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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Cette mesure concerne plus de 2 millions d’utilisateurs chaque mois

Pass navigo unique -

Par / 27 février 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur et cher Michel, mes chers collègues, avant de devenir une proposition de loi, ce texte a déjà circulé sous différentes formes en différentes instances.

En effet, j’exerce, outre mon mandat sénatorial, celui de conseillère régionale d’Île-de-France et, à ce titre, j’ai eu l’occasion, avec mon groupe, de porter cette proposition à l’échelle régionale depuis 2004. Le pass navigo unique était une des propositions avancées durant la campagne des élections régionales de 2010 par la liste du Front de gauche conduite par notre collègue et ami Pierre Laurent. Elle a également été exprimée au STIF sous forme de vœux par Christian Favier et les représentants de notre sensibilité politique au sein du Conseil régional. Enfin, elle a fait l’objet d’amendements, déposés par mes soins, au projet de loi de finances 2012. À ces moments politiques s’ajoutent la diffusion de nombreux communiqués et la tenue de nombreuses conférences de presse afin de faire connaître et partager cette mesure de justice sociale.

Je peux donc attester du chemin parcouru, avec toute la ténacité nécessaire, pour que cette proposition de financement soit peu à peu partagée et reprise par la majorité régionale et son président Jean-Paul Huchon. C’est donc avec un immense plaisir que je viens aujourd’hui présenter devant vous cette proposition de loi qui est l’aboutissement d’un long parcours.

Je ne saurais minimiser le pas que nous sommes appelés, je l’espère, à faire ensemble. Si elle devait être adoptée, cette proposition de loi contribuerait à une véritable révolution tarifaire dans les transports en Île-de-France en mettant fin à une organisation régionale en zones géographiques et tarifaires aujourd’hui obsolète.

Cette mesure concerne plus de 2 millions d’utilisateurs chaque mois, dont 53 % se déplacent au-delà de la zone 2 actuelle. Afin de bien mesurer l’enjeu de ce texte et de comprendre l’évolution de notre système tarifaire et de nos modes de déplacements, je vous propose d’effectuer un petit retour dans le temps.

La construction de l’actuel métro parisien a été décidée en 1896. La première ligne reliant Porte de Vincennes à Porte Maillot, sur le trajet des actuelles lignes 1 et 2, a été ouverte en 1900. Au cours des années 1960, l’agglomération parisienne s’est rapidement étendue et les dessertes entre la banlieue et Paris ont été améliorées par la création des lignes du réseau express régional d’Île-de-France, le fameux RER, et l’amélioration des lignes de banlieue existantes.

La carte orange, créée en 1975, a été le premier titre permettant un accès illimité à tous les moyens de transport d’Île-de-France pour un prix fixe pendant une période donnée. Jusqu’alors, une personne traversant Paris pouvait devoir acheter jusqu’à cinq tickets distincts !

La carte orange augmenta l’usage des transports en commun de l’Île-de-France, après une période de déclin due à l’utilisation croissante de l’automobile.

L’Île-de-France était alors composée de huit zones. Si l’on vantait la qualité de vie dans la grande couronne, l’éloignement de la capitale stressante et dense a très rapidement été également dû au prix des loyers et des terrains dans le cœur de l’agglomération.

On a tenté d’accompagner ce mouvement en développant le RER, mais force est de reconnaître que, jamais, le réseau des transports de banlieue n’a été à la hauteur de celui du métro parisien.

Aujourd’hui, selon la dernière enquête globale transport, publiée en janvier 2013, 41 millions de déplacements se font quotidiennement en Île-de-France, dont 20 % en transports en commun. Entre 2001 et 2010, la mobilité en transports en commun a fortement augmenté.

Parallèlement ou paradoxalement, les transports en commun sont aussi synonymes de galère, avec des RER bondés, supprimés, en retard, connaissant de multiples incidents.

Cette situation est la conséquence d’un sous-investissement de l’État pendant des dizaines années, laissant le réseau se saturer et vieillir ; ce manque d’anticipation total de la hausse de fréquentation des transports publics va de pair avec l’exigence écologique.

