Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Chèque-emploi associatif

Par / 13 mars 2003

par Roland Muzeau

Monsieur le Président,
Monsieur la Ministre,
Mes chers Collègues,

L’examen par l’Assemblée nationale de la présente proposition de loi visant à créer un chèque-emploi-associatif, dispositif calqué sur le chèque-emploi-service, a été l’occasion pour chaque formation politique de témoigner du rôle essentiel tenu par le milieu associatif pour tisser et dynamiser le lien social nécessaire à notre société.

Outre ce rôle social majeur, nous reconnaissons tous au secteur associatif un rôle économique indiscutable ; l’emploi associatif représentant aujourd’hui près de 5% de l’emploi salarié total.

Dans ces conditions, comment ne pas partager l’objectif de la proposition de loi qui, par le biais d’un nouveau mode de gestion, entend faciliter l’embauche de salariés par les petites associations de terrain qui, effectivement, ont de réels besoins en personnels compétents pour des interventions ponctuelles ?
Nous reconnaissons l’intérêt du dispositif proposé limitant au maximum les formalités administratives et sociales liées au statut d’employeur pour les associations, leurs gestionnaires bénévoles.

Nous ne pouvons ,toutefois,pas nous dispenser de réfléchir aux conséquences des dispenses envisagées de certaines formalités sociales sur le statut des salariés recrutés, rémunérés, par le biais d’un chèque-emploi-associatif.
D’autant que, Madame le Rapporteur de la Commission des Affaires sociales, propose au Sénat d’élargir le champ d’application du chèque-emploi-associatif à l’ensemble des déclarations et obligations incombant à l’association, comme tout employeur de droit commun, au titre du droit du travail.
En aucun cas, au motif qu’il convient d’aider les associations, nous ne saurions accepter que l’on précarise encore davantage l’emploi.
Il ne suffit pas de souligner que « le but du chèque-emploi-associatif n’est pas de définir, au détriment des salariés, un statut social au « rabais ».
Encore faut-il s’entourer de toutes les garanties nécessaires pour que » le plus attendu » par le monde associatif ne se fasse pas au détriment des droits sociaux de leurs salariés.

Or, sur cette question la rédaction initiale de la proposition de loi n’est pas sans zones d’ombres, notamment en ce qui concerne le volet social du chèque servant pourtant à déterminer les droits sociaux du salarié.
Le silence du texte sur la protection à laquelle le salarié a droit est plus que dommageable.
Nous ne savons toujours pas à quelle convention collective ce chèque-emploi-associatif devra s’attacher.

Le dispositif ne s’adressant plus désormais uniquement aux emplois d’animation, mais à tous les types d’emplois susceptibles d’être exercés pour le compte d’une association, il est impossible de désigner une convention de référence. Par conséquent, il devient impératif de s’attacher à envisager selon quelles modalités le chèque, lui-même, mentionnera la convention collective applicable.
Interrogée sur ce point en commission ainsi que sur la question de l’organisme de retraite complémentaire dont relèveront les salariés rémunérés à l’aide d’un chèque emploi associatif, vous avez, Madame le Rapporteur, répondu que « cette détermination pourra être effectuée dans le cadre de procédures simplifiées, comparables à celles qui existent, par exemple, dans le cadre du « titre emploi simplifié agricole » !

Je m’excuse d’insister, mais cette réponse, qui n’en n’est pas une, est loin de me satisfaire.
J’attends la discussion de ce matin des précisions utiles pour nous éclairer notamment sur ces deux aspects.
Monsieur le Ministre devrait être attentif à cette demande, puisqu’il a lui-même noté, en première lecture à l’Assemblée Nationale, qu’il convenait « de ne pas négliger les modalités d’application du dispositif, ni sous-estimer les difficultés éventuelles qu’elles peuvent receler ».
Si les partenaires sociaux doivent légitimement accompagner le chèque emploi associatif, encore faut-il que préalablement, le législateur ait épuisé sa compétence. En l’occurrence, cela signifie que nous fixions au moins le cadre minimum, concernant la convention collective de référence et que nous nous entendions sur les organismes de retraite complémentaire et de prévoyance compétents.
Aucune des adaptations envisagées par la Commission des Affaires sociales ne va dans ce sens.
Le chèque emploi associatif valait déjà contrat de travail ; il dispensait l’association d’établir un bulletin de paie ; il permettait d’accomplir les déclarations et paiements afférents aux cotisations et contributions dues au régime de sécurité sociale, au régime d’assurance chômage et aux institutions de retraites complémentaires et de prévoyance.
Si les amendements de la Commission des Affaires sociales reçoivent l’aval de la majorité sénatoriale, les associations à but non lucratif, certes, seules les plus petites , pourraient alors s’affranchir de l’ensemble des obligations incombant aux employeurs telles que définies par le code du travail !

