Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Faisons primer les affaires de l’esprit sur l’esprit des affaires

Audiovisuel public -

Par / 7 janvier 2009

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 5 février 2008, de seize heures à vingt heures, la commission des affaires culturelles avait réuni une table ronde sur le thème : « Quelles réformes pour le secteur de l’audiovisuel ? »

Étaient présents, outre des sénateurs, les cinq chaînes historiques et des organisations professionnelles. Vingt-six personnes extérieures étaient conviées mais aucun syndicaliste, aucun journaliste, aucun artiste, aucun chercheur, aucun représentant des téléspectateurs ne l’était ! Nous nous situions dans la foulée du coup d’éclat présidentiel du 8 janvier qui, sans même que la ministre de la culture ou le président de France Télévisions n’en soient préalablement avertis, annonçait la suppression de la publicité à la télévision publique.

Une étude du cabinet Goldman et Sachs du 6 novembre 2007 annonçait : « Nous nous attendons à ce que le secteur audiovisuel français connaisse des changements importants dans les mois qui viennent, ce qui devrait être un facteur positif pour TF1 et M6. » Une étude de la Société Générale du 2 novembre 2007 tonnait contre le « cadre réglementaire le plus contraignant en Europe » pour la télévision. Quant au Livre blanc, ou plutôt au cahier de doléances de TF1, il présentait dans le détail la réforme du Président de la République. Cela illustre, au passage, le lien étroit entre économique et pouvoir politique. Comme si les affaires du Gouvernement étaient désormais réduites au « Gouvernement des affaires »…

Pour sa part, Mme la ministre était intervenue au MIPCOM - marché international des contenus audiovisuels - d’octobre 2007. Un courtier en bourse avait alors commenté : « Tout est positif dans ce projet ! » Les grands diffuseurs commerciaux avaient déjà reçu une cascade de cadeaux en 2006 et 2007, tout cela sous le régime du « nouvel esprit des lois », à savoir le dogme libéral franco-européen de « la concurrence libre et non faussée ».

Le 9 janvier 2008, le secrétaire général de l’UMP, M. Devedjian, jugeait qu’il y avait « peut-être un peu beaucoup de chaînes publiques » et suggérait « quelques privatisations ». Pour sa part, le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé, estimait que France Télévisions pourrait faire des économies.

Depuis, toutes les questions que je viens de rappeler ont été illustrées par l’instruction du dossier de la télévision publique. La dernière preuve en a été apportée sur France Inter, le 3 décembre dernier, quand le député UMP Frédéric Lefebvre a expliqué que la télévision publique comptait 11 000 employés alors que toutes les télévisions privées n’en comptaient que 8 500.... CQFD ! Il oubliait que l’essentiel des effectifs de la télévision publique est lié au maillage du territoire par les équipes d’information et de production de France 3, facteur majeur de démocratie et de cohésion sociale. Ce point est essentiel pour les sénateurs qui sont proches des collectivités territoriales.

Sans malice, j’ajouterai qu’au printemps dernier Christine Lagarde affirmait : « La France est un pays qui pense. » Aujourd’hui, j’aimerais vous dire : assez pensé, maintenant, retroussons nos manches !

Eh bien, je vais retrousser mes pensées, enrichi de toutes les auditions que j’ai pu conduire, et examiner quatre grandes questions traitées par les deux projets de loi Sarkozy qui nous sont soumis : l’élection du président de France Télévisions, l’organisation de son financement, le traitement du pluralisme et, enfin, la politique de création.

S’agissant de la présidence de France Télévisions, je noterai que c’est la première fois en Europe, aux États-Unis et au Canada qu’un président d’un groupe de chaînes de télévision publique est nommé par le chef de l’État. C’est contraire à la démocratie ! Le chef de l’État n’est ni un patron ni, seulement, un actionnaire. La télévision et la radio publiques appartiennent aux citoyens ; elles sont leur affaire et ceux-ci doivent s’en mêler au premier chef, directement et par l’intermédiaire de leurs élus.