Depuis 2004, la région d’Île-de-France est dirigée par une majorité de gauche ; Jean-Paul Huchon est devenu président du STIF le 1er janvier 2005. C’est à ce moment-là qu’ont été menées les premières réflexions sur une tarification sociale en Île-de-France, avec, après plusieurs années de bataille, l’obtention de la gratuité pour les chômeurs et leurs ayants droit, ainsi que la réduction des tarifs pour les personnes aux revenus les plus modestes. Aujourd’hui, personne ne remet en cause cette conquête, même s’il a fallu convaincre l’ensemble de la gauche de la justesse d’une telle mesure.

Ensuite, la réflexion a porté sur la pertinence des zones, à savoir l’adéquation entre le prix à payer pour l’usager et la qualité du service rendu.

En effet, alors que les habitants de la zone 8 étaient ceux qui payaient le tarif le plus élevé, à savoir 142 euros par mois, ils passaient le plus de temps dans les transports, avec une qualité de réseau moindre. Ils subissaient donc une triple peine, que nous n’avons eu de cesse de dénoncer, héritée d’une conception dépassée de l’aménagement de l’Île-de-France.

C’est ainsi que le nombre de zones a été réduit de huit à cinq à la suite d’une très forte mobilisation non seulement des élus, mais également des usagers.

Nous sommes ici au cœur même de la conception du service public : on ne paie pas en fonction de la distance parcourue, mais avec la garantie que l’égalité est assurée sur l’ensemble du territoire. Il ne viendrait à l’esprit de personne, me semble-t-il, de proposer pour un timbre un tarif qui diffère en fonction de la distance séparant l’expéditeur du destinataire.

Aujourd’hui, nous arrivons à une nouvelle étape : après la réduction progressive des zones, puis le dézonage le week-end mis en œuvre en septembre 2012, il nous faut aller plus loin : une seule région, une seule zone tarifaire.

À l’heure du Grand Paris, du besoin de renforcer les liens entre Paris et la banlieue, cette mesure permettrait d’affirmer concrètement cette identité régionale et d’en finir avec des barrières tarifaires somme tout artificielles.

Pour rappel, il arrive parfois que deux tarifs coexistent dans certaines villes. Cela n’a pas de sens, et constitue, par ailleurs, une fracture territoriale et une injustice sociale puisque, très souvent, ce sont les habitants des quartiers dits populaires, les plus enclavés et les plus éloignés des transports, qui paient un tarif plus élevé que ceux des centres-villes.

Malgré ces arguments, il semble que notre proposition de loi n’ait pas encore convaincu, au moment même où je parle, l’ensemble de la majorité,…

M. Charles Revet. Ah !

Mme Laurence Cohen. … hormis nos collègues d’Europe Écologie les Verts.

M. Jean-Vincent Placé. Voilà ! Disons-le !

Mme Laurence Cohen. Que reproche-t-on à cette proposition de loi ?

J’ai lu avec intérêt le compte rendu de la commission du développement durable lors de la présentation du rapport de Michel Billout. Je résumerai les critiques en deux points.

En proposant d’augmenter et d’harmoniser le versement transport, une contribution due par les entreprises, nous ferions fuir les entreprises en amoindrissant leur compétitivité dans un contexte de crise. Qu’en est-il en réalité ?

Le MEDEF réagit toujours, il est vrai, très violemment dès que l’on veut toucher au versement transport.

M. Philippe Dallier. C’est une habitude ! Évidemment !

Mme Laurence Cohen. Rappelons que cette taxe, créée en 1971, n’a pas évolué significativement depuis lors. Tout dernièrement, c’est notre collègue député Jérôme Guedj qui a fait voter une augmentation de 0,1 %,...

M. Philippe Dallier. Et voilà ! Et on recommence !

Mme Laurence Cohen. … totalement dédiée, me semble-t-il, à l’augmentation de l’offre. C’est une bonne chose, car cela profite aussi bien aux usagers qu’aux entreprises.

Je rappelle que seules les entreprises de plus de neuf salariés sont soumises au versement transport et que, en conséquence, 80 % des entreprises franciliennes en sont exemptées.

M. Robert Hue. Eh oui !

Mme Laurence Cohen. Cette précision, toujours oubliée dans les arguments du MEDEF, permet de remettre les choses à leur juste mesure. (M. Charles Revet s’exclame.)

