Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Commerces de proximité en zones rurales

Par / 23 janvier 2003

par Odette Terrade

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,

L’engagement, depuis une trentaine d’années sur la voie de la mondialisation capitaliste et de l’intégration des économies de marché européennes a transformé incontestablement nos espaces économiques et nos territoires.

Cette transformation s’opère sous l’impact d’un double mouvement : d’un côté, le développement des grandes firmes multinationales organisées en réseaux contribue à façonner l’espace économique et à favoriser une dynamique de fractionnement de notre territoire ; de l’autre, la mise en concurrence, à l’échelle de l’Union européenne des services publics affaiblit le rôle que jouaient ces derniers dans l’aménagement cohérent du territoire et dans l’intégration sociale.

Ce double mouvement contribue à une marginalisation de certaines zones, celles situées à la périphérie des villes par exemple, en même temps qu’il participe à la désertification rurale.
Cette dynamique de fractionnement de notre territoire, de constitution de poches localisées d’exclusion du développement économique et social ou, pour le dire autrement d’apparition de nouvelles formes territoriales de pauvreté, questionne chacun d’entre nous.
Notre collègue M. Mortemousque soulignait très pertinemment, à l’occasion d’une question orale, que, je cite, « le démantèlement lancinant des services publics en milieu rural risquait de se traduire par un véritable abandon de nos communes ». La disparition des petits commerce de proximité, comme les cafés-tabac, la petite épicerie, la boulangerie, le bar-restaurant par exemple, ne constitue-t-elle pas le signe le plus tangible de ce risque ?

Nous savons combien ces commerces de proximité, contribuent à la survie de nos villages, de leur centres nerveux parce qu’ils participent à l’animation de la vie locale, à la consolidation du tissu social, mais aussi parce qu’en créant un environnement plus favorable, ils peuvent avoir des effets d’entraînement positifs sur d’autres activités.
Ils jouent un rôle essentiel dans le maintien et la production du lien social, autrement dit dans la dynamisation sociale, indispensable à la survie des petites communes rurales et à l’aménagement équilibré du territoire.

Or, aujourd’hui, ce sont déjà 18 000 communes qui sont dépourvues de ces commerces de proximité ! En trente ans, de 1966 à 1998, on ne dénombre pas moins de 140 000 disparitions de commerces de bouche, soit en moyenne, une saignée de 47 000 commerce par décennie.
Ce déclin, qui semble inéluctable si l’on ne réagit pas, atteint plus particulièrement, plus rapidement devrait-on dire, les petites communes, comme vous venez de le souligner, monsieur le Rapporteur. Ainsi, entre 1980 et 1998, les communes de moins de 250 habitants ont vu disparaître les deux tiers de leurs commerces de proximité, tandis que celles de 250 à 500 habitants en perdaient plus de la moitié !

Nous savons que la grande distribution, contribue toujours en opposant une concurrence de plus en plus insoutenable aux petits commerces indépendants, au modelage du territoire et à la désertification rurale ? Comment ne pas admettre que par divers moyens, produits d’appel pour rendre captive sa clientèle, développement d’une offre multiservices par exemple avec l’appui des nouvelles technologies de communication, elle se livre à une concurrence déloyale à laquelle les commerce de proximité peuvent difficilement résister ?

Que l’on s’accorde ou non sur l’analyse des facteurs qui contribuent à la désertification de nos zones rurales, au premier rang desquels facteurs nous plaçons la mondialisation capitaliste et la rationalisation des modes de vie sous l’impulsion entre autre, des firmes de la grande distribution, personne ne peut, à l’évidence, nier son constat !

Pour autant, comme le soulignait à juste titre, Monsieur Mortemousque, « selon l’immense majorité des élus des cantons (…)il ne dépend que de la volonté des élus et des pouvoirs publics de bâtir un nouveau développement reposant sur les réalités locales ».
Au cours du riche débat mené en commission des affaires économiques sur la proposition de loi de notre groupe, à l’initiative de notre ami et collègue, Gérard Le Cam, certains n’ont pas hésité à qualifier l’idée et le dispositif prévu d’iconoclastes, rompant avec l’orthodoxie.
Mais au fond, cette situation « historique » d’agonie de certaines de nos zones rurales ou de certains points ruraux de notre territoire n’exige-t-elle pas des solutions innovantes, plutôt que des remèdes maintes fois éprouvés et dont l’efficacité est pour le moins douteuse ? Les faits sont là : le mouvement de désertification rurale ne s’est pas interrompu, et force est de constater qu’il s’est même accéléré.

Les exonérations fiscales, les soutiens à l’investissement et toutes les autres formes de subsides et subvention indirectes et temporaires, bien que nécessaires, n’ont pas permis d’interrompre la tendance de fond qui condamne à la disparition, les petits commerce de proximité.
D’autres mesures, plus volontaristes, fondées sur la solidarité nationale mais aussi interprofessionnelle, jouant sur des mécanismes de redistribution, devaient donc être imaginées !