L’État et, a fortiori, le Gouvernement n’y agissent que par délégations et ne doivent y exercer qu’une influence minimale, voire nulle. La pratique d’autonomie de cette responsabilité de l’audiovisuel public vis-à-vis de l’ensemble des auditeurs et téléspectateurs est et doit demeurer un principe cardinal de notre démocratie. On ne peut se contenter de répéter l’antienne « ce qui est bon pour General Motors est bon pour le pays »… Comme le rappelle Pierre Legendre, « État vient du latin stare - se tenir debout. Autrement dit, ce curieux mot intraduisible en dehors de la civilisation de tradition ouest-européenne renvoie à certaines opérations destinées à faire tenir quelque chose debout - en France faire tenir debout c’est ce que nous appelons la République ».

Or le projet de loi organique met en cause l’indépendance et l’autonomie des chaînes publiques. Pire, le droit monarchique de nommer est complété du droit princier de révoquer : c’est une première dans la tradition du service public à la française ! Quand TF1 a été privatisée, on a parlé de « mieux-disant culturel », ici c’est « le mieux-disant autoritaire ». Ce n’est pas la fin d’une hypocrisie mais le début de l’arbitraire. L’avis demandé au CSA est effarant puisqu’il a été qualifié d’« hypocrite » par le Président de la République lui-même. Quant à l’avis du Parlement, c’est une joyeuseté indécente quand on sait comment le pouvoir actuel le traite et annule des décisions, fussent-elles unanimes !

Nous proposons quant à nous un processus : les assemblées créeraient une commission permanente spécialisée en matière d’audiovisuel, de médias et de pluralisme qui traiterait de toutes les questions concernant le domaine des images et des sons. Cette commission proposerait une liste de cinq noms de candidats à la présidence de France Télévisions, laquelle serait examinée par le CSA, lui-même reconfiguré. Enfin, le Conseil d’administration de France Télévisions, lui aussi recomposé afin d’être plus représentatif, procéderait à l’élection de son président. Une telle formule serait mieux à même de respecter l’autonomie des entreprises publiques. Le Président de la République n’aurait pas le pouvoir de révocation, tant il est vrai que ce dernier ne saurait être utilisé que pour des fautes très graves, qui relèvent de la justice ordinaire.

Dans ces conditions, la loi organique n’a plus lieu d’être et nous en demandons la suppression, l’élection du président de France Télévisions étant mentionnée à l’article 8 du projet de loi ordinaire.

Pour le financement de France Télévisions, le constat est clair. Il est insuffisant dans la première période, de 2009 à fin 2011 : il faudrait 650 millions d’euros et l’État n’en apporte que 450 millions. De surcroît, il n’est pas pérenne puisque ses modalités ne sont pas précisées au-delà des trois ans, alors qu’une gestion responsable exigerait une garantie de recette induite par une redevance fixée à l’avance pour au moins dix ans, comme dans le cas de la BBC, où le montant indexé de la redevance est un pilier essentiel du contrat passé entre les citoyens, via le Parlement et l’opérateur public.

Au-delà de 2011, l’insuffisance du financement devient une béance et une menace majeure pour le périmètre de France Télévisions. Il faudra alors trouver un milliard d’euros – 830 millions d’euros pour la suppression de la publicité et 200 millions d’euros pour les programmes de remplacement. Il est dramatique que l’État mette ainsi en abîme la télévision publique. Précisons que la compensation actuelle des 450 millions d’euros proposée par l’Élysée coûtera bien plus cher que prévu au budget général, puisque la majorité de l’Assemblée nationale a déjà minoré les taxes assises sur la publicité des télévisions privées ainsi que sur les opérateurs de télécommunications et les fournisseurs d’accès à internet, les FAI. De plus, ce financement doit encore être examiné par la Commission européenne, dont l’opinion reste incertaine. Comment le Gouvernement ose-t-il présenter un plan de financement aggravant dans d’aussi fortes proportions le sous-financement déjà récurrent de France Télévisions et pour lequel le Président de la République avait même envisagé une augmentation de la publicité ?

Nous avançons pour le financement trois propositions.

