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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévision : CMP

Par / 4 février 2009

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, hier, le ministère de la culture a eu cinquante ans. C’est un anniversaire qui compte. Pourtant, aucune manifestation d’intérêt, de sentiment, d’histoire et d’avenir à son propos n’a eu lieu, si ce n’est un rendez-vous que vous avez eu, madame la ministre, avec quelques artistes.

Je veux dire cela, parce que la symbolique du ministère, son histoire aussi, même si elle fut tourmentée, est d’une grande originalité pour notre pays et a été marquée par de très grandes initiatives et de très beaux résultats. J’ajoute que l’une des raisons de sa création ne peut pas être oubliée : c’est aussi le fruit des grandes luttes populaires pour la culture marquées par les dates de 1936 et de 1945.

Le jour anniversaire - un demi-siècle, je le rappelle -, on fête ce qui a été heureux. Or il n’y a rien eu, ou plutôt si, il y a eu un discours du Président de la République, la veille, installant un Conseil pour la création artistique - disons la vérité : un ministère de la culture bis - « aux côtés du Président de la République à l’Élysée ».

Aujourd’hui, je ne vais pas analyser les propos de M. Sarkozy, sauf à retenir quelques phrases significatives : « Nous allons faire de la culture l’un des éléments majeurs de la lutte pour surmonter la crise. Et pour que ce soit vrai, il faut que la création soit au cœur de cette politique culturelle [...] ».

C’est une instrumentalisation de la culture et de la création, et non leur liberté ! Des expressions du discours le corroborent : « évaluer les artistes », « l’union de l’utilité et de la beauté », « [...] j’ai besoin [...], et même, des résultats ».

Parlant de la commande publique, le Président la juge « â l’aune de l’excellence artistique de l’œuvre, conjuguée à une forme de générosité pour permettre son accès le plus large ». Il ajoute : « C’est donc à moi de donner un coup de pied dans la fourmilière. »

Quelle différence avec le premier titulaire du ministère de la culture, André Malraux, quand il disait, avec son style inimitable : « les grands artistes ne sont pas les transcripteurs du monde, ils en sont les rivaux » !

Tout cela accompagne fortement aussi la politique audiovisuelle. Avant d’aborder celle-ci, je formulerai deux remarques.

En premier lieu, au moment où le ministère de la culture est minoré, doublé, et où sa suppression est même envisagée par un ancien ministre, 224 536 pétitionnaires réclament à Barack Obama un ministère de la culture aux États-Unis. Triste ironie !

En second lieu, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, a eu vingt ans hier. Il a eu droit à une très grande réception - j’y étais - marquée un discours de son président, Michel Boyon, dont je retiens une seule phrase, mais combien significative. Alors qu’on nous dit en haut lieu que tout est assuré, garanti et pérennisé quant au financement du service public, Michel Boyon a déclaré : « l’audiovisuel français est en état de sous-financement ».

Au passage, il faut noter que le Président Sarkozy, qui devait parler - un minutage avait été annoncé -, n’a fait que passer sans dire un mot. Les mille participants ont eu l’impression d’une présence absente. À analyser !

C’est dans ce contexte que j’aborde la commission mixte paritaire à laquelle j’ai participé comme membre suppléant, c’est-à-dire parlant mais non votant. J’y ai évoqué les cinq domaines dans lesquels la loi sur l’audiovisuel portait de graves conséquences : premièrement, les conditions de nomination du président de France Télévisions, directement par le Président de la République ; deuxièmement, l’insuffisance du financement de l’audiovisuel public, aléatoire pour la période qui s’étend jusqu’en 2011, puis une grande béance, un saut dans l’inconnu à partir de 2012 ; troisièmement, un pluralisme étriqué et quasiment défini par le pouvoir politique - voir l’exposé des motifs du projet de loi et le contenu du cahier des charges ; quatrièmement, une politique de création sous-financée, non pérennisée et contrainte par l’esprit des affaires qui continue de l’emporter sur les affaires de l’esprit ; cinquièmement et enfin, deux grands points d’interrogation sur les conventions collectives des personnels administratifs, artistiques, des journalistes et les risques de licenciements que n’hésitent pas à avancer certaines personnalités de l’UMP.

