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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Assistants d’éducation

Par / 8 avril 2003

par Annie David

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cher(e)s collègues,

Le texte que nous abordons aujourd’hui est d’une extrême importance car il concerne l’ensemble de l’éducation nationale, des corps professionnels de ce ministère, une grande partie des étudiants et au-delà, de nos jeunes à la recherche d’un premier emploi, mais aussi les élèves et les parents d’élèves. Ils seront, tous, très attentifs à la teneur de nos débats, j’en suis persuadée.

Si je peux être d’accord avec vous sur un point, c’est sur le fait que le statut des MI/SE avait sans doute besoin d’une réforme. En effet, ce statut datant de 1937, à l’initiative de monsieur Jean ZAY, alors ministre du front populaire, nécessitait une actualisation liée aux évolutions de l’enseignement. Mais la volonté de cette loi, âgée d’une soixantaine d’année, reste parfaitement d’actualité : donner à des étudiants de milieu modeste la possibilité matérielle de poursuivre leurs études et d’envisager aussi une carrière dans l’éducation nationale tout en permettant une présence de jeunes adultes suffisante dans les établissements scolaires pour assurer la surveillance.

Or, ce que vous nous proposez n’est pas une réforme, mais ni plus ni moins l’arrêt, la mise à mort de ce statut, ainsi, par ailleurs, que la disparition programmée des aides éducateurs. Je ne peux vous suivre sur cette démarche car si l’ensemble des professionnels demandait une réforme de la loi de 1937, c’était afin de préserver, en l’améliorant, un statut auquel ils sont profondément attachés.

C’est précisément le contraire que vous nous proposez et c’est là sans doute une des conséquences du manque de concertation qui a présidé à l’élaboration de votre texte.
Je ne peux que regretter également la précipitation dans laquelle le parlement a dû examiner ce projet, ne laissant que peu de place au travail législatif pour un dossier aussi important et qui méritait un réel débat en amont, d’autant plus qu’il reste beaucoup de questions en suspens, puisque, M. le Ministre, la Commission des Affaires culturelles du Sénat n’a pas pu vous entendre sur ce texte.
Avant tout, ce projet de loi est un véritable plan de suppressions d’emplois : le remplacement des MI/SE et des aides éducateurs ne sera pas assuré intégralement.
Près de 10 000 emplois manqueront à l’appel de la rentrée de septembre. Pire encore, le projet ne comporte aucune perspective sur les rentrées prochaines avec la fin de milliers d’autres contrats d’aides éducateurs et la fin d’un grand nombre de MI/SE !

Ce plan de suppressions d’emploi représente plus de 10 fois celui de Metaleurop qui est, au dire de votre gouvernement, le résultat d’un plan social de "patrons-voyous ".
En tout, ce sont 25 600 adultes qui ne seront plus présents dans les établissements scolaires, au moment où leur présence est pourtant si nécessaire.
Dans une France où le taux d’activité des jeunes est l’un des plus bas d’Europe, leur taux de chômage l’un des plus élevé, de même que le taux de pauvreté chez les moins de trente ans, cette mesure constitue un facteur supplémentaire de précarisation.

Mais l’emploi, tout comme l’éducation nationale, ne fait toujours pas partie des priorités gouvernementales.
Avant d’entrer dans le cœur de ce texte, je ne peux passer sous silence le décret du 14 mars annonçant 1 439 601 432 euros d’annulation de crédit de paiement, dont un peu plus de 177 millions d’euros pour votre seul ministère, M. le Ministre. Après les 3.9 milliards de gel en février, c’est à peu près la moitié des crédits civiles supplémentaires votés par le parlement en décembre qui disparaît. Le gouvernement de monsieur RAFFARIN a-t-il décidé de passer outre le parlement ?

Sans entrer dans le détail de cette nouvelle coupe budgétaire, je voudrais citer quelques secteurs particulièrement concernés par votre projet de loi et qui n’échappent pas aux restrictions :
Le chapitre "bourse et secours d’études" se voit amputé de 30 millions d’euros.
Celui des "actions pédagogiques dans l’enseignement primaire et plan d’accès à l’autonomie des élèves handicapés" de 16 millions d’euros.
N’y a-t-il pas là une incohérence avec votre proposition de complément de salaire pour les assistants d’éducation embauchés à mi-temps ?