Première proposition : une augmentation de la redevance et sa modulation selon les revenus. C’est la seule authentique, significative et légitime mesure garantissant la pérennisation du service public. Le Premier ministre propose qu’une commission parlementaire et professionnelle soit créée pour étudier un produit de substitution à la redevance. Nous récusons ce projet, y compris la composition d’une telle commission. L’expérience de la commission Copé est suffisante pour ne pas être renouvelée. Les parlementaires représentent l’intérêt général. Ils doivent donc avoir la maîtrise de l’élaboration des solutions. Certes, ils doivent auditionner mais ils ne coproduisent pas la loi avec une partie des intéressés, notamment avec des lobbies industriels ou autres groupes de pression. Vous pourrez toujours, mes chers collègues, chercher dans la proposition du Premier ministre les syndicalistes, les artistes, les techniciens, les chercheurs et les représentants des téléspectateurs. Ils sont introuvables ! Mais il est vrai que cela devient une habitude…

La deuxième ressource financière proviendrait d’une taxe de 1 % sur la totalité des investissements publicitaires bruts dans et hors médias, à l’exception de ceux concernant le spectacle vivant, la presse écrite quotidienne, l’édition et le cinéma. Une telle taxe, assise sur une assiette de 32 milliards d’euros, rapporterait plus de 300 millions d’euros par an.

La troisième proposition serait de renoncer à la suppression de la part de publicité demeurant sur France Télévisions en 2012.

Mme Catherine Tasca. Bravo !

M. Jack Ralite. Dans une proposition de loi relative à l’audiovisuel du 22 avril 1999, que j’avais élaborée durant six mois de travail avec des personnalités représentatives et pluralistes, je soulignais, à l’article 6, l’importance d’un financement mixte du service public de la radio et de la télévision avec une composante publicitaire plafonnée et des clauses indiquant que les contrats pour la publicité ne pouvaient être fondés sur l’audience des émissions, comme c’était alors le cas, mais qu’ils devaient reposer uniquement sur des critères liés à l’heure de diffusion.

En ce qui concerne le pluralisme, que le projet de loi Sarkozy amollit et rétrécit, je reprends l’énoncé de la Déclaration des droits de la culture, prononcée au Zénith, en novembre 1987, devant 7 000 personnes, artistes et public. Le pluralisme est un élan qui s’impose, car rien ne vit qu’au pluriel : pluralisme de la culture dans l’espace et le temps de la nation, pluralisme des arts dont aucun n’est mineur quand rien ne le rapetisse, pluralisme des esthétiques et des techniques, des goûts et des couleurs, pluralisme qui ne vise pas au démembrement et au décloisonnement, pluralisme où chacun est soi en apprenant l’autre.

Pour la télévision proprement dite, l’article 4 de la proposition de loi stipulait que le pluralisme était au cœur des missions du service public qui doit, par une programmation généraliste – j’insiste sur ce point – et de qualité, tout à la fois « informer, cultiver et distraire » les publics les plus larges.

Quant à la politique de création, il faut la libérer de l’esprit des affaires qui, pour l’heure, l’emporte sur les affaires de l’esprit. Aujourd’hui, il faut en avoir conscience, tout un « beau monde » tire l’art vers le bas en le marchandisant à outrance, en le transformant en marques et produits, ce que Claude Lévi-Strauss, dont nous avons récemment fêté le centième anniversaire au musée du quai Branly, exprime dans Tristes tropiques par cette phrase terrible : « L’humanité s’installe dans la monoculture, elle s’apprête à produire la civilisation en masse comme la betterave. »

Comme il l’a écrit à sa ministre de la culture le 1er août 2007, Nicolas Sarkozy préfère répondre à la demande. Or la réponse à la demande, c’est la logique du marketing. Elle conduit à une politique au plafond bas, à l’opposé de l’exigence de Vilar d’« offrir aux gens ce qu’ils ne savent pas encore qu’ils désirent ».