Tout cela a été évoqué, mais il faut le dire, pour le regretter : les pressions élyséennes comme celles de Matignon ont porté leurs fruits. Presque toutes les avancées légitimes obtenues par le Sénat et auxquelles nous nous étions associés se sont évanouies.

Et pourtant, lors du vote de la Haute Assemblée, il n’y eut que onze voix d’écart en faveur de la position gouvernementale, onze voix d’écart qui tenaient à certaines abstentions visant à encourager les deux principales avancées sénatoriales : le fait que la redevance soit le principal financement de la télévision publique et la nécessité de tenir compte de l’opposition si le Président de la République révoquait celui qu’il avait nommé discrétionnairement à la tête de France Télévisions.

J’ai d’ailleurs constaté l’émotion des intéressés. C’est pourquoi il y aurait un grand intérêt pour le Sénat, déjà bafoué par l’affaire du 5 janvier, de ne pas approuver le texte de la CMP et de rester debout.

Sur le financement, par exemple, les jours que nous vivons confirment totalement ce que j’ai inlassablement dit depuis le début du débat. L’article paru hier dans La Tribune est terrible pour les laudateurs de la loi qui répètent toujours, sans jamais le prouver, que l’État compense à l’euro près.

Considérons cet article : il démontre irrécusablement que les 450 millions d’euros ne seront que 325 millions et que cette année, comme la taxe sur la publicité ne sera effective qu’après la publication de la loi, les 325 millions deviendront 270 millions.

Ajoutons que les lobbies - ils ont été multiples pendant le débat à l’Assemblée nationale comme ici - ont obtenu une espèce d’échelle mobile de la taxe. Le rabotage de la taxe sur les opérateurs de télécommunications « a été plus discret, mais pas moins efficace », note La Tribune.

C’est dire que, dès cette année, la télévision publique amorce sa marche vers l’abîme, et que personne de sérieux ne peut se soustraire à ce fait et ne peut donc réagir qu’en rejetant ce texte gouvernemental, d’autant que l’avancée sur la redevance que nos deux rapporteurs avaient peaufinée est sortie certes encore vivante de la CMP, mais avec un correctif qui n’est pas négligeable.

Nos deux rapporteurs avaient prévu une augmentation de la redevance qui n’avait rien à voir avec l’indexation. Or M. Copé, qui a eu la malencontreuse idée de déclarer que, lui vivant, jamais la redevance ne serait augmentée, a obtenu pour survivre un « bougé » du vocabulaire. (M. Alain Fauconnier rit.)

M. Michel Mercier. C’est vrai !

M. Jack Ralite. M. Copé a fait dire : il n’y aura pas d’augmentation de la redevance,...

M. Henri de Raincourt. C’est vrai !

M. Michel Mercier. Ça, c’est faux ! (Sourires.)

M. Jack Ralite. ...mais seulement l’indexation. Il l’espère pour aujourd’hui et pour demain.

Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière, rapporteurs. C’est faux !

M. Jack Ralite. C’est dire qu’il n’y aura pas d’argent en plus, même s’il n’y a plus d’argent en moins dans le domaine de la redevance. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Tout cela est d’autant plus condamnable que les lobbies, par contre, et au-delà de l’échelle mobile évoquée précédemment, ont obtenu quelques cadeaux substantiels.

En ce qui concerne la commission mixte paritaire, j’ajoute que nos rapporteurs et leurs amis ont cédé sur les conditions de la révocation éventuelle d’un président. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Connaissez-vous l’argument qui l’a emporté ? C’est la traditionnelle rumeur maintenant bien connue et bien utilisée : le Conseil constitutionnel « retoquera » ce que vous proposez. (Mm Nicole Borvo Cohen-Seat rit.)

Il est tout de même curieux que, ayant un Conseil constitutionnel, la majorité nous propose de prévoir sa décision dans un sens qui l’intéresse, au nom de quoi elle demande de retirer les avancées votées au Sénat.

