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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Contrefaçon

Par / 19 septembre 2007

Ce texte transpose la directive du 29 avril 2004. Si nous ne contestons pas le renforcement de la protection des détenteurs de droits de propriété intellectuelle, nous notons que la lutte contre la contrefaçon ne saurait se réduire à des modifications législatives ; le comportement des entreprises, des pouvoirs publics, des consommateurs doit évoluer.

Le projet de loi a une véritable portée politique en ce qu’il ne traite de la contrefaçon que d’un point de vue économique, hexagonal. Le phénomène, dit-on, fait perdre à la France plus de 6 milliards d’euros et 30 000 emplois chaque année ; c’est dire qu’il n’est plus artisanal mais industriel. Planétaire et organisé, il profite des failles d’une économie mondialisée. Mais les pays développés ne peuvent fermer les yeux sur les liens qui existent entre contrefaçon, délocalisations et exploitation des travailleurs de certaines économies émergentes. Les entreprises ont leur part de responsabilité lorsque, dans le luxe par exemple, elles étiquettent en France des produits fabriqués dans les pays en développement par de la main-d’oeuvre surexploitée. Et ces derniers pays, une fois en possession du savoir-faire et de la technologie, disposent de tous les outils nécessaires à la contrefaçon.

C’est dire que la lutte contre ce phénomène ne peut être cantonnée au champ judiciaire, mais doit intégrer les processus de délocalisation et la refonte de notre modèle d’échanges. Malheureusement, le texte se place exclusivement du côté des entreprises victimes ; les consommateurs en sont les grands absents.

La contrefaçon touche tous les secteurs, le luxe bien sûr, mais aussi les médicaments, les jouets, les lunettes de soleil, les pièces détachées pour l’automobile. Elle menace désormais la santé et la sécurité publique.

Tout cela, ce projet ne le prend pas en compte. Le rapporteur, en revanche, s’est saisi du problème et propose un amendement visant à aggraver les sanctions lorsque la contrefaçon porte atteinte à la santé ou à la sécurité des personnes, la peine maximale passant de trois à cinq ans d’emprisonnement ou de 300 000 à 500 000 euros d’amende.

Cependant, si je ne conteste pas la nécessité de renforcer la lutte contre la contrefaçon lorsqu’existe un danger pour le consommateur, j’estime que le durcissement de la sanction et la création de circonstances aggravantes ne peuvent constituer la seule réponse. Le choix est hélas toujours le même : au lieu de s’attaquer aux causes, on réprime toujours plus.

La contrefaçon est souvent liée au crime organisé et au blanchiment. Croyez-vous que cet amendement, s’il est adopté, inquiètera ceux qui sont à la tête de ces réseaux ? Augmenter les moyens des services de police et des douanes serait à coup sûr plus efficace. Mais ce débat est récurrent, et nos points de vue restent divergents.

J’ajoute que le renforcement de la lutte contre la contrefaçon peut avoir des effets pervers. C’est le cas dans l’agriculture, pour les obtentions végétales. La loi du 12 mars 2006 entérine le principe du brevetage des semences, portant atteinte au droit des agriculteurs de réutiliser les semences de leur propre récolte. Aggraver les sanctions contre la contrefaçon va verrouiller le dispositif : la situation dans laquelle vont se trouver les agriculteurs aurait mérité à elle seule un débat.

Ce texte renforce les procédures simplifiées et accélérées de saisine du juge, modifie le calcul des dédommagements et introduit un droit d’information destiné à lutter contre les réseaux de contrefaçon. Les deux premiers points constituent une véritable révolution de notre organisation judiciaire. La directive impose aux États-membres de créer des procédures rapides de mise en place de mesures provisoires et conservatoires efficaces. Actuellement, seul le référé le permet. La directive, dans son article 9.4, prescrit aux États-membres de veiller à ce que « ces mesures provisoires puissent, dans les cas appropriés, être adoptées sans que le défendeur soit entendu. ». Le projet introduit donc de nouvelles procédures accélérées et simplifiées de saisine du juge qui, n’étant pas contradictoires, ne permettent pas d’assurer l’égalité des armes entre les parties au procès. Les magistrats entendus par le rapporteur ont soulevé le problème de l’extension de telles procédures, contraires aux droits de la défense.

Le nouveau calcul de la réparation du préjudice pose lui aussi problème. Le texte, qui reprend les termes de l’article 13.1 de la directive, prévoit que les bénéfices injustement réalisés par le contrefacteur seront pris en compte par le tribunal pour évaluer le préjudice résultant de la contrefaçon, et que le tribunal pourra allouer, à titre de dommages et intérêts, une somme forfaitaire ne pouvant être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé une autorisation. Or, la jurisprudence, se fondant sur l’article 1382 du code civil, a toujours refusé de prendre en compte ces bénéfices dans le calcul des dommages et intérêts, lesquels doivent réparer le préjudice sans qu’il en résulte pour la victime ni perte ni profit. Le principe d’une réparation stricte et intégrale semble incompatible tant avec la prise en compte des bénéfices injustement réalisés qu’avec l’indemnisation forfaitaire.

Si renforcer la lutte contre la contrefaçon est d’autant plus nécessaire que la santé et la sécurité des consommateurs sont en jeu, les principes fondamentaux de notre droit doivent cependant être préservés.

Surtout, l’action en amont des services de police et des douanes pour le démantèlement des réseaux est tout aussi importante que la répression. La disparition des frontières, qui facilite le transit de marchandises contrefaisantes, ne justifie pas les suppressions d’emplois dans les services des douanes. Il est pourtant question de 638 suppressions nouvelles entre 2006 et 2008.

La lutte contre la contrefaçon doit reposer sur un partenariat entre pouvoirs publics, entreprises et consommateurs. La ville de Saint-Denis, suivant l’exemple de Saint-Ouen, de Nice ou de Saint-Tropez, a ainsi signé, hier, une convention avec l’Unifab par laquelle elle s’engage à lutter contre les produits contrefaisants vendus aux abords du Stade de France durant la coupe du monde de rugby, à sensibiliser les consommateurs, les commerçants et les habitants à la nécessité de coopérer avec la police, la gendarmerie, les douanes et les services fiscaux.

Parce que le groupe CRC considère que l’on ne peut s’en tenir à une simple transposition et que la lutte contre la contrefaçon appelle un débat de fond, il s’abstiendra sur ce texte.

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