Qu’il s’agisse de la déclaration unique d’embauche, de la tenue d’un registre unique du personnel, ou des déclarations au titre de la médecine du travail et des garanties de ressources accordées aux travailleurs privés d’emplois….
Connaissant la volonté de nombre de nos collègues parlementaires de droite d’alléger toujours plus « les contraintes » pesant sur les employeurs privés et leur appétit à voir étendre le bénéfice du chèque emploi aux associations à but lucratif aux entreprises,- le débat et les correctifs apportés au projet de loi initiative économique à l’occasion de la première lecture par l’Assemblée Nationale en témoignent- les sénateurs communistes sont contraints d’etre prudents vis-à-vis des présentes dispositions.

En effet, la PPL peut effectivement être une avancée pour la vie associative, mais elle peut également se révéler être un fâcheux précédent pour l’ensemble des salariés français.
Pour être tout à fait honnête, je dois quand même souligner que, sur un point, la démarche de la Commission des Affaires sociales pourrait se révéler positive.
Je pense à la proposition qui nous est faite de désigner les URSSAF comme interlocuteur direct et unique des associations utilisant le chèque emploi associatif. Car là encore, nous devons avoir un regard croisé avec les dispositions contenues dans le projet de loi initiatives économiques instaurant un guichet social unique ; dispositions qui soulèvent d’énormes inquiétudes parmi le personnel des URSSAF. La solution préconisée par Madame le Rapporteur, éviterait l’écueil de la désignation, sous une forme physique, d’un nouveau guichet unique, ce qui, a priori, me semble plus satisfaisant.

Une fois toutes ces observations faites, ces réticences exprimées, la proposition de loi apparaît moins attrayante , plus symbolique. D’autant, et c’est là le second point sur lequel je souhaite insister, qu’il convient de ne pas oublier le contexte dans lequel s’inscrit cette nouvelle disposition législative.

Et c’est un contexte peu favorable, c’est le moins que l’on puisse dire, au monde associatif dans son ensemble en particulier, et pour l’emploi salarié en général.
Les associations étant parmi les plus importants utilisateurs de contrats aidés, CES, CEC, je me souviens être intervenu lorsque vous présentiez M. le Ministre présentait le texte contrat jeunes en entreprises, pour relayer l’inquiétude de l’UNIOPSS notamment, suite aux annonces relatives à la non reconduction des moyens de nature à financer ces mesures de traitement social du chômage.
Je me souviens également m’être inquiété de la disparition des emplois jeunes qui, selon les termes de Mme Edith ARNOULT-BRILL (Présidente du Conseil national de la vie associative) « ont apporté des compétences, un moyen de conforter le projet associatif et de développer des activités ».

Dans un secteur déjà confronté à de graves difficultés, vos choix en matière de politique de l’emploi ont été ressentis comme une régression.
La diminution des crédits inscrits pour 2003 pour le sport par exemple,le paiement tardif des subventions ; l’absence de progrès concernant la reconnaissance du bénévolat ; sont autant d’éléments qui, aujourd’hui, me confirment à penser que globalement, la politique mise en œuvre en direction des associations n’est pas très volontariste.

Les questionnements exprimés par les sénateurs communistes lors de l’examen de la loi de finances des crédits pour 2003, notamment sur l’opportunité de vos choix priorisant, l’emploi dans le secteur privé par le biais de l’accentuation des exonérations de cotisations sociales et le démantèlement des 35 heures, de la loi de modernisation sociale, ou du dispositif emplois-jeunes, se révèlent malheureusement très justes.

Le contexte actuel, marqué par une forte dégradation de l’emploi et par la multiplication les plans sociaux, vous contraint, M. le Ministre, à demander des rallonges pour l’enveloppe des contrats aidés dans le secteur non marchand ; à envisager de réactiver le CIE ; à agiter la perspective du CIVIS aux contours encore incertains.

Bref, à bricoler sans toutefois renoncer à créer un environnement toujours plus libéral pour les entreprises !
Si la commission des Affaires sociales s’apprête à ne pas retenir le principe d’un nouvel abattement spécifique sur les cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, ce n’est pas, parce que, comme prend soin de le préciser le rapport, la majorité conteste l’utilité des allègements de charges sociales. Mais parce les multiples allègements déjà existants, cumulables conduisent dans la plupart des cas à exonérer totalement l’employeur de ses charges patronales. Mais également parce que ce nouvel abattement pourrait être source de distorsions entre associations, entre associations et entreprises.

Au regard de toutes ces remarques et en l’état du débat, vous comprendrez, Messieurs, que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne puissent être que réservés vis-à-vis de cette proposition de loi qui relève, selon nous, de « l’effet de manche » ; dans la mesure où, elle est à resituer dans le cadre plus global de la politique du gouvernement, menée en direction et non pas au profit des associations.

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