On a déjà connu cela au moment de l’élaboration de la loi relative à la communication audiovisuelle, quand Mme Catherine Trautmann était ministre. M. Messier, qui dirigeait Vivendi, comme on l’a su depuis, et qui selon lui gagnait partout, savait tout, n’était pas d’accord avec la proposition de la ministre sur la composition du capital des chaînes privées. Il a demandé une étude à un juriste et a fait courir le bruit que, selon cette étude, le Conseil constitutionnel ne suivrait pas, moyennant quoi la proposition de Mme Trautmann a été retirée. Et nous n’avons eu ni l’étude -a-t-elle seulement existé ? - ni l’avis du Conseil constitutionnel, et pour cause !

Quand j’assiste à une réunion - je pense que nous sommes quelques-uns à procéder ainsi -, j’affirme ma position avec sincérité et je la confronte avec celle de mon interlocuteur, que je respecte, mais je n’y vais pas en me privant d’une partie de mon projet avec l’idée que l’autre aura le droit pour lui. Voilà à quel état de la transparence juridique on nous conduit !

Bref, vous m’avez compris, le Sénat bafoué n’a qu’une solution, c’est d’être un Sénat libéré et votant ce qu’il a cru, et c’est son droit, être la vérité.

Autrement dit, ce projet de loi est vraiment marqué par l’étatisme et l’affairisme. Le cas de RFO en est l’exemple le plus typique ; nous avions rétabli la publicité, sa disparition a été décidée, au nom de l’équilibre entre privé et public. C’est tellement congénital que les auteurs semblent ne même plus s’en rendre compte ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.)

France Télévisions est déshabillée par la loi d’une part énorme de son budget et le secteur privé reçoit une véritable garde-robe ! C’est la fragilité pour le service public, sa mise le dos au mur, et le renforcement pour le secteur privé, dans le cadre de la stratégie de soutien aux grands groupes.

Encore quelques mots sur la CMP : quand on n’est pas énergique sur le refus de voir le Sénat bafoué, cela pèse jusque dans la tenue de la commission mixte paritaire elle-même.

C’est ainsi qu’à un moment donné le président Copé a demandé une interruption pour mettre en harmonie des positions UMP et centristes. Les autres membres de la commission ont attendu, de même que les journalistes présents dans le couloir. Quand M. Copé est revenu, manifestement heureux, il a tout de suite exposé à la télévision le résultat des tractations internes à la majorité. Comme un journaliste lui faisait remarquer qu’il n’en avait pas encore parlé avec ses collègues de l’opposition, il a répondu : la décision, ce sera comme je vous le dis. Après seulement, il est venu nous informer - je n’ose plus dire « consulter ».

Ajoutons que la partie de ping-pong entre l’urgence d’abord, puis la non-urgence ensuite sur la loi organique montre à quelle improvisation on a été conduit à cause de l’agitation élyséenne.

Maintenant, abordons une autre question que je voudrais approfondir : celle du recours devant le Conseil d’État qui a fait l’objet de mon rappel au règlement.

En effet, à l’audience du Conseil d’État, avec nos avocats, mon collègue Ivan Renar et moi-même voulions montrer que la lettre de Mme Albanel au président de France Télévisions était une lettre de décision, une lettre qui enjoignait.

Or j’ai là la délibération du conseil d’administration de France Télévisions, en date du 16 décembre, où je lis ceci : le conseil « prend acte du courrier de la ministre arrêtant les orientations relatives à la suppression de la publicité entre vingt heures et six heures à compter du 5 janvier 2009 et confie au président-directeur général la responsabilité de sa mise en œuvre ».

Vous avez entendu : le conseil d’administration prend acte du courrier de la ministre ! C’est donc bien une décision du Gouvernement ; c’est donc bien le Gouvernement qui a joué à saute-mouton par-dessus le Sénat. C’est peut-être un agréable jeu d’enfants, mais c’est intolérable dans le jeu démocratique des institutions !