Il faut savoir, comme le disait Man Ray, que « la différence entre les hommes politiques et les artistes, c’est que les artistes n’ont pas besoin de majorité ». De la même façon, le divertissement, le rire, le plaisir, l’intelligence, la science n’ont pas besoin de majorité. Ils doivent trouver leur place dans le cadre d’une télévision généraliste, une télévision qui ne rabote pas les savoirs et les créations sauvages.

Bien entendu, une politique de création doit comporter des obligations de production valables pour toutes les chaînes et tous les supports techniques de diffusion. Une politique de création doit s’entremêler aux innovations technologiques, d’où l’importance de la recherche dans le domaine audiovisuel comme avait su la créer Pierre Schaeffer, afin que la « belle numérique » – je le répéterai inlassablement dans cette assemblée –, qui passionne tant, se mêle à « la bête fabuleuse », comme André Breton nommait la création.

Évidemment, notre approche de la télévision ne se limite pas à ces quatre grands chapitres. Elle inclut d’autres considérations dont nos amendements proposeront la mise en droit, même si tout ne doit pas relever du droit pour être. Quoique... On peut se le demander dans un monde où les groupes privés ont souvent une loi d’avance, comme disait Robert Hersant, comme l’a montré la direction de TF1 pour le présent projet. Mais il faut faire confiance aux femmes et aux hommes qui assurent avec conscience et professionnalisme le service public, sans crainte de l’inconnu, mais redoutant à juste titre les formes formatées, surtout par un État et un Président omniscients et omniprésents.

Le contenu de la programmation doit-il être évoqué dans l’exposé des motifs et dans le cahier des charges ? On ne peut que craindre de la définition des programmes et des horaires par les dirigeants de l’État et des groupes. Sauf à célébrer les noces de l’étatisme et de l’affairisme ! Telle est « l’idéologie des affaires » qu’évoquaient voilà plus de trente ans Adorno et Horkheimer dans leur texte sur les industries culturelles.

Soyons francs, j’ai précisé quelle était mon orientation, mais je ne cache pas mes questionnements. Il n’y a rien de pire que d’avoir réponse à tout !

Première question : la société Orange, que nous avons reçue, nous a indiqué que l’Assemblée nationale avait voté un amendement lui retirant une exclusivité favorisant ses abonnements. Orange n’est pas contente ! Qui le serait à sa place ? À l’évidence, il y a derrière cela le lobbying de Vivendi et de Canal Plus France, qui, si le projet de loi est voté en l’état, recevront de gros cadeaux. Il y a une distorsion de traitement. Comment faire ? C’est la guerre économique des entreprises qui ne sont d’accord que contre les principes de régulation et contre les citoyens qui ne peuvent pas enfiler un dossard sur lequel est écrit « Je suis solvable, donc je suis ! ». (Sourires.) Mais, en l’occurrence, la loi ne traite pas pareillement des entreprises que l’on pourrait qualifier, en utilisant la terminologie présidentielle, de « champions nationaux ».

Ces entreprises, jusqu’ici, ne dépendaient pas de la même régulation et n’avaient pas la même fonction : Vivendi et Canal Plus France étaient sur les contenus et Orange sur les contenants. Si la loi s’applique de manière identique à tous les acteurs, cela favorise Orange ; si elle ne s’applique pas à Orange, comme le prévoit l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, elle favorise seulement Vivendi et Canal Plus France.

On peut certes dire que ce sont les beautés du capital, mais il faudra bien, dans le cadre d’une responsabilité publique, trouver le moyen de résoudre cette contradiction qui a quitté l’esprit des lois pour créer une concurrence non libre et très faussée. C’est la quadrature du cercle. Et pourtant, tous les acteurs doivent vivre ensemble. Il faut donc prendre en compte l’intérêt général, que nous représentons, les citoyens, et non se réduire à un arbitrage entre des lobbies. Nous ne sommes pas encore à Bruxelles, où 25 000 fonctionnaires sont face à 17 000 lobbyistes. On voit que la démarche de Nicolas Sarkozy rencontre un butoir.

La deuxième question concerne le devenir numérique et intermédia de France Télévisions. Je préfère le mot intermédia à l’anglicisme global « média » qui envahit la langue gouvernementale.

