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Affaires culturelles

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une proposition de loi du groupe RDSE propulsée au rang de mesure gouvernementale

Service civique -

Par / 27 octobre 2009

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de féliciter nos collègues du groupe RDSE, et tout particulièrement M. Yvon Collin, pour l’opiniâtreté dont ils ont fait preuve à propos de ce service civique.

À la fin de la dernière session parlementaire, ils avaient déjà été à l’origine d’un fort intéressant débat sur cette question en séance publique. Celui-ci avait permis à ma collègue et amie Éliane Assassi de faire part de l’approche de notre groupe à ce sujet.

Tous les groupes s’étant exprimés, il nous semblait alors qu’un vrai travail législatif pouvait s’ouvrir pour mettre au point un service national d’un type réellement nouveau, s’appuyant sur l’aspiration de notre jeunesse à l’engagement et à la reconnaissance.

Malheureusement, nous estimons que ce processus opportun se trouve, à travers l’examen du texte qui nous est soumis, détourné de son objectif. Nous pourrions même dire que la proposition de loi de nos collègues est, d’une certaine façon, victime d’un double hold-up législatif.

Tout d’abord, tout juste déposée par ses auteurs, elle se trouve propulsée au rang de mesure gouvernementale, annoncée par le Président de la République dans le cadre d’un plan pour la jeunesse manquant singulièrement d’ambition.

Ensuite, il ne s’agit pas – et notre étonnement fut grand en le découvrant ! – d’une mesure en faveur de la jeunesse puisqu’elle s’adresse finalement à l’ensemble de la population.

Ainsi, le service civique proposé se transforme, d’une part, en mesure de placement conservatoire des jeunes de seize à dix-huit ans en rupture scolaire et, d’autre part, en un dispositif permettant aux adultes en rupture d’activité professionnelle de se consacrer à des missions d’intérêt général.

Autrement dit, à partir d’une idée généreuse et novatrice censée permettre à tous les jeunes qui le désirent de s’engager au service de la collectivité nationale, nous en arrivons à un texte portant diverses mesures en faveur du volontariat, notamment une nouvelle forme de contrat d’activité qui renforce la précarité de ceux qui, en fin de compte, devront se satisfaire de cette offre.

En effet, cette proposition de loi relative au service civique est en fait, pour partie, une réécriture de la loi relative au volontariat associatif, un dispositif que nous avions combattu et qui, à l’usage, s’est montré incapable d’intéresser autant de personnes qu’espéré. Aussi, pour tenter de le rendre plus attrayant, on en élargit l’accès aux jeunes âgés de moins de dix-huit ans et aux personnes occupant un emploi.

On profite également de cette modification pour « nettoyer » les textes relatifs à diverses autres formes de volontariat et pour réduire les avantages sociaux du volontariat associatif, en supprimant notamment la cotisation aux caisses de retraite complémentaire qui y était liée.

N’est-ce pas d’ailleurs la perspective de réaliser une telle économie qui a permis à cette proposition de loi d’être inscrite à l’ordre du jour de nos travaux ? En effet, chacun le sait ici, l’article 40 de la Constitution précise que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». Or, depuis quelques années, la majorité de notre assemblée a décidé que ces propositions ou amendements ne devaient même plus être examinés s’ils n’avaient franchi le filtre de la commission des finances.

Cette interprétation nous a d’ailleurs été à nouveau opposée à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi puisque deux de nos amendements ont été rejetés par le président de la commission des finances, alors que nous pensions que ceux-ci étaient gagés par l’article 12 de cette proposition de loi, qui a été adopté par la commission de la culture.

Refusant de croire qu’on puisse faire, au sein de notre assemblée, des différences dans la lecture et l’interprétation de notre Constitution, devons-nous en déduire que cette proposition de loi n’engage aucune dépense supplémentaire ? Nous attendons des précisions sur cette question, monsieur le haut-commissaire.

Cependant, notre groupe étant particulièrement favorable à l’initiative législative des parlementaires, nous nous réjouissons malgré tout que cette proposition puisse être débattue, même si nous émettons d’expresses réserves à son endroit.

C’est tout d’abord la dénomination de ce service national telle qu’elle est justifiée dans l’exposé des motifs, qui nous pose problème. Nous ne saurions voir dans ce dispositif la nécessité d’inculquer les valeurs de la République aux citoyens et, en particulier, à ceux qui sont issus des milieux les plus défavorisés. Une telle vision, déjà fort critiquable si elle ne s’adressait qu’à des jeunes, devient insupportable lorsqu’elle s’adresse à toute la population. Ni notre peuple ni sa jeunesse ne méritent une telle approche.

À l’inverse de ces gages de responsabilité citoyenne que d’aucuns croient devoir exiger, nous nous prononçons en faveur d’un véritable service national de solidarité, et non d’un service civique. Nous souhaitons qu’il soit ouvert à tous les jeunes majeurs, mais uniquement à ces jeunes, non pas pour leur inculquer quoi que ce soit, mais pour leur permette de développer un engagement responsable au service de la solidarité nationale.