Cela a fortement ébranlé l’argumentaire ministériel lors de l’audience, mais il y a plus. Comme vous le savez, dans ce type de délibération, les avocats font tout par écrit et commentent généralement en réponse et à fins d’approfondissement les questions du président.

Or l’avocat du ministère avait tu une chose, dans son document écrit : la référence à un arrêté dit « Joxe » qui, disait-il, n’habilitait pas un sénateur ou un groupe de sénateurs à poser une question telle que celle du recours. Or le texte de l’arrêté Joxe indique qu’un sénateur ou un groupe de sénateurs n’est pas habilité à faire des recours sur tout, mais il ne nie pas la possibilité, pour un sénateur ou un groupe de sénateurs, de former un recours concernant la mise en cause du fonctionnement du Sénat, donc du Parlement. Plusieurs jurisprudences avalisent d’ailleurs mon propos.

Toujours au cours de l’audience, les avocats du ministère se sont limités à un argumentaire procédural tournant autour de l’intérêt pour agir, du caractère décisoire, de l’épuisement des effets de la pratique contre laquelle il est requis. Autrement dit, « vous êtes bien gentils, mais c’est trop tard » ! Dernier argument invoqué : « je ne peux pas vous dire que ce que vous appelez la décision ministérielle n’est pas illégale, puisque je considère que ce n’est pas une décision »...

Vous voyez comment d’une atteinte aux libertés on tente de faire un jeu de société. Eh bien, nous ne jouons pas dans cette cour-là ! Nous sommes le législateur et nous entendons voir, protéger et garantir nos droits. (Bravo ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’en viens à ma conclusion, ne pouvant revenir sur toutes les questions qu’avec mes collègues nous avions évoquées tout au long du débat.

Tout prouve aujourd’hui que le texte qu’on nous a soumis n’est pas la loi dont avait besoin le service public de la télévision française. Ce dont il avait besoin, c’était d’être traité dans un texte d’ensemble concernant le service public et le secteur privé, à cette étape du développement des nouvelles technologies, en particulier numériques, de la déterritorialisation évidente des images et des sons, à cette étape d’inégalité d’accès à la culture et à la création vécue comme un chagrin par beaucoup. Ce dont il avait besoin, c’était de la mise à jour et en œuvre d’une responsabilité publique en matière de culture qui serait la loi du secteur public et qui consisterait en des mesures d’intérêt général dont devrait tenir compte le secteur privé.

Quand l’ensemble de l’audiovisuel atteint 98,5 % d’audience, il y a bien la place pour un rapport social entre cet audiovisuel et la société. Je sais que ce rapport social s’est abîmé, mais il nous appartient de le faire revivre, en n’oubliant pas les immenses interrogations combatives de tous les mouvements sociaux et culturels qui se manifestent aujourd’hui dans notre pays et qui cherchent avec passion à établir leur horizontalité, la question de l’organisation du travail s’y trouvant au cœur.

Nous refusons d’être une société de « boxeurs manchots ». Nous voulons la liberté, et les libertés. Elles ne peuvent pas s’épanouir dans une France considérée comme une entreprise où les seules règles seraient le marketing, le management, la performance, l’obligation de résultat et la comptabilité. Rappelez-vous la déclaration de Malraux que je citais au début de mon intervention.

J’étais la semaine dernière à Biarritz, pour participer à la vingt-deuxième édition du Festival international de programmes audiovisuels, le FIPA. Une nouvelle fois, ce fut un bouquet de pluralisme audacieux à travers des documentaires et des fictions. À l’évidence, le matériau d’une programmation télévisuelle surprenante et riche est à portée de petit écran - et France Télévisions n’y est pas étrangère.

Alors, au risque de me répéter, je conclurai en citant Péguy : « Je n’aime pas les gens qui réclament la victoire et qui ne font rien pour l’obtenir, je les trouve impolis. » Je voudrais que le Sénat fasse ce soir acte de politesse, en se livrant à des excès de courtoisie. Le Sénat doit se respecter et rester debout.

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