Si la modernisation technique est un prétexte pour justifier l’entreprise unique et supprimer des chaînes, nous la refusons.

La modernisation technologique est nécessaire et elle fait partie des missions de service public, mais elle nécessite des investissements, de la recherche et de la formation, donc des moyens financiers. N’est-ce pas contradictoire avec la réduction des ressources programmées par le projet de loi ? Comment plaider pour une nouvelle politique industrielle en poursuivant dans les faits une mesquine démarche comptable ?

Troisième question : les producteurs ont passé un accord avec les auteurs et les télévisions sur les moyens dont ils veulent – et c’est légitime – pouvoir disposer. Ils déclarent que l’accord leur donne satisfaction.

Or, à la lecture de l’accord, on constate qu’ils ont demandé, et obtenu, plus d’augmentations d’obligations de production au service public et qu’ils ont concédé à TF1 une diminution des mêmes obligations de production. Une telle démarche tenaille tout lecteur un peu averti. En effet, elle n’est pas garantie puisque le contrat signé ne s’accompagne pas d’un financement pérenne du service public et qu’il favorise le secteur privé.

En vérité, le pouvoir ne voulait pas arbitrer et s’est défaussé sur les intéressés qui n’ont pas pris en considération l’ensemble du problème et se sont arrêtés à leurs seuls intérêts. Une fois encore, la loi ne fait que sanctifier un contrat particulier. Cela divise les hommes : il n’y a qu’à rencontrer les personnes qui travaillent à France Télévisions ou des auteurs pour s’en convaincre. Je préfère cette pensée de Paul Nizan « homme cherche homme » et que leurs singularités, ensemble, pensent debout.

Quatrième question : les personnels, tout comme la direction de France Télévisions, réclament la possibilité de produire en interne.

Certains poussent des cris parce qu’ils ont aujourd’hui un quasi-monopole. Mais la RAI sous Berlusconi, ZDF ou ARD sous l’alliance des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates, la BBC sous le thatchérisme ou le travaillisme blairiste, se sont toutes vu reconnaître leur droit de produire. Comment corriger avec sérieux cette situation en France ?

Cinquième question : il y a un différend sur la définition de l’œuvre patrimoniale. Les producteurs de documentaires veulent que soient considérés non seulement les documentaires de création, mais aussi des documentaires diffusés dans des émissions comme Thalassa, Des racines et des ailes ou Capital.

Il s’agit d’un problème complexe. On ne peut pas pour autant le rejeter d’un revers de main. Les documentaires de Cinq colonnes à la une sont aujourd’hui édités en DVD.

Je termine ce questionnement non exhaustif en évoquant un trou noir dans la présidence française de l’Union européenne, par ailleurs tartinée de louanges. En effet, le Président Sarkozy n’a pas pensé, ou pas voulu, favoriser l’organisation d’une rencontre de toutes les chaînes publiques européennes pour envisager la création d’un pôle public européen de l’audiovisuel et des médias afin de lutter contre la domination hollywoodienne de l’industrie des programmes.

L’esprit public en serait le cœur. Les intérêts privés y seraient associés, à partir d’un cahier des charges simple mais rigoureux dont le non-respect pourrait être sanctionné.

Une telle initiative aurait une autre stature, une autre solidité, une autre influence, une autre efficacité que cette quête éperdue, qui est menée depuis des années dans notre pays, de grands groupes champions nationaux. Lorsqu’ils ont pu aller jusqu’au bout de leurs possibilités, certains d’entre eux se sont soldés par un fiasco qui coûte encore très cher à nos concitoyens ; je pense à l’aventure de Jean-Marie Messier et au rachat de la MGM par le Crédit Lyonnais.

Il faut penser audiovisuel et médias en gardant présentes à l’esprit les références industrielles historiques et toujours ultramodernes d’Airbus et d’Ariane, qui tous deux ont damé le pion aux États-Unis. Il ne faut pas attendre l’après 2020, la prochaine présidence française de l’Union, pour y travailler.

