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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Droits d’auteur : explication de vote

Par / 10 mai 2006

Le fond de ce débat au terme duquel nous arrivons était le droit d’auteur - avec son droit moral - et la copie privée adaptée aux dernières nouvelles technologies.

Fondamentalement, le texte adopté cède devant la pression du copyright et mutile l’avenir de la copie privée. En criant au loup-garou face aux nouveaux moyens techniques inventés par les hommes, nous les affermons aux grandes affaires au lieu de les civiliser !

Je me souviens, monsieur le ministre, de l’inauguration d’une exposition à la Villette, en 2004. Le catalogue contenait une phrase que je garde en mémoire : une certaine maturité commence à s’établir dans ces champs créatifs, qui permet de les réintégrer dans une continuité historique tout en obligeant l’invention de nouveaux types d’expérience.

C’est ce travail difficile qu’il nous aurait fallu accomplir ; or, nous ne l’avons pas fait.

Ce travail est difficile, car, comme c’est le cas pour tout moyen de transport, la régulation est longue à établir. Ainsi, il aura fallu quarante ans pour le chemin de fer, et de nombreuses années entre l’invention de la voiture et le code de la route !

En réalité, ce n’est pas l’invention de l’automobile, mais plutôt la survenue d’accidents qui a incité à organiser la régulation. Je me souviens de ce que disait Paul Virilio à cet égard : « inventer le navire, c’est inventer le naufrage, l’avion le crash, et le train, la catastrophe ferroviaire ».

Aujourd’hui, conscients de ces deux aspects, nous avions la possibilité de traiter la question fondamentalement. Or nous ne l’avons à mon avis pas fait, ce qui est regrettable.

Quoi qu’il en soit, j’ai senti que les questions évoquées étaient l’occasion de troubles dans cette assemblée. J’en veux pour preuve toutes les discussions sur l’interopérabilité, même si cette dernière n’a pas marqué le débat. Certains souhaitaient l’interopérabilité, mais d’autres, qui ont malheureusement réussi, voulaient la « rétrécir ».

Sur les deux amendements qui ont concerné la création d’une autorité administrative, les votes n’ont pas été tranchés.

Dans un cas, il y a eu 164 voix « pour », 159 voix « contre » et 5 abstentions. Cela signifie bien que la question existe et que nous n’avons pas su aller dans le sens d’une responsabilité publique nouvelle.

Dans l’autre cas, il y a eu 161 voix « contre », 120 voix « pour » et 41 abstentions. Faites l’addition des voix « pour » et des abstentions, et vous arriverez également à un équilibre !

Il y avait donc des possibilités que nous n’avons pas exploitées.

Voilà, pour l’essentiel, ce que je voulais dire.

En 1996, lors de l’adoption d’une directive européenne, j’avais déclaré que l’heure me paraissait venue de donner un signal, car il était clair, notamment dans les débats de l’OMPI, que le copyright avançait. Je disais alors : il nous faudrait sonner le tocsin !

La question est même posée aux États-Unis. Un auteur explique en effet l’évolution américaine par le fait que les sociétés de communication ont réussi à convaincre les gouvernements que les critères d’intérêt public ont de moins en moins d’opportunité, puisque les innovations technologiques permettent au marché de résoudre les problèmes.

Une sorte de goutte-à-goutte est en train de se distiller et, si l’on n’y prend garde, un jour on se retrouvera noyé. Une pluie drue s’abat maintenant contre le droit d’auteur et contre l’intelligence créatrice, dans un mélange prospectif avec les nouvelles technologies porteuses de tant d’espérances.

À une époque, je disais « attention ! ». Aujourd’hui, je dis « non ! ». Nous ne pouvons pas accepter le projet de loi tel qu’il a abouti, même si, à certains moments, des initiatives provenant de la commission ou d’autre origine, ont été acceptées.

Il s’agit d’un problème difficile. J’en ai eu la preuve récemment lorsque je me suis rendu à deux rencontres internationales : l’une se déroulait à Munich, autour de soixante juristes Français et Allemands ; l’autre réunissait à Bruxelles, il y a quinze jours, soixante-quinze juristes venus de toute l’Europe. Les questions qui nous préoccupent ont été posées, mais elles n’ont pas obtenu de réponse.

Nous, nous sommes des législateurs et non des chercheurs. Il nous faut donc trancher. Toutefois, il y a deux façons de trancher : soit en caressant l’avenir, soit en le coupant. Malheureusement, ce soir, c’est le côté coupant plus que l’aspect caressant qui a prévalu.

À cause de notre très fort attachement au droit d’auteur, à cause de notre volonté d’appréhender d’une manière ouverte l’avènement des nouvelles technologies, nous voterons contre ce texte.

Pour terminer, monsieur le ministre, je voudrais citer une déclaration d’un artiste, Shigeru Miyamoto, que vous fîtes chevalier dans l’ordre des arts et des lettres le 13 mars 2006. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, je rappelle qu’il est le créateur de Mario et de Zelda, ce n’est donc pas un créateur que certains qualifieraient de classique.

Il a dit : « Je ne pense pas qu’il faille s’adapter à la console de jeu, c’est à la console de s’adapter à nous [...] Le problème n’est pas : "qu’est-ce que la machine peut afficher ?", c’est : "qu’est-ce que, moi, je veux produire sur cette machine ?" [...] Ce n’est pas la machine qui fait le créateur. C’est le contraire. »

Nous sommes des créateurs législatifs. Je trouve que ce soir, à travers un langage machiniste, nous avons trop oublié le créateur.

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