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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Développement économique de l’Outre-mer

Par / 10 mars 2009

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours des vingt dernières années, chaque nouvelle législature a vu l’adoption rapide d’un texte de loi sur l’outre-mer.

Bien que sa préparation ait débuté en 2006, avec la publication de plusieurs rapports d’audit ou des discussions menées par les préfectures, c’est seulement maintenant que ce projet de loi arrive en discussion, et encore est-ce sous la pression des événements que l’on connaît.

Avant l’examen du texte, plusieurs annonces ont toutefois été faites. Nous avons donc du mal à nous y retrouver, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État !

À la fin du mois de janvier, à la Réunion, vous laissiez entendre qu’une centaine de projets seraient retenus au titre du plan de relance, pour un montant de 250 millions d’euros de dépenses. Actuellement, seule une douzaine de projets seront financés, pour 25 millions d’euros. En novembre dernier, vous faisiez la promotion d’une stratégie de croissance pour l’outre-mer - la STRACOM - déclinée en vingt actions et une centaine de mesures. À la mi-février, le Président de la République a changé de cap et proposé des « États généraux de l’outre-mer ».

Pour en revenir au présent projet de loi, et au regard des événements actuels, le texte apparaît limité. Il lui manque notamment une dimension essentielle, la dimension sociale ou, pour le dire plus d’une façon plus générale, tout ce qui touche à l’humain.

De plus, les engagements pris à l’égard de l’outre-mer par Nicolas Sarkozy en tant que candidat à la présidentielle ne se sont pas non plus concrétisés ici. Le 16 juillet 2006, il préconisait ainsi des moyens pour développer le dialogue social et il invitait à faire plus d’efforts pour l’éducation, pour l’amélioration de l’offre de soins ou encore pour le développement de la coopération régionale. Or ces thèmes ne sont pas évoqués dans le texte.

Dans l’avis qu’il a rendu, le conseil régional de la Réunion invitait le Gouvernement à lier les avantages obtenus par les entreprises en matière d’exonérations fiscales ou de charges patronales à des augmentations de salaires ou à une baisse des prix. Il proposait également d’introduire dans le texte un chapitre consacré au développement humain. Cet avis n’a pas été suivi.

Depuis le second semestre 2006, comme je l’ai évoqué, les préfets ont mené officieusement des consultations sur le projet de loi. Ensuite est intervenue la consultation officielle, mais les organisations syndicales de salariés n’ont pratiquement pas été entendues.

Dans ces conditions, on peut comprendre l’ampleur des mouvements sociaux que connaissent nos départements d’outre-mer.

La crise qui frappe ces derniers ne résulte pas seulement du dérèglement financier qui secoue actuellement la planète entière. Elle découle aussi de plusieurs décisions prises depuis quelques années au niveau national.

En présentant, à la veille de la manifestation du 5 mars dernier, un catalogue de soixante-deux points concernant l’emploi, les salaires, les prix, le pouvoir d’achat ou encore le logement, le Collectif des organisations syndicales, politiques et associatives de la Réunion, le COSPAR, a rappelé que « la notion d’urgence sociale est arrivée à son paroxysme ».

Ces revendications ne trouveront guère de réponses satisfaisantes dans ce projet de loi. Il faut espérer que les « États généraux de l’outre-mer », qui seront organisés au mois de mai, puissent répondre à toutes les attentes.

Il conviendra cependant de prendre en compte tous les défis qui nous seront posés d’ici à 2019, date à laquelle le présent projet de loi arrive à échéance, et d’appréhender au mieux les atouts et les perspectives que nous pouvons offrir.

En ce qui concerne les défis, la signature dans notre zone de la version définitive des accords de partenariat économique, les APE, entre l’Union européenne et les pays ACP - Afrique, Caraïbes, Pacifique - est prévue pour le début de l’année 2010. Ces accords modifieront profondément les termes de l’insertion de la Réunion dans son environnement géographique et économique.

En outre, l’Afrique du Sud a décidé de s’investir de nouveau dans ces accords de partenariat économique. Nous ne pouvons donc pas négliger le rôle que cette puissance régionale est appelée à jouer dans notre environnement.

Nous avons subi, en 2008, les effets de la crise frappant les matières premières, notamment les intrants et les carburants, qui se sont traduits par une augmentation des coûts de ces produits. Nous nous interrogeons à cet égard sur ce qui pourrait se passer dans les mois et les années à venir.

Nous n’avons guère non plus de visibilité en ce qui concerne l’évolution de la crise alimentaire mondiale, dont les effets les plus graves ont été ressentis l’année dernière.

En 2014, le règlement sucrier européen arrivera à échéance. Au moment où s’engagent parallèlement la réforme du budget de l’Union européenne et celle de la politique agricole commune, on peut se demander quel sera le niveau de compensation pour le prix du sucre des départements d’outre-mer. Comment bâtir une stratégie de développement de l’agro-nutrition alors que nous n’avons aucune visibilité et aucune garantie, à moyen et long terme, sur la filière sucre, qui constitue le pivot de l’agriculture réunionnaise ?

L’année 2014 verra aussi l’expiration du régime actuel de l’octroi de mer, ce système fiscal spécifique propre aux DOM. Peut-on espérer que Bruxelles acceptera la reconduction d’un tel dispositif dérogatoire, et, si oui, à quelles conditions ?

Cette réforme s’ajoutera à l’exonération des taxes foncières proposées dans ce projet de loi ainsi qu’à la suppression de la taxe professionnelle, envisagée au niveau national avec des modalités de compensation qui sont encore imprécises.

Cette situation ne manquera pas de fragiliser les budgets des collectivités locales, lesquelles doivent aussi répondre aux nouvelles contraintes que leur fixe la loi de finances pour 2009.