En conclusion, je dirai que les lois Sarkozy présentent le défaut fondamental de traiter l’audiovisuel et les médias comme un monde fini alors que ce monde, comme la vie d’ailleurs, est ouvert à l’infini. Lorsque je dis « fini », c’est fini dans la situation actuelle, sous le règne provisoire de M. Sarkozy.

Déjà, le 18 mai 1857 – c’est un problème permanent – Flaubert écrivait : « Aucun grand génie n’a conclu et aucun grand livre ne conclut parce que l’humanité elle-même est toujours en marche et ne conclut pas. Homère ne conclut pas ni Shakespeare, ni Goethe, ni la Bible elle-même. »

L’histoire de la télévision n’est jamais écrite, un point c’est tout ! Il faut prendre au sérieux l’inachèvement. Or les lois Sarkozy fossilisent l’inachèvement alors que tout est processus, surtout en ces temps d’impétuosités financières et technologiques qui ne peuvent être considérées comme un fatum. Elles résultent des orientations néolibérales qui inspirent toute la politique sarkozyenne. Les lois Sarkozy se présentent comme un tout, un accomplissement définitif. Leur auteur n’aime que les « actes-puissances », les « actes-fins » et, en fait, ne rêve que de retour à l’ordre. C’est inscrit au cœur de sa loi : il veut une télévision pédagogique, culturelle, une « télé-école » s’adressant à des citoyens considérés comme des élèves, signifiant par là même que la véritable école serait la télé.

Et, en même temps, il veut une télé sans rivage, mais non sans mirage, parce que commerciale : la « télé-caddy ». On aurait ainsi une combinaison, dans la société que Sarkozy vit comme délitée, de deux lieux encore porteurs de « socialité » : le petit écran et l’hypermarché.

Le chercheur Pierre Musso écrit que « c’est couper la représentation du monde en deux en opposant l’État grand éducateur au marché libre et divertissant. Tel est le message subliminal, la dichotomie que ce projet de loi voudrait inscrire dans l’imaginaire populaire des téléspectateurs : tantôt vous êtes des citoyens que l’État éduque et surveille, tantôt vous êtes des consommateurs dont le marché se plaît à satisfaire les désirs ».

Bien évidemment, nous refusons cet État surveillant général de la consommation et de l’imaginaire populaire. Si on laissait faire, on courrait le risque de perdre un bijou de mémoire, illustré par cette vieille mais fulgurante maxime : « On noue les bœufs par les cornes et les hommes par le langage. »

Les dernieres interventions

Affaires culturelles Les bénévoles méritent bien une loi

Proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et simplifier la vie associative - Par / 12 mars 2024

Affaires culturelles L’angoisse de Parcoursup

Débat sur l’équité et la transparence de Parcoursup - Par / 6 mars 2024

Affaires culturelles DES JO sans transports ?

Débat sur la préparation des JO en France - Par / 4 mars 2024

Affaires culturelles Vive le cinéma !

Conforter la filière cinématographique en France - Par / 15 février 2024

Affaires culturelles Nous aurions dû aller plus vite, plus loin, plus fort

Démocratisation du sport : explication de vote - Par / 19 janvier 2022

Affaires culturelles Une proposition de loi poids plume

Démocratisation du sport - Par / 18 janvier 2022

Affaires culturelles L’existence de ces objets et de ces œuvres ne commence pas avec leur exhibition

Circulation et retour des biens culturels appartenant aux collections publiques - Par / 10 janvier 2022

Affaires culturelles La pérennité des bibliothèques est assurée

Bibliothèques et développement de la lecture publique (deuxième lecture) - Par / 16 décembre 2021

Affaires culturelles Les directeurs ne veulent pas être une courroie de transmission hiérarchique

Fonction de directrice ou de directeur d’école (conclusions de la CMP) - Par / 25 novembre 2021

Affaires culturelles La concentration dans les médias nuit à la diversité et au pluralisme des idées

Oeuvres culturelles à l’ère numérique : conclusions de la CMP - Par / 21 septembre 2021

Affaires culturelles La stratégie de la concentration est forcément perdante

Protection et accès aux oeuvres culturelles à l’ère numérique - Par / 20 mai 2021

Administration