De même, si un taux élevé fait fuir les entreprises, comment expliquer la présence de la majorité des entreprises à Paris et dans les Hauts-de-Seine, des départements où le taux est justement le plus élevé ?

On oublie trop souvent de préciser que, entre les trois contributeurs du financement des transports publics franciliens, la part des collectivités locales s’est très fortement accrue au cours des dernières années et que les usagers ont connu très régulièrement une hausse des tarifs, sans qu’ils voient toujours pour autant leurs conditions de transport s’améliorer.

Enfin, le MEDEF omet également de souligner que, si l’on parvient à créer une seule zone, avec, donc, une baisse importante des tarifs pour nombre de Franciliens, cela induira automatiquement une diminution de la part à rembourser par les employeurs. M. le rapporteur a chiffré cette économie entre 120 millions et 130 millions d’euros par an.

Je ne veux pas minorer le coût supporté par les entreprises avec la mesure que nous proposons, mais il me semble que nous devons raison garder au regard des 20 milliards d’euros accordés aux entreprises par le Gouvernement au titre, précisément, de leur compétitivité, ce qui représente un apport important pour les entreprises franciliennes.

Quant à nos concitoyens, ils ne voient guère, pendant ce temps, leurs conditions de vie ou leur pouvoir d’achat s’améliorer.

J’en viens à la seconde critique qui nous est opposée.

Si chacun reconnaît que les transports en Île-de-France ont besoin de nouvelles ressources, les questions tarifaires ne seraient pas la priorité des Franciliennes et des Franciliens, qui souhaitent avant tout des transports de qualité et ponctuels. Autrement dit, oui à de nouvelles ressources, mais pour améliorer l’existant.

Un sondage IFOP, publié en novembre 2012, montre que 77 % des Franciliens attendent le pass navigo unique.

M. Jean-Jacques Hyest. Oui ! On est d’accord sur ce point !

Mme Laurence Cohen. Par ailleurs, pour notre part, nous n’opposons pas les choses : soit le pass navigo unique, soit l’amélioration de l’existant.

Je vous rappelle que la proposition de loi initiale visait à harmoniser le versement transport au taux le plus haut, et ce pour toute l’Île-de-France. Les ressources ainsi dégagées se situaient autour de 800 millions d’euros, ce qui permettait le financement du pass navigo unique, dont le coût était estimé à 500 millions d’euros, le reste pouvant être consacré au renfort d’offre.

Pour tenir compte des inquiétudes soulevées par les entreprises, Michel Billout propose, à juste titre et comme signe d’ouverture, des taux progressifs du versement transport et différenciés selon les zones géographiques. Même si la somme dégagée est donc un peu moindre, elle permettra tout de même non seulement de participer à l’augmentation de l’offre, mais aussi d’instituer le pass navigo unique.

En tout état de cause, on ne peut pas nous reprocher à la fois de vouloir tuer les entreprises et de refuser de développer l’offre existante.

Quoi qu’il en soit, ce débat montre qu’il est indispensable de trouver de nouvelles ressources, qui vont bien au-delà de l’harmonisation du versement transport. En effet, les transports franciliens sont aujourd’hui à bout de souffle, les besoins en financements se chiffrent en milliards d’euros,…

M. Charles Revet. C’est vrai !

Mme Laurence Cohen. … ce qui nécessite la mise en œuvre d’autres mesures, notamment une taxe sur les poids lourds, une modification de la redevance pour création de bureau, la taxe stationnement, la taxe locale sur les bureaux, les locaux commerciaux et de stockage.

Les annonces prévues très prochainement dans le cadre du Grand Paris Express nous donneront la possibilité d’en débattre de nouveau. Mais j’indique d’ores et déjà que, à l’heure où un projet régional de cette ampleur se dessine, il paraîtrait vraiment plus cohérent d’avoir une tarification unifiée.

En conclusion, nous avons ici l’occasion de participer à l’écriture d’une nouvelle page des transports franciliens, qui correspond à l’évolution de nos déplacements, à plus de justice sociale et territoriale. J’espère vraiment, mes chers collègues, que nous saurons nous rassembler sur ce sujet, comme nous avons réussi à le faire au sein de la majorité régionale.

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