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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Fonctionnement du service public de l’équarrissage

Par / 22 novembre 2006

Monsieur le président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

La conférence des présidents a décidé d’organiser un débat de contrôle budgétaire sur le service public de l’équarrissage (SPE). Au titre de ses prérogatives, le Parlementaire exerce l’importante mission de contrôle budgétaire lui permettant de vérifier la régularité et la sincérité de l’exécution de la loi de finances ainsi que le bon usage des deniers publics et l’adéquation des moyens aux objectifs.

Il est vrai que le financement du SPE constitue un beau sujet pour se livrer à cet exercice !
En effet, comme le note la Cour des comptes, pratiquant avec talent l’art de l’euphémisme : l’encadrement normatif du SPE s’est fait dans l’urgence, sa gestion connaît des failles et son financement a été compliqué par la mise en place de la taxe sur les achats de viande dite « taxe équarrissage » remise en cause fin 2003 par Bruxelles.
Voici pour les erreurs du passé, mais la Cour des comptes ne s’arrête pas là et souligne « les incertitudes liées à la mise en œuvre de la réforme de la loi de finances initiale pour 2006 ».

En bref, alors que le financement du SPE soulève un certain nombre de conflits, alors que la transparence des coûts de ce service n’est pas assurée, notamment en raison de la faiblesse des moyens de contrôle du service fait, le gouvernement multiplie les réformes confirmant son désengagement.

Ainsi, depuis octobre 2005, le périmètre de ce service public a été ramené aux seuls cadavres d’animaux d’élevage et à ceux dont l’élimination relève de l’intérêt général. Cette étape a entraîné la contractualisation directe entre les industries de viandes et les équarrisseurs. Elle se serait traduite, comme l’indique un communiqué du ministère de l’agriculture en date du 15 juillet 2006, par une baisse de 25 % du coût des prestations d’élimination des déchets appliqué aux abattoirs.

Mais est-ce réellement un progrès pour le service public ?
Cette réforme risque d’avoir des répercussions négatives sur les petits et moyens abattoirs qui ont des coûts d’équarrissage plus élevés du fait de leur éloignement géographique. Pourtant, l’accès au traitement des déchets devrait se faire dans des conditions équitables sur l’ensemble du territoire. De plus, l’épisode de la fièvre aphteuse a démontré que la circulation d’animaux malades sur de grandes distances accentue les risques sanitaires.
En se bornant à une vision financière de l’équarrissage, les pouvoirs publics n’apportent aucune garantie sur le maintien de la sécurité sanitaire. Et c’est pourtant là un des principaux enjeux du SPE.

Rappelons que ce service public a été créé suite à la crise sanitaire de 1996 afin de maîtriser les produits à risques contaminants issus soit de l’élevage soit de l’abattage. Il consistait a confier à des sociétés d’équarrissage une mission de service public portant à la fois sur la collecte et l’élimination de ces déchets, en contrepartie de subventions prenant en charge tout ou partie des frais correspondants.

Avec la découverte du rôle des farines animales dans la transmission de l’ESB, l’Etat a décidé de sortir de la chaîne alimentaire ces produits à risque et à élargir la mission du SPE au domaine du stockage et de la destruction définitive des farines. Ces produits constituant jusqu’alors un moyen de valorisation de l’activité des équarrisseurs, des indemnisations leur ont été alloués en compensation des pertes de revenus correspondantes. D’ailleurs ne pensez-vous pas, Monsieur le Ministre, qu’il serait intéressant qu’un document dresse le bilan, à compter de la crise de la vache folle, du coût du stockage et de l’élimination des farines animales ainsi que la liste des bénéficiaires de ces activités plutôt lucratives au regard des prix initialement négociés.

Fort heureusement la crise de la vache folle semble passée, en ce qui concerne en tout cas la contamination des bovins. Mais ni les consommateurs, ni les agriculteurs ne se trouvent à l’abri d’autres crises sanitaires ! On pense bien sûr à la grippe aviaire mais pas seulement, nous pourrions discuter de la fièvre catarrhale qui a touché des moutons en France et un bovin en septembre en Belgique.
Il est essentiel que l’Etat adopte une démarche à long terme et mette en œuvre les moyens nécessaires pour garder un service public de l’équarrissage performant et sécurisé au plan sanitaire.
On se rappelle que la profession agricole a dénoncé lors de la crise de la vache folle, des pratiques imprudentes chez certains grands fabricants d’aliments de bétail motivées par la recherche de productions à moindre coût et de profit maximum.

En ce qui concerne le financement du service public de l’équarrissage, les réformes successives se heurtent aux réticences des différents acteurs de la chaîne.
Et pour cause : à partir de 1997, le SPE a été financé par le produit d’une taxe due par les distributeurs de viandes au détail assise sur le montant de leurs achats de viandes et d’abats (« taxe d’équarrissage »). L’exonération de la taxe pour les entreprises en fonction de leur chiffre d’affaires et du montant d’achat mensuel de viandes et d’abats a dans les faits limité le périmètre de la taxe essentiellement à la grande distribution. Ce dispositif avait pour but affirmé de ne pas faire peser sur les éleveurs et sur les abatteurs la charge des missions relevant du SPE.