Selon notre conception, il ne peut s’agir que d’un service suffisamment intéressant, attrayant et souple dans sa mise en œuvre pour retenir l’attention de tous les jeunes, sans exception. Dès lors, il doit être réellement utile à ceux qui s’y engagent, mais aussi, et surtout, à la nation et à l’ensemble de la population, par les missions exercées. Aussi ce service national doit-il permettre à chaque jeune qui le souhaite d’effectuer de multiples missions, dans de nombreux domaines et sur tout le territoire. Il ne saurait être considéré comme un instrument d’insertion sociale ou professionnelle : de tels objectifs doivent relever d’autres types de dispositifs. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous sommes favorables à la prolongation de la scolarité jusqu’à dix-huit ans.

Il faut par ailleurs que ce service national soit piloté, précisément, au niveau national, avec un guichet unique territorialisé chargé de sa mise en place auprès des services publics et des associations, du développement des offres sur l’ensemble du territoire ainsi que du contrôle de son déroulement, bref, une porte d’accès permettant à chaque jeune de se renseigner et de s’engager.

Il faut aussi, bien sûr, qu’il ouvre droit à toutes les couvertures sociales et qu’il soit reconnu comme un élément de la formation de tout citoyen, pris en compte dans les parcours éducatifs.

Enfin, ce service national que nous appelons de nos vœux ne doit pas constituer un dispositif isolé dans un désert de politiques publiques qui met de côté notre jeunesse. Au contraire, il doit s’inscrire dans un ensemble de mesures favorisant l’autonomie responsable et solidaire de la jeunesse.

C’est à ces conditions que les jeunes se retrouveront majoritairement dans ce dispositif et seront tentés de s’y engager ; c’est à ces conditions que nous ferons naître un véritable service national utile à la nation.

Malheureusement, cela suppose une ambition qui semble aujourd’hui faire défaut aux pouvoirs publics. En mélangeant civisme, volontariat, insertion et engagement, le Gouvernement continue d’empiler de petites mesures catégorielles pour répondre aux multiples attentes de divers intervenants dont les objectifs sont souvent flous et disparates.

Pourtant, en utilisant cette proposition de loi comme base de travail, et en prenant réellement le temps de la rencontre et du débat sur les divers rapports qui ont été réalisés depuis plusieurs années sur cette question, il nous aurait été possible de parvenir à un tout autre texte. Nous ne laisserions alors pas à des décrets et autres règlements le soin d’en définir les conditions de mise en œuvre, comme c’est le cas aujourd’hui.

Ce rendez-vous manqué, nous le devons une nouvelle fois à la précipitation d’un gouvernement et d’un président qui souhaitent que le Parlement légifère toujours plus vite, sur des textes qui, finalement, manquent souvent leur cible ou s’avèrent inapplicables. Nous le savons, à l’heure actuelle, l’important n’est pas de faire, encore moins de bien faire ; l’essentiel est de faire savoir ! C’est ainsi que le piège s’est refermé sur cette proposition de loi. Sans son intégration au « plan jeunes » de Nicolas Sarkozy, elle n’aurait même pas été discutée ; en y étant intégrée, elle a été détournée.

Bien que les 10 000 volontaires associatifs annoncés voilà quatre ans soient devenus quelques centaines dans la réalité, malgré l’engagement des associations et la satisfaction des jeunes qui se sont engagés, on n’hésite pourtant pas aujourd’hui à avancer le chiffre de 70 000 jeunes mobilisés à terme par le service civique grâce à cette proposition de loi. Nous savons pourtant tous qu’en l’état actuel du texte, ils ne seront pas au rendez-vous, à moins, bien sûr, que des pressions ne soient exercées ou que des procédures ne soient instaurées à destination, d’une part, des jeunes qui décrochent, particulièrement ceux qui ont de seize à dix-huit ans et, d’autre part, de tous les adultes englués dans des petits boulots ou bénéficiant du RSA.

Finalement, nous risquons d’avoir plus de volontaires désignés que d’engagés volontaires !

Malgré cette vision pessimiste, nous espérons que nos débats et la navette parlementaire pourront encore améliorer ce texte. Nous proposerons ainsi une série d’amendements en ce sens, même si nous n’avons déposé que ceux qui nous paraissaient essentiels, le temps imparti à nos débats n’étant pas suffisant pour effectuer une réécriture complète du texte, qui nous semblait pourtant nécessaire.

Pour autant, nous ne perdons pas espoir. Nous souhaitons que le Parlement prenne le temps de se pencher sur cette question et parvienne, enfin, à la mise en place d’un véritable service national digne de notre époque et répondant aux enjeux de notre avenir.

En l’état, nous voterons contre ce texte.

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