Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Avec ce texte, la voie reste ouverte à l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de roche

Gaz de schiste : conclusions de la CMP -

Par / 30 juin 2011

Le débat parlementaire quelque peu mouvementé autour des propositions de loi relative à l’exploration des hydrocarbures de roche prend fin ici par la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire et par le vote du texte définitif.

J’espère sincèrement que la langue de bois et le double langage qui ont beaucoup marqué de nos débats ne seront pas de mise ce soir, mais j’ai quelques doutes.

En effet, aux questions :

• Faut-il interdire l’exploration et l’exploitation des huiles et gaz de schiste ?

• En conséquence, faut-il abroger l’ensemble des permis accordés ?

• Il n’a jamais été réellement répondu.

Ainsi, Madame la Ministre, si vous avez institué un moratoire, créer une mission d’information interministérielle, affichant par la même votre détermination à ne pas reproduire les erreurs commises outre atlantique, vous avez pourtant laissé la majorité parlementaire affirmer, sans la contredire, que la place du gaz et des huiles de schiste dans le bouquet énergétique était indiscutable.

En effet, dans un premier temps, les parlementaires de la majorité à l’Assemblée et au Sénat ont joué l’indignation en déposant des propositions de loi particulièrement claires sur les risques environnementaux et sanitaires de l’exploitation des hydrocarbures de roche.

Pourtant, dans un second mouvement, l’adoption d’amendements lors des débats parlementaires ont permis de modifier en profondeur le dispositif proposé pour en faire un dispositif obsolète avant même son application.

En effet, la proposition de loi n’a eu de cesse de perdre en contenu.

Elle est d’abord devenue inefficace à l’Assemblée nationale par la réécriture de l’article 2 qui dans sa rédaction finale ne propose plus l’abrogation automatique des permis de recherche concernant l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de roche.

Pire encore, elle est devenue, suite à son passage dans notre hémicycle, contre performante puisque la majorité parlementaire a autorisé, sous couvert de nécessité de recherche scientifique, la fracturation hydraulique que les propositions de loi se proposaient d’interdire.

Et ce, alors qu’il s’agit d’un enjeu environnemental considérable au regard notamment de la consommation importante d’eau nécessitée par la fracturation hydraulique mais également de risques de pollution des nappes phréatiques par des adjuvants chimiques.

Pour ces raisons, nous avons vivement combattu ce texte et sa réécriture par la commission de l’économie. Le groupe CRC-SPG a également fait le choix lors des dernières questions d’actualité de rappeler la dangerosité du texte proposé et d’inviter le gouvernement à davantage de prudence.

En vain, puisque madame la ministre, vous nous avez répondu de manière parfaitement inexacte d’ailleurs que « l’objet de la proposition de loi était bien d’empêcher l’exploration et l’exploitation de gaz de schiste au moyen de la fracturation hydraulique, seule technologie aujourd’hui utilisable. »

Inexactitude, en effet, par erreur ou pour oubli, puisque l’exploration par fracturation hydraulique était bien autorisée par le texte de la commission à des fins de recherche scientifique.

Vous nous avez également répondu que la nouvelle rédaction de l’article 2 qui indique que les permis de recherches seront abrogés si dans les deux mois les industriels indiquaient avoir recours à la fracturation hydraulique, pousserait les industriels à, je vous cite, « sortir du bois et à se résoudre d’eux-mêmes à l’abrogation des permis ». Le pensez vous réellement ? Les industriels, et par exemple le groupe Total, ou les sociétés Toreador et Shuepbach ont-ils intérêt à déclarer recourir à la fracturation hydraulique ? Est-ce d’ailleurs de leur responsabilité, de se résoudre d’eux mêmes à l’abrogation des permis et non à la loi de l’imposer ? Sur le fond, ne sont-ils pas d’ores et déjà sortis du bois, en sollicitant vivement les parlementaires afin d’adopter cette nouvelle version de l’article 2 qui leur convient assez bien comme le rappelait le PDG de Total lors d’une assemblée générale des actionnaires du groupe.

Le Monde d’hier citait un industriel qui réagissait à la possibilité d’abandonner ses permis, voilà ce qu’il dit : « Dans le monde de la mine, un permis, c’est les tripes d’un industriel, son actif le plus précieux, son portefeuille. »

De fait, les industriels qui n’envisagent pas une seconde arrêter toute exploitation, déclareront évidemment qu’ils n’utilisent pas la fracturation hydraulique, mais recourent à une autre pratique comme la « stimulation de la roche », par exemple.

