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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Il est temps que l’État se réengage

Diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports -

Par / 11 février 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord faire une observation concernant la procédure.

Monsieur le ministre, alors que le Président de la République s’était, à l’inverse de son prédécesseur, engagé à laisser aux parlementaires du temps pour effectuer un travail législatif de qualité, la procédure d’urgence a une nouvelle fois été engagée pour ce texte.

Certes, cela peut se comprendre, puisque, d’une part, la mise en œuvre du dispositif est prévue pour le 20 juillet, et que, d’autre part, les entreprises doivent bien sûr avoir le temps de s’y préparer. Toutefois, je le regrette, car même si les dispositions que comporte ce texte devraient recueillir un large assentiment, il n’en demeure pas moins que les questions abordées sont vastes et complexes, du fait qu’elles touchent tous les modes de transport.

Ce projet de loi n’est certes pas la pierre angulaire de la réforme de la politique du transport que nous appelons de nos vœux, surtout en matière ferroviaire. Cette question sera l’objet de nombreux débats à venir, à l’occasion de la discussion tant du prochain projet de loi sur la réforme du système ferroviaire que vous avez annoncé, monsieur le ministre, que du texte portant acte III de la décentralisation.

Toutefois, le présent texte a le mérite d’apporter des clarifications, des précisions à la législation existante, de renforcer les capacités de contrôle de la puissance publique en matière de transport maritime et de permettre enfin la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds votée en 2009.

Il a été prévu, lors du Grenelle de l’environnement, que les modes de transport alternatifs à la route devraient représenter 25 % du fret à l’horizon 2025 ; nous sommes encore bien loin du compte, monsieur le ministre !

La prééminence de la route dans le transport des marchandises, au détriment du rail, du ferroutage et du réseau fluvial, n’a pas connu de remise en cause. Ainsi, le transport routier assure près de 90 % du transport des marchandises et, malgré un pétrole cher, le fret ferroviaire a reculé en France de près de 40 %, passant de 57 milliards de tonnes-kilomètres en 2000 à 34 milliards en 2011. Dans le même temps, la part du transport combiné ferroviaire a diminué d’environ 70 %. On ne peut, dès lors, s’étonner que la route représente 94 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports.

Dans ces conditions – ce n’est qu’un premier exemple –, la possibilité d’utiliser des poids lourds de 44 tonnes, qui donne un avantage concurrentiel certain à la route et entraîne de surcroît de nombreuses nuisances et une plus forte dégradation des routes, doit être remise en question.

Le rail n’est pas seulement un mode de transport complémentaire ; y recourir peut permettre aussi – le projet Euro Carex en témoigne – de réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien, même si cela demande des investissements importants.

Nous savons que l’acheminement routier reste indispensable : les destinataires sont nombreux, les lieux de livraison dispersés, et le train ne permettra jamais de déposer les marchandises à la porte de chaque client. Il n’empêche que le rail et le fleuve pourraient délester le réseau routier d’une part importante des véhicules qui le sillonnent chaque jour, le transport routier intervenant plutôt à la fin de la chaîne de la livraison. Le présent projet de loi peut être un outil pour favoriser une telle complémentarité.

Le développement des autoroutes ferroviaires permet de parcourir de grandes distances sans rupture de charge, améliore la rapidité et la sécurité des trajets, ce qui est une bonne chose. Toutefois, ces autoroutes doivent êtres complétées par une activité fret de proximité. C’est pourquoi – c’est une demande émanant de nombreux professionnels – il est essentiel de maintenir le wagon isolé, seule option possible lorsque des entreprises ne peuvent remplir un train complet.

Mais le schéma directeur de la SNCF, qui fixe les axes de développement du transport ferroviaire de marchandises pour les années à venir, va à rebours de la promotion du wagon isolé, qui représente 42 % du volume du fret ferroviaire et recèle un important potentiel de développement. Il consacre en effet l’abandon de cette activité à hauteur de 60 %. Aussi demandons-nous que celle-ci soit déclarée d’intérêt général, afin de permettre son subventionnement.