Dans l’arrêt préjudiciel « Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie et GEMO SA » rendu le 20 novembre 2003, la réponse de la Cour de justice des communautés européennes à la question préjudicielle est très claire : la taxe d’équarrissage « qui assure gratuitement pour les éleveurs et les abattoirs la collecte et l’élimination des cadavres d’animaux et des déchets d’abattoirs doit être qualifiée d’aide d’Etat ». Derrière cette condamnation des instances européennes (CJCE et Commission) on voit en filigrane le principe du « pollueur payeur ». D’ailleurs le CJCE précise que « l’activité développée par ces entreprises (les entreprises d’équarrissage) résulte des produits et des résidus inutilisables et surtout nuisibles pour l’environnement, dont l’élimination incombe aux responsables de leur production ».

En bref, les autorités européennes considèrent que c’est aux producteurs de payer. D’ailleurs les producteurs n’y sont pas opposés par principe, ils n’en ont tout simplement pas les moyens ! Dans un contexte quasi chronique de baisse des prix à la production, en l’absence de cadre législatif permettant aux paysans d’obtenir des prix rémunérateurs en lien avec leurs coûts de production, il est inconcevable actuellement de mettre une nouvelle taxe à leur charge !
Soulignons dans ce contexte la petite étourderie du gouvernement ou le grand gaspillage d’argent public. Ayant omis de soumettre en 1996sa nouvelle taxe à l’avis de Bruxelles, le Gouvernement a fait un très beau cadeau à la grande distribution. En effet, l’Etat a été condamné à rembourser la taxe prélevée aux supers et hypers marchés, alors que ces derniers s’étaient empressés de répercuter son coût sur les consommateurs.
Finalement, au moment où la grande distribution communique sur le commerce équitable et les prix prétendument bas, le consommateur aura payé deux fois la taxe, une fois à la caisse et une autre fois en tant que contribuable !
Mais là ne s’arrête pas l’aberrant financement du Service public de l’équarrissage !

En 2004, les pouvoirs publics ont remplacé la taxe litigieuse par une taxe d’abattage portant sur l’activité des transformateurs mais aussi des éleveurs de volaille et de porcs. Dans un souci de transparence des négociations commerciales ont été engagées et a été introduite l’obligation de mention de la taxe d’abattage en pied de facture. Notons qu’aucune baisse des prix de la viande en direction des consommateurs n’a été ressentie. Là encore des problèmes sont apparus !
Le gouvernement français ne s’est pas contenté de créer une nouvelle taxe il a par ailleurs, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, engagé une réforme du service public de l’équarrissage fondée essentiellement sur des aspects comptables.

Le produit de la taxe n’étant pas suffisant pour assurer la totalité des missions de service public d’équarrissage et l’Etat ne souhaitant pas assumer le manque à gagner, les pouvoirs publics ont dans un premier temps restreint le champ d’application du SPE. Dans un second temps, le taux de la taxe d’abattage a été augmenté afin de diminuer la part de l’Etat dans le financement du dispositif. Dès 2003, le Syndicat National de l’Industrie des Viandes (SNIV) avait dénoncé un système « qui ne pourrait qu’être suicidaire pour la filière bovine française et pour les industries d’abattage transformation ». Il regrettait notamment que le financement du SPE soit assuré jusqu’à juin 2007 par une augmentation du produit de la taxe de 15%.

Par ailleurs, alors que le gouvernement a fait sortir les matériaux à risques spécifiés des bouchers du SPE, le ministère de l’agriculture a décidé de réduire de 50% l’aide dont bénéficiaient les bouchers pour 2006 et ceci afin de « ne pas déstabiliser l’économie de marché qui se met en place entre les bouchers et les équarrisseurs ! » Or, comme ces professionnels constituent un maillon essentiel du commerce de proximité rural, il est au contraire essentiel de tout mettre en ouvre pour consolider leur activité.

Du fait des désengagements de l’Etat le risque est grand désormais de voir les abatteurs transformateurs répercuter le coût de la taxe d’abattage sur l’ensemble des éleveurs.
D’une part, il est nécessaire de maintenir un service public de l’équarrissage afin d’assurer la sécurité sanitaire aux meilleures conditions. D’autre part, alors que la grande distribution est exonérée depuis 2004 de la taxe à l’équarrissage, le prix d’achat aux producteurs n’a pas augmenté, et les prix à la consommation n’ont pas baissé.

Le financement du service public de l’équarrissage est la manifestation type d’un système qui marche sur la tête. Un système dans lequel le travail n’est plus rémunéré, un système dans lequel ceux qui ne produisent rien engrangent tous les gains.

En 2005, les revenus des paysans avaient baissés de 10%, après une baisse de plus de 7% en 2004. Il est urgent que les pouvoirs publics prennent des mesures pour assurer des prix rémunérateurs pour les produits agricoles. Cela nécessite de mettre un frein à la financiarisation écrasante du secteur agricole.
En limitant les abus des intermédiaires les producteurs et les consommateurs y gagneront et chacun pourra participer justement au financement du service public de l’équarrissage.

En conclusion je voudrais rappeler que la Cour des comptes s’inquiète, dans son rapport, sur « la capacité de l’Etat à assurer un regain de concurrence et à obtenir des baisses de prix sur les prestations d’équarrissage ». Ainsi, l’Etat en se désengageant de sa mission de service public laisse la voie libre aux quelques opérateurs privés du marché privés pour fixer des prix disproportionnés au regard du coût effectif du service rendu. C’est pourquoi, nous estimons nécessaire, à l’instar de ce qui se pratique dans certains pays européens qui accordent des aides à hauteur de 87% du coût du service, que la participation de l’Etat dans le financement du SPE soit revue à la hausse. Tel est le sens, Monsieur le Ministre, de notre intervention.

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