Ils seront également tentés, comme l’affirment Toreador et Schuepbach, d’explorer voir même d’exploiter la piste du contentieux juridique tant ce texte de loi présente de failles.

Je leur fais également confiance pour développer de nouvelles techniques notamment à base de Propane ou d’Azote, sans par ailleurs prévoir aucune étude d’impact sur l’environnement, afin de ne pas se retrouver contraints d’abandonner une manne qu’ils jugent très profitable avec l’exploration des ces hydrocarbures.

De l’article 2, il n’a pas été question lors de la commission mixte paritaire puisque la rédaction adoptée par l’assemblée a été votée de manière conforme ici au sénat.

Ce qui a évolué, c’est l’article premier et les arrangements pris par la majorité parlementaire avec le principe d’interdiction du recours aux forages suivi de fracturation hydraulique.

Nous le reconnaissons, la version proposée par la CMP est meilleure, ou moins mauvaise, que celle adoptée par le sénat.

Il faut dire, que l’adoption des amendements du sénateur Bizet en commission de l’économie au sénat et leur confirmation en séance constituait un recul particulièrement flagrant puisqu’au final, la pratique de la fracturation hydraulique était légalisée sous couvert des besoins de recherche.

Autre amélioration, alors que nous avions indiqué en séance que nous trouvions étrange de concevoir une commission nationale sans la présence de représentant du Parlement, un amendement de deux rapporteurs allant dans ce sens a été adopté en CMP. Nous aurions souhaité que nos autres arguments trouvent la même issue et que les membres de la majorité nous écoutent un peu plus.

Car, pour autant, cela ne fait pas du texte proposé par la CMP un bon texte de loi.

Les aspects nocifs perdurent puisque l’article 1er bis qui crée une commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux a été maintenu, alors que nous en avions demandé la suppression.

Les missions de cette commission restent par ailleurs identiques, ce qui est en contradiction totale avec l’article premier. Ainsi, cette commission a pour mission d’évaluer les risques liés aux techniques de fracturation hydraulique ou aux techniques alternatives. Il faut être précis, si la technique de la fracturation hydraulique est interdite est-il nécessaire d’évaluer les risques qu’elle engendre ? En effet, l’évaluation sous-entend l’expérimentation. Or, cette expérimentation est bien prévue à l’article 4, alors même qu’elle devrait être impossible au regard du contenu même de l’article premier.

On reste donc dans un dispositif ambigu et contradictoire, bref inapplicable

Nous voyons bien, sur le fond, que la réécriture de l’article premier par la CMP, si elle constitue un progrès ne règle pas la question de manière satisfaisante et laisse la voie ouverte à l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de roche.

Fondamentalement, en limitant la question de l’exploitation des hydrocarbures de roche aux seuls forages suivis de fracturation hydraulique, mais également en renversant la charge de la preuve au profit des industriels, toute latitude est donnée pour l’exploitation des huiles et gaz de schiste, contrairement à ce qui a encore été affirmé lors de la tenue de la CMP par la majorité parlementaire.

Non, cette proposition de loi ne ferme pas la porte à l’exploration des hydrocarbures de roche mais, à l’inverse, l’ensemble du dispositif de cette loi et son articulation permettent de ne pas se priver dans l’avenir de cette ressource fossile. C’est très clairement l’objectif de la majorité !

Car, interdire véritablement l’exploration et l’exploitation des huiles et gaz de schistes exige que les permis de recherche soient abrogés par la loi, car loin des affirmations de la majorité parlementaire, ceux ci ne sont pas muets et mentionnent explicitement les pratiques utilisées. Nous le savons aujourd’hui grâce aux documents fournis par la CADA.

De plus en s’arrêtant pour les techniques employées à une dénomination qui n’a pas de définition juridique claire, la porte reste ouverte à de nouvelles appellations pour une technique qui resterait la même et donc aux contentieux juridiques.

De plus, quand bien même de nouvelles techniques seraient envisageables, puisque le gaz est emprisonné au cœur de la roche, comment celles ci pourraient éviter la fracturation. Or, la fracturation de la roche à grande échelle pose de nombreux problèmes, nous avons aujourd’hui les retours d’expérience suffisants pour en être convaincus.

Je voudrais également revenir sur l’opacité qui a entouré ce sujet. Durant de nombreux mois, les maires et les populations ont été totalement ignorés, n’apprenant les risques de désastre écologique encourus que grâce à la diffusion de documentaires réalisés outre atlantique.

