Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Engagement national pour le logement

Par / 21 novembre 2005

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

On peut aujourd’hui mourir parce que le droit au logement, pourtant défini depuis la loi de 1990 tendant à sa mise en œuvre, n’est pas appliqué dans notre pays.

Ce printemps et cet été 2005 ont été marqués par les tragiques incendies du Paris Opéra, hôtel sans confort du 9e arrondissement loué à un tarif scandaleusement élevé, et celui de l’immeuble du boulevard Vincent Auriol, dans le 13e arrondissement, où une association caritative avait hébergé, sans pouvoir définir de solutions de logement plus adaptées, des familles de salariés et de travailleurs victimes de l’application sans nuance de la loi du marché.

A ces drames humains, s’ajoute la campagne lancée en septembre dernier contre les occupants considérés sans droit ni titre de certains immeubles parisiens, comme celui de la rue de la Fraternité, dans le 19e arrondissement, où la presse nous indique, ces derniers jours, que les propriétaires et marchands de biens intervenant sur cet ensemble vont désormais pouvoir réaliser de fructueuses plus values.

Oui, on peut mourir du non exercice du droit au logement dans notre pays, tandis que l’état du marché locatif ( devons nous d’ailleurs parler de marché quand il s’agit d’un droit élémentaire de la personne humaine qui est ainsi bafoué ? ) est tel que des millions de familles sont aujourd’hui exclues de toute liberté de choix dans leur parcours résidentiel.

Paradoxe : nombre de ces familles sont éligibles, eu égard à leur situation de ressources, à l’attribution de logements PLA intégration ( 60 % des demandeurs de logement sont dans ce cas dans bien des régions de France ) et n’ont pour l’heure d’autre solution que de payer les loyers exorbitants de logements dits libres dont la fixation n’obéit qu’à des règles de marché.

On paie 400 , 500, 600 voire 700 euros mensuels pour des revenus familiaux de 1 500 euros par mois dans des logements sans confort et les demandes de logement social ne sont pas satisfaites !

Enfin, la plus récente actualité, qui a été marquée par la révolte des jeunes des quartiers dits sensibles, illustre elle aussi la situation du logement.

Les familles les plus modestes, les jeunes, souvent précarisés et paupérisés, ne supportent plus la situation qui leur est faite dès lors qu’il s’agit du logement.

La loi du marché se double bien souvent dans ce cas de toutes les discriminations, frappant de plein fouet des milliers et des milliers de familles, aujourd’hui contraintes à la précarité de leurs conditions de logement.

Plus de 3 millions et demi de personnes vivent en situation de surpeuplement, plus de 800 000 sont hébergées chez des tiers ( famille, amis ) et 800 000 autres ménages ne doivent de ne dormir dehors qu’à des solutions précaires d’hébergement divers.

C’est dire l’immensité des problèmes !

On pourrait croire, à la lecture du séduisant intitulé de ce projet de loi portant ‘ engagement national pour le logement ‘ que l’on va chercher, enfin, à définir les solutions pour répondre à l’état d’urgence sociale qui s’exprime en matière de logement.

Reprenant dans ses grandes lignes les thèmes et les termes d’un projet de loi ‘ Habitat pour tous ‘ que l’on attendait et que l’on n’a finalement pas vu venir, le texte qui nous est proposé offre t il des opportunités nouvelles, s’agissant de répondre aux besoins en logement ?

Prenons les questions comme elles se posent.

Paradoxe de la situation : la construction de logements s’accroît en 2005, mais la demande demeure forte.

A y regarder de plus près, on constate cependant que la construction de logements sociaux n’atteint pas les niveaux escomptés lors de la discussion de la loi de programmation et de cohésion sociale.

Revenons l’espace d’un instant sur le cheminement qui nous a conduit au texte dont nous débattons.

En 2003, le même jour ou peu s’en faut, furent promulguées deux lois, l’une portant orientation et programmation pour la ville et la rénovation urbaine, l’autre portant diverses dispositions relatives à l’urbanisme, à l’habitat et à la construction.

La mesure phare de la première était la création de l’outil d’intervention en matière de rénovation urbaine, l’ANRU tandis que la seconde était marquée, entre autres, outre une réforme de la procédure de confection des plans locaux d’urbanisme, par l’émergence d’un nouveau produit fiscal d’investissement locatif, le dispositif De Robien.

Le moins que l’on puisse dire est que le ‘ De Robien ‘, cela fonctionne, puisque plus de 110 000 des logements construits cette année dans notre pays sont réalisés sous ce régime, dont le coût pour l’Etat ne fait que croître et embellir, ayant quadruplé depuis 2003.

Mettons le en regard des 54 000 logements sociaux aujourd’hui construits dans notre pays...

En 2003, toujours, nous avons débattu de la loi de décentralisation.

Celle-ci comportait des dispositions relatives à l’utilisation des enveloppes publiques d’aides à la pierre et à la gestion des attributions de logement.

Dois je rappeler, pour aller vite, que le décret d’annulation du 3 novembre dernier a consacré, entre autres, l’annulation de 55 millions d’euros sur la ligne destinée à la construction et à la réhabilitation du parc locatif social ?

Dois je aussi rappeler que, dans le droit fil de cette démarche, se combinant avec le désengagement de l’Etat dans le financement de l’accession sociale à la propriété, le budget Ville et Logement est orienté à la baisse de près de 130 millions ( 10 % des crédits 2005 ) sur le poste ‘ Développement et amélioration de l’offre ‘ ?