Et qu’en est-il pour ceux affectés à l’intégration dans la vie scolaire des enfants présentant un handicap ?
Pour continuer dans l’incohérence et faire un retour sur le plan social que j’ai dénoncé plus haut, vous proclamez à grand coup de renfort médiatique et de fascicules sur la violence des jeunes édités par votre ministère, la nécessité du retour de l’autorité des adultes sur les jeunes dans les établissements scolaire, la lutte contre l’illettrisme, contre l’absentéisme, les violences racistes et antisémites, l’insécurité…

L’insécurité d’ailleurs a été au centre des premiers mois de l’action gouvernementale. Pourtant, quelle contradiction entre le déploiement tout azimut de mesures réductrices et la réduction des moyens de surveillance dans les établissements scolaires !

Tous ces problèmes n’exigent-ils pas, au contraire, un encadrement renforcé d’adultes, jeunes et moins jeunes, dans ces établissements, dans les cours de récréation ? et pourtant, vous en réduisez de près de 10 000 leur nombre !
Le nouveau statut que vous nous proposez d’adopter aujourd’hui ressemble plus à une économie faites une fois encore sur le dos d’êtres humains qu’à un réel besoin de création.

Certes, il faut gérer au mieux les dépenses publics, mais il ne faut pas oublier qu’économiser là où c’est facile n’est pas forcément là où c’est le mieux : l’éducation nationale, comme la santé ou la culture, exige des investissements dont la "rentabilité" n’est lisible que dans ses répercussions humaines. A y regarder de plus près, la volonté qui s’exprime est de réduire les services dus aux citoyens, la casse du service public. Et je pense là aux services qui assurent la construction sociale et qui ne peuvent être perçus comme des charges dans la société.
Le débat à l’assemblée nationale a permis de faire évoluer l’esprit de votre loi en précisant l’obligation de former spécialement les assistants en charge des élèves handicapés et de recruter prioritairement et sur critère social les étudiants, en particulier les boursiers. Mais malgré ces premiers reculs face à la forte mobilisation des personnels, certains principe du service public de l’éducation nationale et de sa cohérence nationale sont toujours abandonnés.

Nous regrettons, toutefois, que la majorité de l’Assemblée Nationale n’en ai pas fait une condition impérative, susceptible de dérogations justifiées.
Chacun note l’apport incontestable des aides éducateurs et des MI/SE au développement d’activité nouvelles, devenues pour certaines indispensables, comme le fait remarquer Monsieur RICHERT dans son rapport établi au nom de la majorité sénatoriale : aide aux nouvelle technologies, soutien scolaire, sorties et visites pédagogiques, encadrement des élèves handicapés, pour ne citer que celles-ci. Ne pas le reconnaître est méprisant pour ces jeunes, pour leur travail accompli, qui est tout simplement réduit à néant.

Le travail des aides éducateurs est incontestable, nous n’acceptons pas, par contre, ce qui est proposé par le projet de loi. En effet, des emplois qualifiés de titulaires tel que bibliothécaires, documentalistes, informaticiens ou enseignants pourront disparaître parce que des assistants d’éducation sous contrat de droit public pourraient s’y substituer. L’esprit de votre loi, nous fait craindre toutes les dérives possibles.
Il ne doit pas être question, de remplacer des titulaires par des non-titulaires et, au-delà du cas des assistants d’éducation, de paupériser d’autres corps de métiers de l’éducation nationale.

Or, nous voyons ici, se transformer les MI/SE et les aides éducateurs au profit d’un personnel hybrides, flexible à souhait, pouvant exercer dans de vastes domaines, dans et hors de l’établissement recruteur et susceptible d’être a cheval sur plusieurs lieux puisque la notion d’affectation sur poste disparaît au détriment d’un suivi et d’un encadrement de proximité.

De plus le contenu du contrat de travail des futures assistants d’éducation est mal défini, sa durée s’allonge et sa rémunération est en régression. L’indice passe de 271 pour 28 heures par semaine pendant 37 semaines à 267 pour 35 heures par semaine pendant 39 semaines.