Parallèlement, il faut que les crédits alloués au transport combiné soient renforcés. Il est temps que l’État s’engage de nouveau sérieusement en faveur du développement du fret de proximité, pour améliorer l’aménagement et l’attractivité de nos territoires.

Dans le même ordre d’idées, permettre le rééquilibrage modal, c’est également mettre un terme aux suppressions d’emplois dans le secteur du transport fluvial, la dernière loi de finances ayant supprimé cent vingt-huit postes au sein de Voies navigables de France, et respecter l’engagement qui a été pris de financer nos voies navigables à hauteur de 840 millions d’euros.

En ce qui concerne la lutte contre le dumping social et fiscal, il s’agit tout d’abord de renforcer les conditions sociales dans le secteur du transport routier, qui est aujourd’hui dans une situation difficile, comme vous l’avez souligné lors de votre audition, monsieur le ministre. Ce texte va dans le bon sens à cet égard, puisqu’il prévoit un renforcement des contrôles du respect de la réglementation.

Plus largement, il faut également agir sur la qualité des conditions de travail dans le secteur routier. Aujourd’hui, celles-ci sont déplorables et la jurisprudence est de plus en plus défavorable. Certes, l’encadrement de ces conditions de travail est, pour la majeure partie, fixé à l’échelon européen, mais il faut que la France s’engage à soutenir au plus haut niveau l’exigence d’une harmonisation sociale par le haut. Nous comptons sur vous pour cela, monsieur le ministre.

De plus, il faut agir sur le secteur du transport routier, notamment sur les dispositifs fiscaux existants, qui sont particulièrement favorables aux transporteurs. Ainsi, à titre d’exemple, les exonérations de taxe intérieure sur les produits pétroliers coûtent chaque année 330 millions d’euros au budget de l’État. Il serait opportun de remettre ces avantages fiscaux sur la table.

J’en viens maintenant au cœur de ce projet de loi : l’écotaxe poids lourds.

Votre texte constitue une réelle avancée, que nous apprécions. En effet, depuis l’adoption du principe de cette taxe, il est prévu que les transporteurs pourront la répercuter sur les chargeurs. Or, telles qu’elles sont définies dans un décret pris par l’ancien gouvernement, les modalités de cette répercussion sont particulièrement complexes. Le présent projet de loi permet de simplifier les choses, en prévoyant de fonder le dispositif sur une majoration du coût de transport différenciée selon les régions.

Pour notre part, nous sommes d’accord avec ce mode de répercussion, qui est plus simple, plus lisible et ne changera rien au volume de recettes escompté, ni au principe devant guider la définition de cette taxe, c’est-à-dire son affectation au financement du rééquilibrage modal. Nous nous félicitons que, après de nombreuses années d’attente, cette taxe entre enfin en vigueur. Nous veillerons, tout au long des débats, à ce que toute sa force soit conservée à cette écotaxe, qui doit pouvoir répondre à une finalité que, je crois, nous approuvons sur l’ensemble des travées.

Toutefois, la mise en place de cette taxe nous contraint encore une fois à remettre en question le mécanisme des partenariats public-privé. En effet, alors que l’on estime que la taxe poids lourds devrait rapporter 1,2 milliard d’euros, les recettes de la société Ecomouv’ – filiale notamment d’Autostrade per l’Italia –, à qui a été confiée la collecte de cette taxe par l’ancien gouvernement, s’établissent à quelque 230 millions d’euros. Un tel prélèvement apparaît bien disproportionné ! Encore une fois, un partenariat public-privé se révèle particulièrement coûteux pour la collectivité. Nous aurions, quant à nous, préféré à l’inverse que l’on fasse le pari de la performance du secteur public, en l’occurrence du service des douanes, même si nous reconnaissons la complexité de mise en œuvre de cette taxe. En tout état de cause, 750 millions d’euros seront ainsi versés chaque année à l’AFITF pour assurer le financement des infrastructures. Cela est bien, mais ne doit pas empêcher, par ailleurs, le Gouvernement de s’engager dans la voie du désendettement de RFF, première condition d’une meilleure efficacité des réseaux ferroviaires.

Monsieur le ministre, l’instauration de cette écotaxe est une formidable occasion de terminer enfin la mise à deux fois deux voies de la route Centre-Europe-Atlantique, la plus meurtrière de France.

