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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de loi de programme pour la recherche (2)

Par / 16 décembre 2005

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,

Vous indiquez, Monsieur le Ministre, dans un article publié le 26 novembre dans les Echos, que ce projet de loi d’orientation et de programmation de la recherche, tend à « diffuser la culture de la recherche dans l’entreprise ». Je crains, pour ma part, qu’il ne s’agisse en réalité de diffuser une certaine culture d’entreprise dans la recherche.

En effet, ce projet de loi fait apparaître une nouvelle notion fondamentale, celle de compétitivité.

Si vous n’osez pas aller jusqu’à parler de la rentabilité de la recherche ou de la mise en concurrence des acteurs de la recherche, vous posez quand même les prémices pour assujettir un domaine supplémentaire aux impératifs du marché.
L’orientation pour la recherche donnée par le gouvernement est en effet celle de l’accroissement de l’aide à la recherche privée, au détriment de la recherche publique et de la recherche appliquée.

Ainsi, l’effort pour la recherche fondamentale qui représentait 64% du budget en 2004, tombera à 37 % en 2010. L’effort pour le transfert et l’innovation passera de 32% en 2004 à 63% en 2010.

En 2006, 75% des financements publics supplémentaires seront des aides à la recherche privée.

Alors qu’il aurait fallu, sur tous les fronts publics comme privés, permettre le développement de la recherche, vous faites une nouvelle fois le choix d’opposer l’intérêt général et les intérêts privés.

Que l’on se comprenne bien, ma critique ne porte pas sur l’importance de l’aide au secteur privé de la recherche, même si son organisation mérite discussion, mais il ne me semble pas pertinent de vouloir développer l’innovation industrielle en laissant dépérir les recherches fondamentales source de futures innovations.

D’autre part, l’engagement, lors du sommet européen de Lisbonne, de porter l’effort de recherche à 3% du PIB impose de prendre de nouvelles dispositions en faveur de la recherche industrielle. Elle représente aujourd’hui 1,4 % du PIB et devrait atteindre 2% en 2010.

Pour atteindre cet objectif, des efforts restent donc à faire. Prenons quelques exemples :

Malgré 5,2 milliards de profits en 2004, et une rentabilité voisine de 18 %, Sanofi Aventis a fermé le centre de recherche de Romainville, deuxième centre de recherche pharmaceutique français.

Le groupe Total, avec 9 milliards de profits en 2004, n’a pas réalisé l’intégralité de son budget recherche cette même année.

Les entreprises publiques ou récemment privatisées ne sont pas en reste. Ainsi, l’effort de recherche de France Telecom a baissé et ne représente plus que 1,9 % du chiffre d’affaire.
Concernant EDF, le ratio entre le budget recherche et le chiffre d’affaire est passé de 1,7 en 1998 à 0,9 en 2003, conjugué avec une baisse des effectifs en recherche qui atteindra 27% en 2007. A GDF, les effectifs affectés à la recherche ont baissé de plus d’un tiers en à peine 7 années.

Comment ne pas mentionner, à cette occasion, l’abandon d’une véritable politique industrielle du pays, les processus de privatisation ne s’étant accompagné d’aucune réflexion de la puissance publique sur le rôle de l’Etat dans la recherche industrielle.

Il y a alors effectivement urgence à développer une véritable politique industrielle basée sur la recherche et de grands programmes d’innovation, pour répondre aux enjeux environnementaux, énergétiques et sanitaires ... Pourtant, il n’est pas question de cela dans ce projet de loi.

Pour connaître les actions gouvernementales en faveur de l’investissement privé dans la recherche et les efforts de financement public en faveur de l’innovation, il faut en réalité se référer à la loi de finances 2006.
En effet, si le budget est en augmentation d’1 milliard, ces crédits supplémentaires seront largement destinés aux financements de projets finalisés répondant aux objectifs de rentabilité à court terme, notamment par le biais des nouvelles agences de moyens.

Ainsi, l’agence d’innovation industrielle, ayant vocation à financer les grands programmes d’innovation industrielle, recevra un milliard d’euros, financé par les privatisations des entreprises publiques. Il s’agit par ce procédé de soutenir l’entrée d’entreprises françaises sur des marchés innovants pour lesquels une demande devrait émerger dans 5 à 10 ans. Il s’agit donc d’abonder des projets déjà financièrement rentables.

Ne serait-il pas plus utile d’élargir les prérogatives de cette agence à de grands programmes nationaux dans des domaines où le marché n’est justement pas performant ? De plus, quelle pérennité des financements puisque qu’il s’agit de l’argent des privatisations ?

L’agence nationale de la recherche va également voir ses financements augmenter, en passant de 350 millions à 800 millions pour atteindre 1,3 milliard en 2010. Cependant, son pilotage par l’aval industriel sur des projets flexibles sous tend une nouvelle fois une conception utilitariste de la recherche.