L’information et la transparente en matière énergétique doivent être un corolaire de l’action publique en ce domaine. Nous ne le répéterons jamais assez. Alors que l’accident de Fukushima devrait nous éclairer sur cette nécessité, le gouvernement et les services de l’Etat ont continué de pratiquer la rétention d’information.

Je crois pourtant que nos concitoyens et les élus des territoires concernés méritent plus de respect de la part du gouvernement.

Pour finir, mais j’aurais pu commencer par là, la question reste posée de l’opportunité de continuer dans la voie de l’exploitation des ressources fossiles , peu importe la pratique employée.

En effet, pouvons-nous encore nous permettre, en contradiction avec l’ensemble de nos engagements internationaux concernant la nécessité de réduction des émissions de gaz à effet de serre, en contradiction avec les engagements pris lors du grenelle de l’environnement, de faire reposer l’avenir énergétique de la France sur l’extraction de ressources fossiles ?

La fin annoncée de l’ère du pétrole laisse de trop nombreuses questions sans réponses parce que la transition écologique n’est pas assurée.

Cela s’explique notamment par un déficit de recherche scientifique mais également, et surtout, par la structuration du marché énergétique. En effet, étant orienté principalement sur la notion de profitabilité, les principaux acteurs se placent de fait en dehors de toute responsabilité économique, sociale ou environnementale. Nous voyons là les limites concrètes du modèle libéral et son incapacité à permettre de penser de manière durable l’accès aux ressources de première nécessité.

En toute état de cause, nous estimons que l’avenir énergétique de la France, de l’Europe et du Monde ne passera pas par l’exploitation des huiles et gaz de schiste, mais bien par la recherche dans le domaine des énergies renouvelables afin progressivement d’en renforcer le poids dans le bouquet énergétique.

Ainsi, fondamentalement, l’ambition en terme de politique énergétique portée par les sénateurs de mon groupe réside dans une réappropriation des enjeux, par une maîtrise publique renforcée, qui serait seule à même de garantir véritablement la sécurité d’approvisionnement.

Un pôle public de l’énergie, dans lequel par exemple serait intégré une société comme Total, permettrait également d’influer sur ses choix d’investissements, sur sa politique de développement. Notamment, aujourd’hui alors que celle-ci se prépare à aller exploiter les hydrocarbures de roche présent dans le sous sol polonais, en dehors de tout principe de responsabilité environnementale, cela ne devrait plus être permis.

La transition écologique et la garantie du droit pour tous à l’accès à l’énergie impose donc de revoir les modèles libéraux appliqués par l’Union européenne et particulièrement par notre gouvernement, principes qui nous ont conduit à privatiser GDF, à ouvrir le capital d’EDF, à octroyer des permis de recherche à des sociétés privées dont le seul objectif est de réaliser d’importants bénéfices sur les ressources de notre sous sol. A l’inverse, l’intérêt général commande de reprendre le contrôle de notre avenir énergétique et non de le déléguer à la bonne volonté du marché et des actionnaires.

A ce titre, les révélations du New York Times devraient nous interpeller. En effet, en comparant l’affaire entourant les gaz de schiste à celle d’Enron, le célèbre journal place le niveau de détournement et de mensonge à la population assez haut. Ce journal relève qu’un responsable du secteur forage d’un grand cabinet d’étude américain assure que l’exploitation du gaz de schiste s’apparente à une « arnaque pyramidale » visant à gruger les investisseurs.

Ainsi, alors que l’exploitation de cette ressource fossile est promue par les industriels comme le nouvel eldorado énergétique et que les élites politiques semblent convaincues, de nombreux professionnels et notamment des géologues estiment que la révolution du gaz de schiste est survendue. Ainsi, les réserves exploitables pourraient être très inférieures à celles annoncées. Au Texas, les puits ne produisent que 20 % de ce qui était annoncé. De plus, l’exploitation serait bien moins rémunératrices qu’attendue.

Voilà encore une illustration navrante du pouvoir des lobbies sur les choix politiques et en l’occurrence énergétique, qui souhaitent par cette exploitation générer une bulle spéculative permettant de dégager des profits pour les grands groupes énergétiques en dehors de la réalité économique et des aspects environnementaux.

Ces révélations du New York Times devrait, en urgence vous faire revoir votre copie illustrant les contradictions entre défense de l’intérêt général face aux intérêts privés, contradictions, dans lesquels le gouvernement s’est enlisé. La responsabilité politique devrait vous conduire à satisfaire avant tout l’intérêt général.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste, républicain et citoyen confirme son opposition à cette proposition de loi.

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