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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Rien ne justifie cette loi d’exception

Restauration et conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris -

Par / 27 mai 2019

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son Historia Francorum, Grégoire de Tours rapporte que de son temps, en 586, l’île de la Cité fut dévastée par un terrible incendie. L’historien explique que la consécration de la ville la protégeait jadis contre le désastre des flammes, mais que lors du curage des égouts « on y avait trouvé un serpent et un loir d’airain ; qu’après qu’on les eut ôtés il parut dans Paris des loirs et des serpents sans nombre, et qu’après cela la ville fut prise de l’incendie ».

Aussi loin que nous portent dans le temps les écrits et les témoignages matériels des humains, l’île de la Cité est l’espace des destructions, des relèvements et des créations. La cathédrale de Notre-Dame a succédé ainsi à un groupe épiscopal plus ancien qui fut détruit et dont les pierres ont été réutilisées pour l’édifice nouveau. Enfin, la configuration actuelle des lieux doit beaucoup aux travaux de Rambuteau, de Viollet-le-Duc et surtout d’Haussmann.

Sans le dévouement exceptionnel des pompiers, des personnels du ministère de la culture et de la mairie de Paris, du diocèse et des entreprises, il est possible que la vieille cathédrale eût connu un destin aussi funeste que les édifices qui la précédèrent. Aujourd’hui l’essentiel est sauvé, mais la très longue histoire du bâtiment et du lieu nous imposent l’humilité. En juillet 1798, le général Bonaparte, devant les pyramides, déclarait : « Songez que du haut de ces monuments quarante siècles vous contemplent. » Regardant Notre-Dame, nous pourrions dire à sa suite : du haut de ces deux tours vingt siècles nous regardent. Non seulement il convient d’agir en pleine connaissance de la richesse patrimoniale de ce monument et de son environnement architectural, mais nous devons aussi intervenir dans le respect de sa destination première et actuelle, celle d’un lieu de culte qui tente d’offrir à ses pratiquants un espace de recueillement dans un bâtiment qui est le plus visité d’une capitale qui est la première destination touristique mondiale.

Le ministère de la culture et ses services patrimoniaux ont une pratique longue et assurée de la gestion de ces problématiques multiples, car celles-ci sont consubstantielles de la plupart des travaux réalisés dans des monuments historiques. Certes, il est heureusement rare qu’un tel sinistre survienne dans un ensemble architectural aussi vaste et complexe que celui de la cathédrale Notre-Dame. Cependant, les lois et règlements forgés à la suite d’une expérience pluriséculaire dans ce domaine offrent justement les cadres adaptés pour élaborer, discuter et mettre en œuvre les projets de restauration les plus difficiles.

Fort de ces expériences anciennes, notre pays a contribué à l’élaboration d’une doctrine qui a servi de socle aux traités internationaux destinés à protéger le patrimoine historique : la Charte de Venise, la Convention de Malte et le Document de Nara. À propos du concept d’authenticité introduit par la Charte de Venise, ce dernier texte précise : « Les couches d’histoire acquises au fil du temps par un bien culturel sont considérées comme des attributs authentiques de ce bien culturel. »

Tous ces travaux ont contribué à la constitution d’une conscience patrimoniale internationale qui a pour dessein « de clarifier et d’éclairer la mémoire collective de l’humanité ». Elle s’est manifestée avec force lors de la destruction des Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan, ou des vestiges archéologiques de Palmyre en Syrie. Par un renversement singulier du destin, cette conscience patrimoniale universelle s’est exprimée, dès le 15 avril, pour nous témoigner sa tristesse, sa compassion et sa volonté de participer à nos côtés au relèvement de ce qui a été détruit.

Cette mansuétude universelle nous honore et nous oblige. Elle doit nous astreindre à respecter scrupuleusement les préconisations patrimoniales des chartes internationales pour l’élaboration desquelles notre pays a fortement collaboré. La très récente loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine peut être considérée comme une transposition aboutie dans le droit français de ces principes. Nous ne comprenons donc pas pourquoi vous nous proposez d’y déroger aujourd’hui. Certes, le chantier de restauration de la cathédrale sera exceptionnel par sa durée et les moyens humains et financiers qui seront mobilisés, mais rien dans son organisation juridique et administrative ne justifie cette loi d’exception.

S’agissant de l’article 8 et de votre souhait d’instituer par ordonnance un nouvel établissement public chargé de la rénovation, dans l’étude d’impact qui accompagne ce projet de loi, le Gouvernement défend son utilité par la seule nécessité d’assurer une gouvernance du chantier « reflétant pleinement la diversité des personnes intéressées à la restauration ». Est-ce à dire qu’avant l’incendie la collaboration entre le ministère de la culture et ses services, la mairie de Paris et le diocèse était déficiente ? Le sentiment qui prévaut est plutôt celui d’une dépossession des autorités actuellement compétentes au profit d’un dispositif contrôlé depuis le plus haut sommet de l’État.

Sur le fond, cet exercice de contournement de la loi et des services chargés de l’appliquer jette le discrédit sur toutes nos institutions patrimoniales pour organiser le fait du Prince. Comment obtenir de l’élu et du citoyen le respect de la loi si le premier magistrat de la République exige de nous, par ce texte, de s’en affranchir absolument ?

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