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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Il est urgent d’accompagner la transition des modèles économiques de la presse

TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne -

Par / 17 février 2014

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi tend à faire passer le taux de TVA de la presse en ligne de 20 % à 2,1 %, pour l’aligner sur le taux de TVA super-réduit appliqué à la presse papier.

Nous approuvons cette mesure absolument nécessaire, en regrettant toutefois le caractère tardif de la décision. Ce retard a d’ailleurs permis l’engagement d’une procédure de redressement fiscal particulièrement inopportune à l’encontre de plusieurs titres de presse en ligne et de Médiapart, qui – c’était chose connue – s’est auto-appliqué le taux de TVA réduit depuis plusieurs années. Ces titres pourront compter sur notre soutien.

En effet, nous avions déjà demandé à maintes reprises l’application du taux de TVA réduit à toute la presse. En tant que rapporteur pour avis sur les crédits presse de la loi de finances pour 2014, j’ai également défendu cette proposition d’extension du taux de TVA super-réduit à la presse numérique.

Le taux réduit de TVA protège un contenu, une fonction – l’information –, son indépendance et son pluralisme, et non un support : le journal papier.

Le Gouvernement avait objecté la non-conformité de cette disposition aux règles européennes et le risque que des contentieux ne soient engagés à l’encontre de la France. Il avait alors affirmé sa volonté de faire avancer la réflexion européenne en matière de TVA, comme il tente de le faire depuis 2012, avant toute modification législative.

La directive relative au système commun de TVA de 2006 encadre en effet strictement les exceptions au taux de TVA normal. Elle limite aujourd’hui le taux de TVA réduit entre 5 % et 15 % aux livres, aux radios, aux droits d’auteur dus aux écrivains, compositeurs et interprètes et aux services fournis par eux, à l’exception des services culturels en ligne. Elle restreint le taux de TVA super-réduit aux applications antérieures à 1991, quand elles sont justifiées par des raisons d’intérêt social ; c’est le cas de la presse papier en France.

Cependant, cette directive ignore superbement l’enjeu démocratique essentiel qui est au cœur de cette affaire. L’information est un droit, une liberté fondamentale, et non une simple marchandise.

Alors que le secteur de la presse traverse une crise très grave, entre érosion des ventes papier et impossible équilibre économique de la presse numérique, menaçant jusqu’à son existence – en tout cas celle de nombreux titres –, il était urgent de rétablir la neutralité fiscale et technologique de la TVA pour accompagner la transition, encore en gestation, des modèles économiques de la presse.

Étant donné l’absence d’avancées concrètes au niveau européen, je me réjouis que le Gouvernement ait décidé, sans plus attendre, d’uniformiser le taux de TVA applicable à la presse.

Je ne peux pourtant limiter mon propos à cette disposition. Aussi positive soit-elle, elle n’est qu’un premier pas, qui ne doit pas nous faire oublier combien la crise de la presse est structurelle, grave et profonde.

Les fortes tensions que connaît actuellement le journal Libération nous rappellent, s’il le fallait, l’ampleur de cette crise, qui a déjà mené à la fermeture des éditions papier des journaux La Tribune et France-Soir.

Cette actualité pose la question du soutien et de l’accompagnement de la presse d’information générale ainsi que celle de la survie des journaux papier, de leurs transformations nécessaires et de leurs « multimutations » vers le « multisupport ».

Il est vrai que Libération est dans une situation financière compliquée. Ce journal a sans doute, comme d’autres, à régler des problèmes d’orientation stratégique et éditoriale, mais le projet développé par ses actionnaires ne constitue aucunement une avancée souhaitable pour la presse en général. Bien au contraire ! Loin de sauver l’information, il la rend accessoire, fait de ce journal une marque, un produit d’appel, dissout tout ce qui fait le cœur de la presse, d’un quotidien, se contentant d’analyser son bilan économique comme celui d’une entreprise « comme les autres ».

Que la presse évolue pour trouver de nouvelles formes d’existence, de nouveaux modèles économiques combinant offre papier et développement de l’offre numérique, soit ! Mais chose, mais transformer un des grands quotidiens nationaux en un espace marchand et en un réseau social à seul but lucratif, rendant l’information accessoire, ne peut être ouvrir la voie à la sortie de la crise que traverse la presse. En l’occurrence, pour « sauver » Libération, on tue le journal ! C’est donc à juste titre que les salariés et journalistes de ce titre s’inquiètent de son devenir et que nous les soutenons dans leur opposition à la mise en œuvre du projet proposé la semaine dernière par les actionnaires.

Si les difficultés de Libération se déploient avec une ampleur particulière, elles sont emblématiques de celles que rencontre l’ensemble de la presse quotidienne d’information.

La révolution numérique entraîne de nouveaux usages et de nouveaux modes de « consommation » de l’information, qui, combinés à la crise économique, placent la presse dans une période de profonde déstabilisation. Surtout, cette révolution est mise à profit par d’autres groupes, notamment les géants du web et, en particulier, Google, pour piller les revenus publicitaires par la mise en ligne et le référencement de contenus journalistiques sur Internet, récupérés au mépris du droit des auteurs et des rédactions. Cette stratégie a à la fois pour effet de concurrencer la presse traditionnelle et de faire diminuer la rentabilité des offres légales et numériques des journaux.

D’ailleurs, les fameux accords passés entre Google et les éditeurs de presse, auxquels le Gouvernement a poussé plutôt que d’encourager une longue négociation avec les géants de l’internet dans un cadre européen, n’ont fait qu’entériner cette pratique, moyennant une somme purement symbolique. Il aurait mieux valu réfléchir à la participation pérenne de ces grandes entreprises au financement de la presse, en contrepartie de la récupération de valeur qu’elles opèrent, souvent illégalement !

Par conséquent, si la TVA à 2,1 % va dans le bon sens, elle devrait prendre place dans un dispositif d’ensemble, pour assurer la survie et l’avenir de la presse d’information dans cette période de transition, pour aller vers le déploiement de nouveaux modèles viables et modernisés pour l’ensemble de la presse, qui devraient combiner, et non opposer, dans une concurrence mortifère pour l’information, le papier et le numérique.

La survie de la presse d’information est un enjeu démocratique : celui de l’existence du pluralisme d’opinion et d’analyse.

Cet édifice démocratique est en danger et, pour le repenser, une seule mesure ne suffit pas. Nous avons besoin de nombreuses mesures pour lutter contre la concentration, pour repenser un réseau de distribution mutualisé dans une perspective de modernisation, avec un soutien accru et rénové de l’État et le renforcement de la solidarité entre les acteurs. Il faut que les aides à la presse soient maintenues, et non diminuées – comme l’a fait la dernière loi de finances –, pour favoriser la mutualisation de la distribution, la modernisation des supports et la protection du pluralisme.

À nos yeux, ce dispositif d’ensemble manque encore et, si la baisse de la TVA sur la presse numérique s’inscrit dans la bonne direction, raison pour laquelle nous voterons cette proposition de loi, elle devrait être accompagnée au plus vite d’autres mesures qui prennent pleinement la mesure de la crise.

Je le répète, nous souhaitons que la baisse de la TVA fasse partie d’un ensemble plus cohérent, à même de lui donner son plein effet et de doter la presse des moyens de la révolution nécessaire.

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