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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Il est temps de mettre le holà à la libéralisation

Maîtrise publique du système ferroviaire national -

Par / 10 octobre 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution que Mireille Schurch a brillamment défendue porte sur une question essentielle : la maîtrise publique du ferroviaire en France.

Il est nécessaire, nous semble-t-il, de clarifier le message gouvernemental. En effet, les divers projets en cours, que ce soit à l’échelon européen, avec le quatrième paquet ferroviaire, ou au niveau national, avec le projet de loi sur le développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, qui remet en cause l’unicité du réseau, font peser des craintes sur l’avenir du système ferroviaire, alors même que le Gouvernement affiche une volonté forte de créer une entreprise publique nationale intégrée.

Dans ce contexte général, monsieur le ministre, comment porter les principes qui garantiront que votre projet ne déraille pas ?

Les politiques libérales des précédents gouvernements, en particulier sur le fret, ont affaibli l’outil, désorganisé le système commercial, réduit son potentiel économique et fait la part belle au « tout routier ».

Ce seul exemple montre l’inefficacité totale de ces orientations, dès lors que le seul critère retenu est celui de la viabilité économique. La dégradation catastrophique du fret ferroviaire devrait montrer le chemin qu’il ne faut pas suivre.

Le Grenelle de l’environnement avait suscité quelques espoirs, non suivis d’actes politiques, de programmes concrets ni de financements adaptés. Le déclin s’est produit à différents niveaux : les infrastructures ont été abandonnées, des gares de triage ont été supprimées, le wagon isolé, qui remporte un réel succès en Allemagne, a été déclaré, de façon unilatérale et péremptoire, comme n’étant plus rentable en France. Toutes ces décisions ont été prises, au nom de la compétitivité, bien entendu ! J’ai dénoncé cette situation de nombreuses fois, en m’appuyant sur ce que j’ai pu vérifier dans ma ville, Saint-Pierre-des-Corps.

Ce déclin est entériné par l’organisation de la SNCF : des filiales, comme VFLI, ou des services, comme Logistra et Écorail, ont été créés par la SNCF elle-même, entrant en concurrence directe et souvent déloyale avec l’opérateur historique. Une forme de dumping a été instaurée, pendant que des redevances rédhibitoires étaient imposées aux chargeurs.

De nombreuses entreprises ont été ainsi contraintes d’abandonner la SNCF pour se précipiter vers ces filiales ou vers le transport routier. J’en ai eu confirmation, lors d’une réunion avec M. Pepy à Orléans, où une société de dimension nationale, implantée à Châteauroux, se plaignait de la méthode expéditive avec laquelle elle avait été traitée, se voyant imposer de telles augmentations de tarifs qu’elle fut contrainte d’opter pour le transport par camions !

Sur le site de Saint-Pierre-des-Corps, je vous l’ai déjà dit, monsieur le ministre, ce scénario s’est renouvelé de nombreuses fois, y compris avec des entreprises qui ont toujours manifesté leur volonté de respecter le développement durable dans leurs processus de production et de transport. La SNCF a ainsi réussi le tour de force de les convaincre de reprendre la route !

Aujourd’hui, les coûts du transport routier ne sont pas réellement pris en compte, et le déséquilibre est réel. Souhaitons que la taxe poids lourd, qui verra enfin le jour le 1er janvier 2014, apporte une réponse pertinente, même si elle n’est pas suffisante, malheureusement.

Monsieur le ministre, il est déterminant d’établir un bilan contradictoire des conséquences de toutes ces politiques de libéralisation pour enrayer le déclin du rail.

On nous dit et on nous répète que l’Europe serait responsable de tous nos maux. La séparation des activités nous était présentée comme obligatoire et incontournable, mais d’autres pays n’ont pas fait ce choix et ne s’en portent pas plus mal. Le quatrième paquet ferroviaire voudrait réintroduire cette séparation, quoique légèrement aménagée. Il programme également, avec des appels d’offres obligatoires pour les transports ferroviaires régionaux de voyageurs, l’ouverture à la concurrence.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si votre réforme ferroviaire est en rupture avec le quatrième paquet ferroviaire ?