- La polyvalence est consacrée
- le recrutement concerne plusieurs établissements
- alors que les MI/SE exercent pendant la seule période scolaire, il est clairement stipulé que les A.E exerceront hors du temps scolaire
- la durée des contrats est réduite et soumise à la bonne volonté de l’employeur quant à son renouvellement possible, ce qui rend encore plus vulnérable ces personnels déjà précaires.

C’est pourquoi je tiens à rappeler que les 50 000 MI-SE sont, selon l’Observatoire de la vie étudiante, avant tout, un ou une étudiante, avant d’être un ou une employée, et c’est pour cela qu’on ne peut simplement le renvoyer à de « petits boulots ».
Ce statut privilégié justifie un emploi du temps adapté et la possibilité de journées de préparation aux examens.
Ces aspects sont abandonnés dans votre projet de loi et cela inquiète forcément les étudiants susceptibles de devenir assistants d’éducation.

Par ailleurs, si nous sommes favorables, évidemment, au statut d’agents publics non titulaires pour ces mêmes étudiants, nous ne pouvons pas envisager une précarisation de leur statut au point d’en faire de futurs chômeurs éventuels : il y a là aussi une espèce de désengagement cynique de l’Etat à organiser leur indemnisation au titre de l’assurance chômage.
Nous sommes en complet désaccord avec l’idée du financement de cette assurance retombant sur les budgets des établissements ainsi considérés comme des entreprises privées.

Pour ce qui est des missions de l’assistant éducateur polyvalent, l’audition des étudiants MI-SE, montre qu’il y a une certaine distance entre votre ambition et la réalité du terrain : le titre ne fait pas le contenu et la comptabilité du travail à la vie scolaire, la surveillance et la mission pédagogique reste impossible dans les conditions de surcharge des classes et du manque de personnel.

Pour ce qui concerne la décision de confier le recrutement des assistants d’éducation aux établissements publics locaux d’enseignement, il nous paraît regrettable de ne pas considérer globalement, dans le cadre d’une véritable réforme de l’Education nationale, la question du pouvoir de décision et de l’autonomie éventuelle des établissements au sein de cette administration : la réforme proposée va ajouter des inégalités qualitatives à la carte scolaire.
D’autre part, et tout en saluant le travail des chefs d’établissement, il nous paraît aussi difficile d’ajouter aux tâches diverses qui pèsent sur leur charge celle d’un « patron d’entreprise » incompatible avec la philosophie du service public.

Et puis, comment comprendre le fait qu’un assistant d’éducation puisse travailler dans plusieurs établissements lorsque vous mettez constamment l’accent, du moins théoriquement, sur la place que celui-ci doit prendre dans l’équipe pédagogique et de la stabilité nécessaire à ce poste ?

Et cela, d’autant qu’il est prioritairement un étudiant travaillant selon un emploi du temps aménagé.
Nous notons d’ailleurs que le projet de loi constitue une première application de la décentralisation votée par la majorité de M. RAFFARIN.

En effet, les assistants d’éducation pourront être mis à la disposition des collectivités locales. Faut-il y voir un avant-goût de l’explosion annoncée de l’unicité du service public de l’éducation nationale ? Nous le craignons fort.
Avec seulement 5 articles, vous vous apprêtez à transformer non seulement la nature même des missions d’éducation, mais également, les statuts de la fonction publique. Et de quelle manière !

Nous espérons que le débat au Sénat permettra de soulever les justes questions que pose ce texte.
Nous regrettons, décidément, que le débat concernant l’éducation nationale dans son ensemble n’ait pas eu lieu avant de procéder à cette réforme particulière.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s’expriment donc, sans hésitation, contre ce projet de loi.
Par ce texte, le gouvernement entend aujourd’hui renoncer à toute la dimension sociale qui animait la loi de 1937 qui permettait aux étudiants les plus modestes de concilier un emploi avec la poursuite de leurs études et aux MI-SE d’entretenir des relations privilégiées avec les élèves en raison de la proximité de leurs âges.

Ils sont donc au côté des personnels mobilisés pour la défense et la modernisation par le haut du service public de l’éducation nationale et proposeront de multiples amendements au cours de ce débat pour marquer leur opposition et rendre publiques leurs propositions alternatives.

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