Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Création de l’établissement public CulturesFrance

13 février 2007

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sous d’autres noms, d’autres formes, CulturesFrance existe depuis presque un siècle. Son rôle déterminant pour le rayonnement international de la France et de son exception artistique et culturelle n’a jamais été démenti. Si CulturesFrance n’existait pas, il faudrait l’inventer !

Cette structure a encore de beaux jours devant elle. Elle reçoit même de nouvelles responsabilités et voit sa légitimité renforcée à l’heure où la culture est de plus en plus menacée par les lois impitoyables du marché et de la concurrence qui sont, comme vous le savez, sans conscience ni miséricorde.

C’est d’ailleurs pour lutter contre cette dérive que notre pays a souhaité inscrire la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles dans le droit international. Après en avoir été l’un des plus ardents avocats, la France figure parmi les premiers pays à avoir ratifié la convention de l’UNESCO, dont l’existence est une belle victoire face à la force de frappe anglo-saxonne qui a compris depuis longtemps que la culture et son industrie du divertissement étaient de formidables vecteurs d’expansion économique et idéologique.

La diversité culturelle est un véritable patrimoine commun de l’humanité, aussi nécessaire que la biodiversité dans l’ordre du vivant. Sa défense est un impératif éthique, et je me réjouis que notre pays ait été et demeure à l’avant-garde de ce qui reste un combat.

En effet, la stratégie des États-Unis - je rappelle qu’ils n’ont toujours pas signé la convention de l’UNESCO - vise à multiplier les accords bilatéraux de libéralisation des échanges de biens et de services culturels avec le plus grand nombre d’États. Les Américains exercent des pressions pour que les nations ne ratifient pas cette convention, dans le but de maintenir une certaine forme d’hégémonie, car les industries culturelles représentent leur premier poste d’exportation. Une course de vitesse est ainsi engagée dans la lutte en faveur de la diversité culturelle. Bref, la culture se porte bien à condition qu’on la sauve !

Cela dit, si je fais miennes quelques-unes des remarques émises par la Cour des comptes, je déplore dans le même temps le mauvais procès intenté par certains à l’encontre de CulturesFrance, qui s’est traduit par une baisse importante de sa subvention, de l’ordre de 900 000 euros. Cette baisse met en péril les activités de la structure, qui n’a pourtant pas failli à ses missions et doit encore relever d’importants défis.

Il lui a été reproché, en particulier, d’engager une partie de son budget dans des opérations réalisées en France même. L’organisation des « saisons culturelles » par CulturesFrance conserve cependant toute sa pertinence, car celles-ci comportent un indispensable volet de réciprocité. Ces « saisons culturelles », comme les « Années croisées », en permettant de découvrir les artistes qui viennent de tous les continents, correspondent à l’esprit de la convention sur la diversité culturelle, laquelle encourage une meilleure connaissance et reconnaissance de toutes les cultures du monde.

Ne pas voir l’importance de cette réciprocité révèle, dans le meilleur des cas, une méconnaissance de l’action culturelle internationale de la France et, dans le pire des cas, une conception passéiste et paternaliste de la culture que je croyais d’un autre temps, héritée de l’époque de notre empire colonial.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Quel raccourci saisissant !

M. Ivan Renar. Eh oui, je suis un vieux conventionnel régicide, les raccourcis, ça me connaît !

Pour résister à l’uniformisation du monde, il est bon que la proposition de loi fasse apparaître clairement l’organisation des « saisons culturelles » et des « Années croisées » dans les compétences de CulturesFrance, ce qui n’exclut aucunement les partenariats les plus divers.

Nous ne souffrons pas d’un excès de dialogue des civilisations et de partage des cultures. La mondialisation accélérée qui standardise les esprits et l’imaginaire des peuples appelle des politiques résolues, favorisant l’expression de la singularité de toutes les cultures du monde. Comme le disait le prix Nobel de la paix Octavio Paz : « Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. À l’inverse, c’est de l’isolement que meurent les civilisations. »

Aussi est-il essentiel d’oeuvrer à la circulation comme à l’ouverture des cultures du monde, qui sont toutes égales dans leur dignité, comme l’a rappelé le Président de la République lors de l’inauguration du musée du quai Branly.

