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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Modernisation audiovisuelle et télévision du futur : explication de vote

Par / 22 novembre 2006

Si j’ai pu apprécier les quelques « entractes » qui ont émaillé la discussion de ce texte, au cours desquels nous avons pris le temps d’aborder des problèmes de fond qui concernent l’homme, dans sa dimension de citoyen et d’artiste, je ne peux, sur la stratégie générale qui se dessine à travers ce projet de loi, que reprendre les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale : décidément, ce texte n’a pas beaucoup de qualités et présente de nombreux défauts.

C’est un texte technique dans sa présentation, qui contribue à renforcer les puissants, quels que soient les amendements qui ont été adoptés. En définitive, nous n’en percevons pas bien le sens sur le plan humain. Au demeurant, je ne reviendrai pas sur ses défauts, les ayant suffisamment énumérés. À cette heure, je ne voudrais pas risquer de limiter le temps de parole de nos collègues qui, tout à l’heure, doivent débattre de l’équarrissage !

Je souhaite, en revanche, revenir sur la technique et sur la propension actuelle à considérer le numérique comme un instrument « libérateur », une sorte d’utopie techniciste qui prétend résoudre une fois pour toutes les contradictions de la vie. Cette démarche est dangereuse et, un jour ou l’autre, il y aura un retour de bâton.

Je lisais hier des études, récemment publiées, portant sur la façon dont les citoyens abordent la technologie. Selon ces études, quel que soit l’engouement actuel pour Internet, on sent poindre un retournement, un début de gommage de l’enthousiasme auquel nous avons assisté et l’apparition d’un sentiment de crainte.

Cette crainte provient de ce que nous percevons la technique comme nous apportant des solutions sans qu’il y ait eu auparavant de grand débat populaire et sans que nous soyons assurés qu’aucun contrôle ne s’exerce sur ce qui nous est offert ou, tout simplement, sur notre vie. Il y a là un thème qui mérite vraiment que nous nous réfléchissions.

Pour moi, cette loi est donc une loi de régularisation des grands intérêts en place et non une loi de régulation.

Ma deuxième remarque concerne la création.

Nous avons eu un bon débat, mais nous n’avons pas pu le pousser très loin.

Dans un texte de 1920, Paul Valéry expliquait que les outillages que les hommes s’approprient progressivement pourraient, à un moment donné, faire « bouger la notion même d’art ». À mes yeux, c’est là une vue prophétique. Ainsi, quand on parle de télévision, il faut veiller à ne pas la juger à l’aune des arts installés historiquement.

Il faudra bien que la télévision produise un jour des inventions artistiques spécifiques - même s’il y en a déjà eu, qui restent dans toutes les mémoires -, mais cela prendra du temps. Ainsi, pour que le cinéma soit reconnu, il aura fallu l’avènement du parlant. Avant, on considérait le cinéma comme un art de foire !

Ce sont de très grandes questions, qui relèvent, non de la loi, mais du débat. Et, là, il y a beaucoup de progrès à faire.

Ma troisième remarque concerne le sens général de ce projet de loi.

Notre époque est en quête de quelque chose, dans un environnement qui déifie les objets et dévalue le monde des humains. Nombreux sont nos concitoyens en quête d’une vision, d’un sens. Or ce sens est absent de ce projet de loi, et c’est là son défaut fondamental. Quand on considère les lois qui nous sont proposées et la vie politique actuelle dans ce pays, c’est bien là que se situe la pierre d’achoppement.

La télévision est née pour les autres et ne grandit que par les autres. À cet égard, nous ne sommes pas au bout de nos peines, car ce projet de loi est trop partiel et s’enferme dans des considérations d’intérêts et de technicité.

En ce qui concerne l’argent, si je n’ai pas accepté de retirer mon amendement tout à l’heure, c’est parce que je pense qu’il faut dire les choses.

J’ai entre les mains le communiqué final des Rencontres cinématographiques de Dijon.

Ces rencontres réunissaient un grand nombre d’artistes et de producteurs, non seulement français, mais aussi européens et américains, et une convergence s’est établie. Ces professionnels ont dit qu’ils avaient peur de l’évolution actuelle des conditions de production de la création.

Le communiqué final de cette manifestation, rédigé le 29 octobre dernier, et qui s’adresse à nous, parlementaires et hommes politiques, doit susciter notre réflexion. Nous ne leur avons pas fourni de réponse aujourd’hui, puisque nous avons refusé de mettre en place les nouveaux financements possibles. Cette question est tout de même importante !

Outre le sens, qui n’a pas été abordé, et les finances, qui n’ont pas été abondées, ce qui manque aussi dans ce projet de loi, c’est l’évocation de son environnement économique.

Les auteurs du communiqué final des Rencontres cinématographiques de Dijon écrivent ainsi : « Nous dénonçons l’inadmissible offensive des industriels - fabricants de matériels électroniques et de technologies de l’information - contre la copie privée et la rémunération qui y est attachée. » Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes tout à fait opposé à cette démarche des industriels. Mais c’est pourtant ce que préparent en ce moment même la Commission de Bruxelles et le commissaire en charge de ces questions, qui est vraiment un « ultra » de la loi de la concurrence, « libre et non faussée », c’est-à-dire, en fait, autoritaire et complètement faussée !

Les environnements créés par l’ensemble des mouvements qui ont lieu au sein des grands groupes, ici, aux États-Unis ou ailleurs, entraînent une mutilation dont il faut tenir compte.

Pour notre part, au groupe CRC, avec Ivan Renar et Annie David, qui ont participé à cette discussion avec passion et rigueur, et s’en sont enrichis - nous ne sommes pas de ceux qui pensent que l’on a raison tout seul ! -, nous considérons qu’avant d’avoir ce débat au Sénat il aurait fallu tenir des assises, au cours desquelles nous aurions pu aborder les questions d’argent et les autres.

Le 24 janvier dernier, lors de la Journée d’étude de l’UMP pour la culture, M. Sarkozy a eu une phrase formidable : il a dit qu’il fallait cesser de donner de bonnes paroles aux artistes et passer enfin aux actes. C’est du mot à mot ! Il avait même dit que, s’il n’était pas possible de régler la question des intermittents par la voie du contrat, on en passerait par la loi. Tout cela a été oublié !

Il faudrait donc tenir des assises. C’est pourquoi, avec quelques amis appartenant à des professions artistiques, dont certains travaillent pour le privé et d’autres pour le public, et dans un pluralisme total, nous allons organiser, ici, au Sénat, au début du mois de février prochain - car, en janvier, il y a le FIPA -, une rencontre intitulée « Création, culture, publics et numérique ». Ainsi, de la même manière que les sénateurs débattent dans l’hémicycle, comme c’est leur droit et leur devoir, ces invités débattront aussi, à côté, comme c’est également leur droit et leur devoir.

En conclusion, je voterai contre ce projet de loi.

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