâtir des projets opérationnels de qualité plus attractifs en terme de coût et de délais ?

Ne devrions nous pas envisager un dispositif où l’INRAP soit au cœur des projets et non plus en voiture balai ?
L’INRAP a conscience de ses faiblesses et les analyse tout en préconisant des solutions : qu’il s’agisse du coût prohibitif des fouilles pour les aménageurs, du principe de financement sur le concept « pollueur-payeur » inadapté, des délais de réalisation trop longs, et enfin des conséquences néfastes d’un système de gestion archaïque, incohérent et bureaucratique. On ne peut que se féliciter que l’INRAP n’hésite pas à se remettre en question de façon constructive, soucieux de mieux répondre aux attentes des archéologues, comme aux attentes des aménageurs. Alors plutôt que de s’acharner sur l’INRAP, dont les missions sont fixées par la loi, ne faudrait-il pas que le gouvernement et l’état se dotent d’une véritable vision stratégique afin de développer cette essentielle mission de civilisation qu’est l’archéologie préventive ?

Pour ce qui concerne les opérateurs, celle-ci est aujourd’hui entrée dans les mœurs. Plus que jamais, nous avons besoin de l’INRAP et d’un engagement fort de l’état à ses côtés.
Les personnels de l’INRAP, très attachés à la notion de service public ne demandent qu’ à mettre en place des procédures et dispositifs plus souples et cohérents afin de toujours mieux développer l’archéologie préventive et l’appropriation des découvertes et recherches scientifiques par un vaste public. Et si certains trouvent qu’il y a trop d’archéologues, en ce qui me concerne, je pense qu’il n’y en a pas assez pour faire face aux trois cent mille permis de construire déposés chaque année, sans parler des nouveaux grands projets d’infrastructures de notre territoire. Les archéologues ne demandent qu’à être sur le terrain et à travailler en bonne intelligence avec les aménageurs publics ou privés sans lesquels il n’y aurait pas d’archéologie préventive.

L’ensemble des acteurs concernés souhaite que tout soit mis en œuvre pour permettre à l’INRAP d’être un outil efficace au service de la science, en lien avec les services archéologiques des collectivités territoriales. C’est pourquoi, je préconise avec mes amis, la mise sur pied d’une table ronde réunissant les archéologues, les pouvoirs publics, les aménageurs publics et privés sans oublier les services de l’état, afin de procéder à un état des lieux partagé et de proposer une évolution du mode de fonctionnement actuel et la pérennisation de l’archéologie préventive en adossant son financement sur un dispositif équilibré, où bien sûr l’état doit avoir toute sa part.
La loi de 2001, puis celle de 2003, dont l’impact est mesurable, doivent être analysées tant du point de vue des prescriptions que de la capacité de l’INRAP à y faire face dans les mois et les années à venir.

Le rapport dont nous débattons succèdent à trois inspections générales en trois ans, émanant de trois ministères : les Finances, l’Intérieur, la Culture sans oublier la mission interministérielle en cours. Comme j’aimerai y voir une marque d’intérêt de l’état pour l’archéologie préventive ! En fait, dans sa logique de désengagement, l’état ne cherche t’il pas les moyens de mieux enterrer l’INRAP ? J’ai du mal à comprendre cette logique qui souligne l’importance de l’archéologie préventive et dans le même temps envisage de lui couper encore davantage les vivres. L’INRAP, principal opérateur en la matière est aujourd’hui sous perfusion.
Les archéologues, malgré des compétences reconnues sont maintenus dans une grande précarité.

Actuellement aucun moyen n’est dévolu à la formation d’une nouvelle génération d’archéologues. Pourtant, l’archéologie préventive n’est pas un luxe, mais au contraire une science en mouvement qui peut encore bouleverser l’état des connaissances de l’histoire de notre pays. C’est une formidable machine à remonter le temps qui témoigne que tout est éphémère mais que rien ne meurt vraiment. Je ne le répéterai jamais assez, ce n’est pas la culture qui coûte cher mais bien l’absence de culture. Je ne vois pas comment on peut ambitionner une politique volontariste de l’archéologie préventive sans lui donner les moyens humains et financiers nécessaires à la pleine réalisation de ses missions.

Il est plus que temps de réunir les acteurs concernés dans le cadre d’une table ronde dont l’objectif est bien à la fois d’apporter des réponses concrètes aux disfonctionnements et aux incohérences repérés tout tant pérennisant cet outil national essentiel de l’archéologie préventive qu’est l’INRAP. Ce n’est qu’ en s’appuyant sur l’expérience, la pertinence de l’analyse de tous ceux qui sont aux premières loges que l’on pourra vaincre les obstacles aujourd’hui bien repérés et permettre un développement durable de l’archéologie préventive dont le service public que constitue l’INRAP est une pièce maîtresse.

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