En ce qui concerne les dispositions relatives au secteur maritime, les articles concernant les navires abandonnés, la clarification des procédures applicables en matière de constitution du fonds de limitation imposée au propriétaire en cas de marée noire ou encore les visites des navires et l’enquête nautique sont à l’évidence utiles et n’appellent pas de commentaires particuliers de notre part.

Je voudrais revenir ici sur l’article 18 du projet de loi, qui vise à rétablir les habilitations des agents des affaires maritimes à la suite de la fusion des corps des inspecteurs et des contrôleurs.

Comme vous le savez, nous considérons que cette politique de fusion de ces corps de fonctionnaires ne s’est pas faite à moindre frais et qu’atteindre les objectifs fixés en matière de mobilité des personnels pose des difficultés particulières, en raison de la spécificité des missions de contrôle dans le secteur maritime.

En effet, la spécificité du travail à bord des navires, en raison de l’existence d’un corpus de droit spécial abondant, l’imbrication des prescriptions sociales et des prescriptions techniques relatives au navire et à la navigation, la dimension internationale de plus en plus affirmée des conditions d’intervention des autorités de contrôle appellent une spécialisation de ces autorités. Or la politique de fusion des inspections du travail apparaît difficilement compatible avec la conservation des savoir-faire, de l’expertise et des expériences des personnels chargés d’assurer ces missions.

Dans son rapport de 2007 intitulé La sécurité des navires et de leurs équipages : des résultats inégaux, un contrôle inadapté, la Cour des comptes constate que les contrôles sont affaiblis au niveau local et insiste sur l’intérêt d’une approche intégrée et cohérente.

Aujourd’hui, les contrôles de sécurité du flotteur et ceux du suivi des équipages dépendent de deux administrations différentes. Cela ne va pas sans poser des problèmes, eu égard à l’importance de la dimension humaine de la sécurité.

Monsieur le ministre, vous avez dit en commission que vous étiez nostalgique du service des affaires maritimes tel qu’il était organisé auparavant. Il serait essentiel que le Gouvernement s’empare de la question de l’effectivité des contrôles dans le secteur maritime, afin de répondre aux inquiétudes des marins, des personnels à terre et des gens de mer en général.

Cela m’amène naturellement à évoquer l’article 23 du projet de loi, qui vise à élargir le champ d’application des conditions de l’État d’accueil à l’ensemble des personnels à bord. L’objectif du Gouvernement est de garantir des conditions de concurrence équitables entre sociétés maritimes opérant sur une même ligne et pratiquant le cabotage ou assurant des liaisons dans les eaux intérieures et territoriales.

L’article 23 tend à permettre aux gens de mer, qui ne bénéficient pas, dans la majorité des cas, d’une inscription au premier registre du pavillon français, d’avoir les mêmes droits que les salariés détachés. Tel n’est pas le cas aujourd’hui, ce qui a pour conséquence de les soumettre aux réglementations sociales de pavillons de complaisance. Avec cet article, le Gouvernement dit aller au bout de ce que permet le droit communautaire. En effet, selon l’analyse du ministère, les règlements européens de 1986 et de 1992 précisent que, pour être admis à l’activité dans un État membre, il suffit au navire d’être immatriculé dans n’importe quel État membre. En résumé, le principe de la libre prestation de services et celui du libre établissement interdiraient une « réserve de pavillon ».

Nous défendons, quant à nous, l’idée d’instituer un pavillon européen qui serait équivalent au premier registre du pavillon français. Au-delà de la législation sociale, cela permettrait également de se prémunir contre tout dumping fiscal. De plus, nous restons très circonspects quant à l’effectivité des droits garantis au titre de l’État d’accueil. À ce sujet, Éric Bocquet a demandé, au nom de notre groupe, qu’un rapport d’information sur le détachement des salariés européens puisse être réalisé dans le cadre de la commission des affaires européennes.

Monsieur le ministre, ce texte s’inscrit concrètement dans la mise en œuvre de l’une des préconisations du Grenelle de l’environnement. Saluant votre volonté, nous voterons bien sûr ce projet de loi, que nous considérons équilibré et courageux.

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