L’intégration annoncée de la SNCF avec un EPIC – un établissement public à caractère industriel et commercial – « mère » et deux EPIC « filles » ne serait-elle pas, en réalité, que la séparation inscrite dans le texte européen de trois entités complètement hermétiques les unes par rapport aux autres ? Ne serait-il pas préférable de prévoir une organisation intégrée de l’entreprise qui renforce le lien et permette les solidarités entre activités ? Pourquoi un conducteur de train de fret ne pourrait-il pas conduire un TER ou un train de grande ligne, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui ?

Je ne vous cache pas mon inquiétude, qui est également partagée par nombre de salariés, et je souhaiterais que le Gouvernement fasse preuve de plus de clarté dans ses orientations.

Le troisième projet de loi sur la décentralisation envisage de transférer plus de compétences ferroviaires vers les régions, en matière d’exploitation de lignes par exemple. Il prévoit de transférer la gestion des infrastructures à des personnes « ne fournissant pas de service de transport ferroviaire » et qui pourront percevoir des « redevances d’utilisation » des lignes concernées. Les régions se verraient ainsi confier le statut d’autorité organisatrice pour cette gestion d’infrastructure, et l’article 2 du projet de loi va jusqu’à prévoir le transfert de la propriété du domaine public ferroviaire national d’intérêt régional. Quel cadeau empoisonné pour les régions !

Une fois ces dispositions entrées en vigueur, on peut se demander où en sera l’entreprise intégrée appelée de vos vœux, monsieur le ministre.

Le fret ferroviaire relève de l’intérêt général. C’est un enjeu essentiel d’aménagement du territoire pour notre développement économique. Des efforts sont faits pour la remise en état de certaines lignes, des travaux vont être réalisés sur certains nœuds ferroviaires, comme celui de Saint-Pierre-des-Corps, si j’ai bien lu. Vous disiez en réponse à une question que je vous posais, à propos du fret : « Il faut donc le réorienter, il faut porter une exigence, notamment vis-à-vis de Fret SNCF, de manière que, dans le cadre de rencontres régionales, les demandes, là où elles existent, puissent être analysées, et que l’opérateur de fret soit en mesure de fournir aux entreprises un service de qualité répondant à leurs besoins. »

C’est bien cette question qui est au cœur du débat d’aujourd’hui. Comment la SNCF, « outil public par excellence », pourra-t-elle rendre ce service de qualité tant attendu par nos entreprises, et en particulier par nos PME ? La question de l’aménagement du territoire est primordiale.

Pourtant, vous affirmez que, pour des trajets inférieurs à 500 kilomètres, le transport ferroviaire n’est pas pertinent. Vous venez de décider de l’ouverture d’une autoroute ferroviaire de Dourges dans le Pas-de-Calais à Tarnos dans les Landes, avec ces deux terminaux d’extrémité distants de plus de 1 000 kilomètres. Or le Centre d’étude technique de l’équipement de l’ouest rappelle que, pour être pertinentes, ces lignes doivent prévoir également de construire une offre de services « multi-spots » avec des terminaux intermédiaires et définir leur fréquence de desserte.

C’est d’autant plus important qu’un site reconnu comme nœud ferroviaire, où sont prévus des travaux inscrits dans le plan « mobilité 21 », ne peut être tenu à l’écart d’une telle réalisation. Il est situé à équidistance des deux terminaux d’extrémité, 500 kilomètres, le seuil de rentabilité que vous établissez vous-même, mais qui en l’occurrence ne semble même pas être respecté. On ne peut donc pas se contenter de regarder passer les trains de l’autoroute ferroviaire !

Pour rendre à la SNCF toute sa place, il est donc nécessaire de reprendre la maîtrise publique de ce secteur en lui assurant une viabilité économique, certes, mais aussi en réactivant l’offre « multi-lots multi-clients », essentielle pour la revitalisation d’un tissu économique local dynamique et performant.

Je pense qu’une telle évolution est possible, si nous faisons prévaloir la volonté de rendre dynamique ce secteur, région par région, pour un meilleur aménagement du territoire.

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