Le dispositif proposé permettait d’assurer un complément de revenu pérenne au petit commerçant, en fonction des résultats dégagés par son activité. A la différence des autres mesures, le soutien s’inscrit dans la durée sans pour autant être permanent si une dynamique s’enclenche. Ce dispositif, pour hétérodoxe qu’il soit aux yeux de certains, constitue la condition sine qua non de la viabilité du petit commerce. Il tient compte des réalités économiques et sociales, de la difficulté de maintenir un commerce, de l’impossibilité d’entreprendre ou de se lancer dans une nouvelle activité commerciale en zone rurale.
Car l’esprit d’entreprise dans notre système capitaliste est nécessairement défaillant si l’espoir de rentabilité des projets n’est pas assurée dans le long terme ! Quel franc-tireur se lancerait dans une nouvelle activité si la probabilité des gains qu’il espère en tirer dans le futur est trop incertaine ? Dans le cas qui nous préoccupe aujourd’hui, nous savons que cet espoir est vain, que nos commerces dans les petites communes ne sont pas rentables, en tout cas au départ !

Il a en plus l’avantage, dans cette période d’orthodoxie budgétaire de ne pas gréver les finances publiques puisqu’il solliciterait les excédents de la Taxe d’aide au Commerce et à l’Artisanat, la TACA dont le rapporteur a à juste titre rappelé que telle devait être sa vocation dans un souci de solidarité des grandes surfaces à l’égard du petit commerce. Il s’agit ici de faire contribuer la grande distribution afin de tenter de rétablir un équilibre entre les parts respectives du petit commerce indépendant et celles de la grande distribution. Car, si distorsions de concurrence il y a, elles ne jouent évidemment pas ou si ce n’est qu’exceptionnellement et à la marge entre les petits commerces. Car comme on peut l’observer, c’est à la fermeture simultanée de plusieurs commerces que l’on assiste, en toute impuissance. L’on fait en tout cas moins de cas de la distorsion de concurrence liée à la grande distribution.

Par ailleurs, la TACA étant désormais budgétisée, il s’agit au fond de faire jouer la solidarité nationale à travers le budget global, au moyen du mécanisme de la redistribution.
D’un tel dispositif, ce sont les petites collectivités locales dont on connaît la faiblesse des moyens dont elles disposent qui en seraient les premières bénéficiaires.
Nous ne pouvons donc que regretter les conclusions négatives auxquelles notre commission a abouti.

Que direz-vous Monsieur le ministre, Mesdames et Messieurs les sénateurs aux élus des petites commun,es rurales qui cherchent des solutions pour faire subsister les petits commerces, alors que nous aurions pu tenter cette innovation, expérimenter sur une période de cinq ou six ans ce dispositif qui offrait incontestablement beaucoup d’avantages et pour un coût plus que raisonnable ?
Nous pouvons d’autant plus regretter ce rejet, que les arguments développés ne nous paraissent guère convaincants.
Ne doit-on pas y voir des positions de principe, des pétitions de principe à défaut d’arguments ? Au fond, à poursuivre la réflexion, notre démarche semble contraire à l’orthodoxie libérale parce qu’elle en constitue une entorse flagrante ! Or, je continue de penser que c’est précisément cette orthodoxie libérale qui nous asphyxie, qui asphyxie ce fameux esprit d’entreprendre en abandonnant au seules forces du marché des pans entiers de notre économie.
Vous souhaitez, Monsieur le ministre, je vous cite, « libérer l’esprit d’entreprendre ». Permettez-moi, monsieur le ministre de m’interroger sur le sens de cette formule qui me fait un peu sourire. Quelles sont donc ces contraintes qui pèseraient sur les petites et moyennes entreprises et que l’on souhaiterait alléger parce que bridant toutes les énergies ?
Quelles contraintes pèsent encore sur cet esprit d’entreprendre, après la vague de déréglementation que notre économie a subi et que le gouvernement a encore accentué ?
Ce qui tue, Monsieur le ministre l’esprit d’entreprendre, c’est l’esprit affairiste, l’esprit de rentabilité immédiate, de gains juteux réalisés sur les marchés financiers !
Ce qui tue l’esprit d’entreprise monsieur le ministre, ce qui détourne les finances de leur utilisation productive, l’investissement de la création de richesses, c’est la nécessité d’épurer les pertes issues de l’euphorie boursière, de la spéculation financière en lieu et place du développement de nos industries ! Les petites et moyennes entreprises sont les premières à en souffrir qui ne trouvent plus de financement à la hauteur de leur nécessité !

Et je ne crois pas monsieur le ministre que dans une telle situation vous parviendrez à ranimer uniquement par des exonérations de charges fiscales, ce qui pour beaucoup d’économistes constitue cet état d’esprit particulier au moment même où c’est l’entreprise elle-même qui est en danger,. De tels solutions ont déjà été éprouvées qui ne mettent pas un terme aux fermetures d’entreprises et aux licenciements massifs !

En dehors de ces considérations d’ordre plus général, mais qui ne sont pas évidemment pas pour autant complètement hors de notre sujet, de telles mesures on l’a souligné seront inefficaces pour le cas qui nous préoccupe aujourd’hui.
Quelles sont donc les engagements concrets que vous comptez prendre pour préserver, voire relancer, les commerces de proximité dans les zones rurales ?
Cette question vaut d’ailleurs tout autant pour certaines zones urbanisées où les commerces de proximité ferment les uns après les autres.

Autrement dit, quelles sont les mesures concrètes que vous proposez pour soutenir les petits commerces dans nos zones rurales et plus globalement la où la tendance est à leur disparition.
Je vous serais reconnaissante, monsieur le Ministre, de nous apporter des réponses précises à ces questions.

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