Face aux écarts de développement, aux inégalités économiques qui se creusent au niveau tant national qu’international, notre pays se doit de faire preuve de solidarité culturelle, mais également de renforcer la coopération internationale.

Face à la montée des intégrismes, des communautarismes, des obscurantismes, il y a urgence à construire des passerelles entre les cultures, à approfondir le dialogue des civilisations. L’art ne nous rappelle-t-il pas en permanence que nous faisons partie d’une communauté qui s’appelle l’humanité ?

S’il est essentiel d’oeuvrer à la circulation comme à l’ouverture des cultures du monde, cela passe par la circulation des artistes. À cet égard, je regrette que certains danseurs, chanteurs, musiciens, comédiens et autres artistes aient parfois du mal à obtenir un titre de séjour malgré des contrats de travail établis en bonne et due forme. Notre administration, madame la ministre, se doit de faciliter ces échanges, en conformité avec nos engagements internationaux et dans le respect de nos traditions d’accueil. Plus que jamais, nous avons besoin d’une mondialisation des solidarités.

Les extrémismes, vous le savez, naissent en grande partie des frustrations engendrées par les disparités de développement et le défaut d’éducation, d’où l’importance et l’urgence de la coopération internationale. Avec le vaste réseau culturel et diplomatique de la France à l’étranger, CulturesFrance représente, à cet égard, un atout et une pièce maîtresse.

Au passage, j’exprimerai peut-être le regret d’une confusion trop souvent répandue dans le débat politique entre les mots « culture » et « art ». On le voit bien ici, le terme « artistique » lui-même disparaît de l’intitulé de la structure chargée des échanges artistiques ; on passe de l’ « Association française d’action artistique » à « CulturesFrance ». Sans vouloir entrer dans une querelle de mots, la nuance est d’importance ; c’est d’ailleurs bien plus qu’une nuance. Mieux vaut bien nommer les choses, si l’on veut le bonheur du monde.

Cela étant, j’approuve le changement de statut de CulturesFrance dès lors que la nouvelle base juridique proposée se révèle en meilleure adéquation avec ses fonctions et qu’elle lui permet de remplir toujours plus et mieux ses missions.

J’ai pensé un temps que le statut d’établissement public de coopération culturelle présentait l’avantage de favoriser et de formaliser le partenariat avec les collectivités territoriales, de plus en plus impliquées dans la coopération culturelle internationale.

Toutefois, un élément déterminant me fait adhérer sans réserve à cette transformation de l’association CulturesFrance en établissement public industriel et commercial : le fait que l’évolution du statut passe nécessairement par un acte législatif. L’existence même de CulturesFrance sera dorénavant inscrite dans la loi, ce qui lui conférera une légitimité incontestable et une nouvelle place indiscutable. CulturesFrance sera ainsi symboliquement consolidée, et je m’en réjouis.

Cette consolidation doit aussi se traduire par un contrat d’objectifs et de moyens permettant à CulturesFrance de gagner en efficacité et en lisibilité. Comme le disait Jean Cocteau, « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ».

Dans le même temps, je ne saurais oublier qu’un statut juridique, quel qu’il soit, ne remplace jamais un bon budget. Alors que la pertinence de l’action de CulturesFrance est pleinement reconnue à l’étranger, il est particulièrement regrettable que cette structure ait été fragilisée par la représentation nationale elle-même. On en arrive à la situation ubuesque où la réputation de CulturesFrance n’est plus à faire, sauf parfois en France !

En l’occurrence, la philosophie comptable de la LOLF fragilise la gestion du nouvel organisme comme elle a pu fragiliser les deux associations dont il est issu, l’Association française d’action artistique et l’Association pour la diffusion de la pensée française.

C’est pourquoi je propose que la subvention de CulturesFrance atteigne au minimum, en 2008, le montant de 2006. Fortement pénalisée en 2007 non seulement par la diminution brutale de sa subvention à hauteur de 900 000 euros, mais aussi par le gel budgétaire de 5 % de ses crédits, CulturesFrance doit faire face à des choix cornéliens : licencier du personnel ou annuler des programmes, au grand désespoir de nombreux artistes fortement investis.

