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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Nous sommes passés du scepticisme à l’opposition

Liberté de création, architecture et patrimoine : explication de vote -

Par / 1er mars 2016

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous y voilà ! Après un examen du texte pour le moins éprouvant, nous en arrivons enfin au vote.

Mon collègue Pierre Laurent, dans son intervention liminaire, avait lancé un appel à l’audace. Cela aurait bien été le minimum d’ambition pour un texte particulièrement attendu, qui devait constituer un grand rendez-vous avec le monde de la culture, du patrimoine et de l’architecture. Or cet appel ne nous semble pas avoir été véritablement suivi d’effet.

Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, même s’il nous laissait un sentiment mitigé, présentait des pistes intéressantes, notamment en matière de droit des artistes, d’archéologie préventive et d’architecture. Il était perfectible. Brigitte Gonthier-Maurin avait, lors de son examen en commission, employé l’image d’un gué, au milieu duquel le Gouvernement et les députés nous avaient laissés.

Le groupe communiste républicain et citoyen, dans un esprit constructif, a fait tout son possible pour enrichir le texte : nous avons déposé une centaine d’amendements, dont cinq ont été retenus. Trop souvent pourtant, notre démarche allait à contre-courant des orientations de la majorité sénatoriale, alors même que le Gouvernement restait quant à lui plutôt figé au milieu de ce gué.

Exit, ainsi, les dispositions sur le 1 % culturel que nous contestions en l’état, mais que nous souhaitions amender ; exit les dispositions sur les webradios, sur le monopole de l’INRAP pour les fouilles subaquatiques, sur le cadre protecteur de l’État en matière d’archéologie préventive, sur le crédit d’impôt recherche, sur la politique incitative au recours aux architectes, ou enfin sur les concours d’architecture.

Bienvenue, en revanche, à une certaine ségrégation entre les artistes en matière de protection et à une certaine incitation au travail dissimulé pour les artistes amateurs. N’oublions pas non plus l’ouverture aux phénomènes de concentration accomplie par le truchement de la réforme de la production indépendante et par la dérégulation du secteur de l’archéologie préventive, pour ne citer que ces sujets.

J’aimerais d’ailleurs m’arrêter sur ce point très brièvement. L’article 20 a été littéralement détruit au Sénat. Au motif que l’INRAP profiterait d’indus, ce que la Cour des comptes dément, la majorité du Sénat a continué à ouvrir les vannes pour les opérateurs privés. Faut-il rappeler que, étude après étude, on constate une distorsion de concurrence en faveur de ces structures privées, ainsi que des pratiques plus que douteuses de sous-traitance ou de dumping social ?

Dans le même temps, la majorité sénatoriale a limité le contrôle de l’État sur la préservation du patrimoine architectural, bien commun de la Nation, et permis parallèlement la mise en concurrence des services locaux entre eux. L’État, dont les moyens de contrôle sont ainsi affaiblis, devra donc en outre déployer son filet de sécurité lorsqu’un opérateur privé aura failli à la tâche pour laquelle il est payé !

Un autre élément est assez révélateur : le sort réservé au médiateur de la musique. Ce conciliateur s’est vu consciencieusement vidé de sa substance et de son intérêt, au motif qu’il ne faut surtout pas contrevenir au sacro-saint secret des affaires. Ainsi, c’est tout l’intérêt d’un conciliateur capable de fournir des éléments jurisprudentiels qui a été supprimé, au point que le médiateur ne ressemble plus aujourd’hui qu’à un fantoche sans âme.

En parallèle de ces mesures, on peut regretter que toutes les déclarations de bonne intention, unanimement partagées, contre la concentration dans les arts et les médias, contre la marchandisation à outrance de la culture et pour le respect de l’exception culturelle n’aient pas tenu à l’épreuve de l’élaboration de la loi. En témoigne notamment l’introduction dans le texte d’articles réformant en profondeur et dangereusement la production indépendante.

Il me semble essentiel d’aborder un dernier élément : la question des architectes des Bâtiments de France, ou ABF. Nous regrettons que la majeure partie de la discussion du titre relatif à la préservation du patrimoine ait en fin de compte tourné au procès indirectement intenté aux ABF.

En tant qu’élus locaux, nous avons tous eu affaire à un ABF un peu tatillon. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Tout n’est pas parfait du côté des ABF. Mais il n’est pas juste de mener cette bataille à peine cachée contre 120 personnes qui, rappelons-le, ont à leur charge plus de 44 000 monuments et qui se sont révélées si utiles à la préservation de notre patrimoine. Nous regrettons à ce titre que nos amendements visant à instaurer des espaces de dialogue plus importants entre ABF et élus locaux aient tous été repoussés.

Nous étions certes sceptiques avant le passage du texte devant la Haute Assemblée, mais nous restions ouverts… Aujourd’hui, nous sommes plutôt déçus.

Nous regrettons que nous n’ayons pas pu profiter de l’examen de ce projet de loi pour défricher plus efficacement le chemin étroit que pourrait prendre notre société entre le chemin qui mène vers l’individu-consommateur, jamais assez flatté, et celui qui mène vers l’individu-producteur, jamais assez bon marché... Je pense au chemin vers l’individu-citoyen, celui qui apprend, qui crée, qui s’émancipe, qui développe l’esprit critique, énergie essentielle au développement de la démocratie et au progrès de la société.

Plus concrètement, il se serait agi de prendre le parti d’un service public des arts et de la culture renforcé, mobilisant l’État et les collectivités, et qui protège les artistes et les auteurs, qui défende le patrimoine, qui incite à l’excellence architecturale, qui favorise le bien-vivre ensemble. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Et pour cause : la République libre, égale, fraternelle et laïque ne peut souffrir de l’assèchement culturel et artistique ni même de sa stagnation par manque d’ambition et de véritables moyens. En la matière, le progrès est un devoir, sauf à développer le terreau dont se nourrissent la méconnaissance, puis la défiance, puis la peur, puis la haine de l’autre.

Nous espérons pouvoir corriger le texte en profondeur et renforcer les dispositions qui nous semblent aller clairement dans le bon sens lors de la navette parlementaire.

Mme Françoise Férat, rapporteur. Ah !

M. Patrick Abate. En attendant, et en espérant que l’Assemblée nationale saura rétablir un certain nombre d’équilibres qui ont été mis à mal dans cette enceinte, nous voterons contre le texte en l’état.

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