L’année 2014 correspond également à la fin des documents contractuels de programmation financière pluriannuelle que sont le contrat de projets avec l’État et les programmes opérationnels avec l’Europe. L’hypothèse d’une évolution à la baisse du montant des aides de l’Union européenne doit être prise en compte. D’une manière plus générale, c’est le concept de régions ultrapériphériques qui sera discuté, avec sans doute une remise à plat de la conception des relations qu’entretiennent ces régions avec l’Union européenne.

Tous ces éléments pèseront sur l’économie et sur l’environnement des entreprises. S’ils ne sont pas maîtrisés, ils risquent de neutraliser tous les effets positifs de la zone franche globale d’activités.

D’autres facteurs globaux continueront à produire silencieusement, mais irréversiblement, leurs effets. La Réunion poursuivra sa progression démographique. Des projections réalisées récemment pour l’année 2030 par l’INSEE confirment la perspective du million d’habitants pour l’île, avec l’accroissement des besoins que cela entraînera dans tous les domaines, notamment en termes de création d’emplois, de logements et d’équipements.

Notre département, situé sur le chemin des cyclones, ne sera pas à l’abri des conséquences de l’accélération du changement climatique. Il faut donc anticiper, notamment dans le domaine de la politique de prévention des risques et d’aménagement du territoire.

Enfin, les négociations pour la mise en œuvre des règles de l’OMC ne sont pas achevées. Toutefois, les flux des échanges des hommes, des marchandises, des capitaux et des informations sont déjà en train de changer. La Réunion, qui se trouve à quelques heures de vol de 65 % de la population du monde, peut vite se retrouver isolée si nous ne faisons rien.

La conjonction de tous ces facteurs, si nous ne prenons pas en compte chacun d’entre eux, aura pour conséquence de réduire encore la portée - sinon l’efficacité - de la loi.

Cependant, nous avons dans les DOM des atouts à faire valoir.

Nos populations sont relativement jeunes et bien formées. Ces deux leviers peuvent être utilisés à la fois pour développer nos départements et favoriser leur intégration dans leur zone géographique.

Nous disposons de capacités de recherche non négligeables, que nous avons sollicitées pour atteindre l’objectif, fixé par le conseil régional de la Réunion, de l’autonomie énergétique de l’île en 2025.

La combinaison de ces moyens et de cette volonté politique fait de la Réunion une pionnière dans le domaine des énergies renouvelables. Ses acquis peuvent profiter à d’autres.

Notre longue expérience d’île sucrière nous a permis d’introduire de nombreuses innovations, tant agricoles qu’industrielles, que nous exportons partout dans le monde.

Nous possédons une biodiversité unique. La sauvegarde et la mise en valeur de ce patrimoine peuvent se réaliser, chez nous, par le parc national de la Réunion, qui couvre 42 % du territoire, et dans la réserve naturelle marine. Il en est de même pour la collecte, le tri systématique et la valorisation des déchets.

C’est là, je l’ai déjà dit, que nous pouvons trouver des milliers d’emplois à offrir, en mettant en place un véritable service d’intérêt public de l’environnement.

Nos sociétés, qui sont à peine sorties de la période coloniale, connaissent une mutation, avec d’importantes conséquences sociales. Ainsi, de plus en plus de personnes de générations plus anciennes ont besoin du soutien de la société. À la Réunion, les offres d’accueil et d’encadrement pour les personnes âgées, mais aussi pour les personnes handicapées et pour la petite enfance sont dramatiquement insuffisantes.

Il est indispensable, si l’on veut assurer la cohésion sociale, de donner à cette population fragile les moyens nécessaires pour vivre décemment. Dans ce secteur aussi les besoins en emplois se chiffrent par milliers. Seule la création d’un grand service public dédié à cette fonction permettrait de satisfaire les demandes et de ne laisser personne sur le bord du chemin.

La Réunion a déjà élaboré son plan régional de développement durable, qui sera créateur de richesses et d’emplois. Ce plan est fondé sur les énergies renouvelables, les grands travaux, le développement des technologies de l’information et de l’image, l’utilisation de nouveaux modes de déplacement, comme le tram-train, la consolidation de l’identité réunionnaise - avec le projet de Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise - et la coopération régionale.

Bref, la Réunion est prête à participer aux « États généraux de l’outre-mer », annoncés par le Président de la République et dont le but est le développement des DOM.

De plus, le siècle qui vient de débuter sera celui de l’espace et de la mer, comme le répète l’un de nos anciens collègues, M. Paul Vergès. Or, l’outre-mer offre à la France et à l’Europe des entrées formidables dans ces deux domaines.

La base de Kourou, en Guyane, donne une ouverture incomparable sur l’espace. Nos zones économiques exclusives font de la France et de l’Europe de véritables puissances maritimes, avec des accès à d’importantes richesses halieutiques et sous-marines.

Notre positionnement géographique place la France et l’Europe aux portes de plusieurs continents. Nous pouvons ainsi jouer le rôle de frontières actives.

Quand nous additionnons tout cela, nous ne nous sentons pas dans une position d’assistés : nous savons que nous apportons de vraies richesses, même si elles sont difficilement quantifiables.

Aussi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsque l’on énumère à l’opinion publique les actions que l’État met en œuvre chez nous, lorsque l’on insiste sur les sommes que représentent ces actions, mais que, dans le même temps, on oublie de signaler que ces efforts résultent de la nécessité de l’équité et de la justice sociales, de même que l’on omet de rappeler tout ce que nous apportons, on contribue à accréditer l’idée que l’outre-mer coûte cher au contribuable de métropole.

Votre texte, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour avoir une certaine efficacité, doit être amendé. C’est à cette tâche que je vais m’atteler tout au long du débat.

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