Quant à la question des attributions de logements, force est de constater que bien des choses ne vont pas en la matière et que la quasi disparition du contingent préfectoral a induit des pratiques peu respectueuses des demandes exprimées par les familles en attente de logement, encourageant la progression d’un important contentieux sur ces questions.

Le présent texte, en son article 9, prétend corriger certaines dérives en permettant de définir des règlements locaux d’attribution de logement et un retour, partiel, de l’arbitrage du Préfet en dernière instance.

Mais les procédures ainsi mises en place ne résoudront pas la question posée, et rien ne permettra aux demandeurs de logement de faire valoir, dans des délais suffisamment courts, leur droit à un toit.

Devront ils encore et encore attendre que l’autorité du Préfet se fasse respecter pour obtenir le logement auxquels ils ont droit ?

En fait, le présent projet de loi n’a en définitive qu’un titre séduisant et quelque peu ronflant qui cache une orientation largement en deçà des attentes, comme ne cesse de le montrer la montée des inquiétudes et de la révolte des habitants des quartiers.

Concertation parfois escamotée dans les opérations de rénovation urbaine, objectifs de la loi de programmation non atteints en termes de logements sociaux neufs, persistance de l’intolérable égoïsme des élus refusant de se conformer à la loi sur la solidarité urbaine en construisant des logements sociaux dans leur commune, poursuite des dérives du marché dans le montant des loyers exigés, tout montre qu’il faudrait une loi de plus grande ampleur que celle qui nous est proposée pour répondre à la situation du logement.

Nous n’avons qu’un ensemble de mesures qui, dans l’immédiat, se contentent d’accompagner la mise en œuvre de politiques définies ces dernières années, et déjà financées, puisque prévues par la loi de programmation de cohésion sociale entre autres...

Il n’y a pas un euro de plus avec cette loi, sur le plan financier, pour répondre à la question du logement dans notre pays.

Et il n’y a pas de mesure nouvelle permettant réellement de faire de la réalisation de logements sociaux à loyers accessibles l’une des priorités de la politique de la Nation, et de l’action des collectivités territoriales.

Ce texte ne fait que gérer la pénurie, et prépare d’ailleurs pour l’avenir de nouvelles difficultés.

Il doit donc, pour ce qui nous concerne, être très largement modifié.

Nous l’avons dit, l’exécution budgétaire 2005 a été marquée par des annulations importantes de crédits, consacrées par le décret du 3 novembre.

Les mesures présentées par le Gouvernement en amendement au présent texte ne règlent en rien les questions posées.

En effet, alors que l’urgence d’une véritable programmation s’impose pour créer un parc réellement social, le Gouvernement ne propose que des mesures de nature fiscale, sans engagements nouveaux de crédits.

Nous formulons donc pour notre part et pour l’immédiat un certain nombre de propositions, pour certaines bien plus audacieuses d’ailleurs que celles contenues dans le projet de loi.

Nous les appuyons sur le vécu même des demandeurs de logement, des associations de locataires et du cadre de vie, des acteurs du droit au logement qui nous ont fait part de leurs observations, de leurs analyses et de leurs propositions.

Nous les appuyons également sur l’initiative politique tenue à Bobigny le 5 novembre dernier, les seconds ‘ Etats Généraux du Logement de la Ville’ qui ont rassemblé, autour des questions du droit au logement et du droit à la ville plusieurs centaines d’intervenants et de participants d’origines fort diverses.

Parmi ces propositions, constitutives de ce qu’il faut bien appeler un ‘ service public national du logement ‘ et permettant l’exercice effectif du droit au logement, relevons entre autres la nécessité d’alléger les contraintes de financement des logements sociaux, la mise en œuvre effective des obligations de construction de logements sociaux par toutes les communes, le renforcement de la qualité et de l’efficacité des aides personnelles au logement, ou encore la mise à disposition gratuite des terrains cédés par l’Etat pour la réalisation de programmes locatifs sociaux.

Et il est temps, plus que temps, que loi pour loi, les dispositions de la loi de solidarité et de renouvellement urbains trouvent enfin application.
742 communes de notre pays ne respectent pas la règle des 20 % de logements sociaux et même si certaines se sont engagées dans ce programme, il y a encore beaucoup à faire.

Nous aurons donc, dans le débat, plusieurs propositions pour rendre à ce principe toute possibilité d’application.

Du retour précis au texte de 2000, en passant par une utilisation optimale des terrains cédés par l’Etat, tout doit tendre à ce que l’objectif de construction de logements sociaux soit atteint.

Et nous estimons même qu’il est temps de pénaliser plus sévèrement les communes demeurant opposées à l’application de la loi, en augmentant le montant du prélèvement sur leurs recettes et en envisageant l’inéligibilité des élus concernés.

Car, au-delà des discours sur l’urbanisme, le devenir de la ville ou l’aménagement du territoire, cette loi doit enfin donner au droit au logement de nos concitoyens tout son sens.

C’est la priorité que nous devons nous fixer : répondre à l’attente de la population de ce pays, au-delà de toute autre considération.

En l’état, il va sans dire que, sans inflexion du contenu du projet de loi, nous ne pouvons le voter.

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Bio Express

Michelle Demessine

Sénatrice du Nord
Membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
Elue le 27 septembre 1992
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