Il est vraiment urgent de permettre à CulturesFrance de retrouver des moyens conformes à l’engagement international de la France en faveur de la diversité et de la promotion des cultures, comme de la spécificité de la culture française, qui est aussi notre meilleure ambassadrice des droits de l’homme, de la liberté et de la citoyenneté. Personne ne plaide mieux la liberté de création, la liberté d’expression et la liberté de pensée que les artistes eux-mêmes et leurs oeuvres.

Il me paraît aussi indispensable que le ministère de la culture, que je regrette de ne pas voir représenté ce soir, s’implique toujours mieux et davantage aux cotés du ministère des affaires étrangères dans le pilotage de CulturesFrance, y compris en termes de contribution budgétaire.

L’intelligence et la sensibilité sont les principales ressources de l’humanité ; il nous faut les cultiver face à la barbarie quotidienne qui menace nos sociétés sous toutes les latitudes. Sur tous les continents, l’art et la culture offrent un socle pour mieux construire la société de demain. On le constate, les artistes, la création restent une source d’inspiration et de construction pour un monde pacifié, solidaire et, surtout, plus juste et plus équitable. C’est pourquoi il est urgent de donner, en quelque sorte, « des racines et des ailes » à CulturesFrance. (Sourires.)

C’est dans cet esprit que le groupe CRC votera les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi relative à la transformation de CulturesFrance en établissement public industriel et commercial, en souhaitant que l’Assemblée nationale - l’actuelle ou la future - puisse également se prononcer rapidement sur ce texte. En tout état de cause, le Sénat aura accompli un geste fort pour une structure qui fait beaucoup en faveur du rayonnement de la culture française dans le monde et contribue ainsi au dialogue des civilisations.

Avant de conclure, je veux saluer le travail de notre rapporteur Louis Duvernois qui, sous la houlette bienveillante du président Jacques Valade, a entraîné ses collègues turbulents de la commission des affaires culturelles dans un travail constructif.

M. Jean-Léonce Dupont. Ça, c’est vrai !

M. Ivan Renar. Avec ce vote, je plaide pour une mondialisation à visage humain, sous forme d’échanges, dont la loi serait non plus le profit le plus éternel possible mais l’équilibre entre donner et recevoir, et je m’inscris résolument dans le sillage d’André Malraux : « L’art est le plus court chemin qui mène de l’homme à l’homme. »

Les dernieres interventions

Affaires culturelles Les bénévoles méritent bien une loi

Proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et simplifier la vie associative - Par / 12 mars 2024

Affaires culturelles L’angoisse de Parcoursup

Débat sur l’équité et la transparence de Parcoursup - Par / 6 mars 2024

Affaires culturelles DES JO sans transports ?

Débat sur la préparation des JO en France - Par / 4 mars 2024

Affaires culturelles Vive le cinéma !

Conforter la filière cinématographique en France - Par / 15 février 2024

Affaires culturelles Nous aurions dû aller plus vite, plus loin, plus fort

Démocratisation du sport : explication de vote - Par / 19 janvier 2022

Affaires culturelles Une proposition de loi poids plume

Démocratisation du sport - Par / 18 janvier 2022

Affaires culturelles L’existence de ces objets et de ces œuvres ne commence pas avec leur exhibition

Circulation et retour des biens culturels appartenant aux collections publiques - Par / 10 janvier 2022

Affaires culturelles La pérennité des bibliothèques est assurée

Bibliothèques et développement de la lecture publique (deuxième lecture) - Par / 16 décembre 2021

Affaires culturelles Les directeurs ne veulent pas être une courroie de transmission hiérarchique

Fonction de directrice ou de directeur d’école (conclusions de la CMP) - Par / 25 novembre 2021

Affaires culturelles La concentration dans les médias nuit à la diversité et au pluralisme des idées

Oeuvres culturelles à l’ère numérique : conclusions de la CMP - Par / 21 septembre 2021

Affaires culturelles La stratégie de la concentration est forcément perdante

Protection et accès aux oeuvres culturelles à l’ère numérique - Par / 20 mai 2021

Administration