Le financement de ces structures se faisant au détriment des agences nationales de recherche.

Le budget entérine également une politique d’incitation fiscale vers les acteurs privés pour qu’ils investissent dans la recherche. Ainsi, la dépense fiscale va passer en 2005 à 730 millions d’euros contre 480 en 2004.

L’article 15 de la loi de finances 2006 renforce notamment le caractère incitatif du crédit impôt recherche en augmentant les taux de prise en compte des dépenses de recherche. Le coût supplémentaire pour l’Etat de cette mesure a été évalué à 240 millions d’euros auxquels il faut ajouter 60 millions dû au relèvement du plafonnement.

Au total, ce sont 300 millions d’euros d’exonérations uniquement grâce au Crédit Impôt Recherche !

Exonérations sociales et fiscales qui ne sont assorties d’aucune exigence de responsabilité sociale pour les entreprises, exonérations qui ne sont aucunement liées à la création d’emploi.

C’est pourquoi il est nécessaire d’apprécier précisément le rapport impact/coût de ce dispositif incitatif. Son utilisation pour des dépenses de recherche déjà existante peut constituer une aubaine sans effet incitateur sur la recherche des entreprises.

Il doit donc faire l’objet d’une évaluation dont les critères doivent être rendu publics et le cas échéant d’envisager son remplacement, notamment par la création d’un système de « crédit d’impôt flottant » pour inciter toute les entreprises à investir dans la recherche. C’est le sens de l’un de nos amendements.

Des aides complémentaires à toutes les entreprises pourraient également être conditionnées par l’existence de collaborations avec le secteur public ou par l’embauche de docteurs ou doctorants.

Les articles 9 et 10 du projet de loi, respectivement applicables aux organismes et aux universités, autorisent explicitement le recours aux structures de droit privé pour leurs activités de valorisation ainsi que la gestion des contrats de recherche. Ces articles entérinent une situation de fait. Cependant, la valorisation des connaissances scientifiques dans les domaines sociaux et économiques est un mission qui doit reposer sur des partenariats équilibrés. Or, Il n’est nullement fait référence dans la loi à cette notion d’équilibre et aux règles permettant de le garantir.

L’article 15 du projet de loi prévoit également d’exonérer d’impôt sur les sociétés, l’ensemble des revenus de valorisations tirés des activités conduites dans le cadre des missions de service public des établissements de recherche qu’ils soient publics ou privés.

Ce cadre fiscal favorable se veut une incitation supplémentaire à la recherche. Pourtant, ces procédés d’exonération ne peuvent se substituer à une politique volontariste, notamment en favorisant une meilleure coopération entre la recherche publique et la recherche industrielle, en dotant les chercheurs d’un véritable statut et en promouvant une politique industrielle ambitieuse.

Concernant la création des PRES, et dans le flou qui l’entoure avec la superposion des campus, elle ne peut se comprendre qu’à l’aune des pôles de compétitivité. En effet, les pôles de compétitivité pour lesquels une subvention de 1,5 milliard est inscrit au budget permettent de regrouper sur un même territoire des entreprises, des établissements d’enseignement supérieur et de recherche publics ou privés pour mettre en oeuvre des projets de développement économique pour l’innovation. Pour les Etats généraux de la recherche, ces pôle de recherche et d’enseignement supérieur devaient avoir un rôle d’interface afin de créer les conditions plus favorables à la valorisation des découvertes, au transfert de technologie, et à la création et aux soutiens des entreprises innovantes, position que nous soutenons totalement.

A contre pied de cette volonté, ce projet de loi, permet une plus grande disparité entre les territoires et l’orientation de la recherche vers les demandes des marchés. A la coopération, vous substituez la compétitivité des territoires et des entreprises.

Pour finir, il semble important de définir des espaces où la connaissance doit être reconnue comme patrimoine mondial. Il nous faut, en effet, tendre au partage et à la diffusion des savoirs.

Ainsi, il faut permettre la distinction entre les connaissances et leur valorisation.

On voit notamment dans le domaine de la recherche médicale, les dérives induites par le système actuel. En effet, c’est la loi du marché qui sert de moteur à la recherche-développement pharmaceutique, le principal mécanisme de financement étant le brevetage et la protection des prix. Cette démarche ne permet pas de satisfaire l’ensemble des besoins sanitaires et de garantir l’accès de tous aux soins.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs de groupe CRC ne peuvent que constater que ce projet de loi ne répond pas aux enjeux posés lors des états généraux de la recherche. Ils déplorent qu’une nouvelle fois les solutions avancées résident dans des exonérations fiscales et sociales pour les entreprises.

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