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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’avenir de l’agriculture dans les DOM est subordonné à une série de questions auxquelles le gouvernement ne répond pas

Modernisation de l’agriculture et de la pêche -

Par / 18 mai 2010

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pendant plus de deux siècles, la monoculture de la canne à sucre a dominé l’agriculture réunionnaise. Cette culture a forgé l’histoire, l’aménagement du territoire et les rapports sociaux de cette île.

Les crises successives ayant frappé le marché du sucre ont conduit les responsables à s’orienter vers la diversification. Celle-ci s’est appuyée sur la persistance de la culture de la canne, qui assurait aux agriculteurs, dans le cadre du marché sucrier européen, des revenus garantis leur permettant de consacrer une partie de leur surface agricole à d’autres spéculations.

Aujourd’hui, 72 % de la consommation locale de fruits et légumes frais est assurée par la production locale. Les filières agricoles, autres que celle de la canne, tendent à s’organiser, à se moderniser. Cependant, tout le monde considère qu’il est encore possible et nécessaire de réduire la dépendance de la Réunion à l’égard de l’extérieur aussi bien pour les fruits et légumes que pour la viande bovine et porcine. L’effort de diversification doit donc impérativement être poursuivi, d’autant que les crises que nous avons connues et que nous connaîtrons sur les plans tant économique qu’énergétique, climatique ou alimentaire imposent aux Réunionnais d’aller le plus vite et le plus loin possible vers l’objectif de l’autosuffisance alimentaire.

Toutefois, la diversification agricole ne doit pas se faire au détriment de la canne à sucre, qui reste le pivot des unités agricoles. Outre le caractère patrimonial que revêt la filière canne à sucre à la Réunion, celle-ci constitue un savoir-faire mondialement reconnu, exporté à travers le monde tant pour la culture de la canne que pour l’industrie sucrière. Sa multifonctionnalité est également établie dans le domaine environnemental, notamment avec l’utilisation de la bagasse, qui fournit plus de 10 % de l’électricité de l’île. Plus que jamais, les agriculteurs qui acceptent de s’orienter vers la diversification doivent s’appuyer sur l’assurance d’un revenu garanti que seule la canne leur procure actuellement, dans le cadre de l’organisation commune des marchés du sucre.

Ce marché communautaire du sucre, même s’il a vu le prix de cette denrée baisser de 36 % sous la pression de l’OMC, garantit aux planteurs de canne une compensation assurée par l’État français afin que ceux-ci ne subissent aucune perte de revenu. L’autorisation de compensation a été accordée par l’Union européenne au titre de l’article 299, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, devenu l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. L’OCM du sucre est ainsi un outil de lutte contre les aléas économiques et une assurance de revenus décents pour les agriculteurs : deux ambitions de votre projet de loi, monsieur le ministre.

Cependant, la fin de cette organisation du marché du sucre en 2013 crée une grande inquiétude, non seulement chez les planteurs de canne, mais aussi chez tous les agriculteurs à la Réunion et dans les Antilles. L’avenir de l’agriculture dans les DOM est subordonné à une série de questions à laquelle le texte qui nous est soumis ne répond malheureusement pas.

L’Europe va-t-elle continuer à céder devant la pression de l’OMC pour baisser le prix du sucre ? Si oui, l’Union européenne pourra-t-elle continuer à autoriser les compensations ? Dans ce cas, le gouvernement français est-il prêt à maintenir son aide aux planteurs de canne afin que leurs revenus leur permettent d’accentuer la diversification en vue de répondre aux besoins alimentaires de la Réunion, qui compte 800 000 habitants aujourd’hui et en comptera 1 million demain ?

Nos agriculteurs attendent des assurances dans ce sens, surtout que le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays andins est actuellement en cours de signature à Madrid ; accord qui, selon le Président de la République lui-même, est susceptible de remettre en cause l’ensemble de l’effort communautaire en faveur des RUP.

Concernant le titre IV du projet de loi, nous ne pouvons que saluer la volonté de structurer les activités liées à la pêche. Il en va de même pour la création du Comité de liaison scientifique et technique.

S’agissant de la composition de ce comité, qui sera précisé par décret, nous espérons que l’outre-mer pourra avoir un représentant par bassin maritime, car, grâce à ses territoires, la France possède l’une des plus grandes superficies maritimes du monde.

Toutefois, ces mesures n’ont pas l’envergure susceptible d’encourager et de soutenir durablement cette filière à fort potentiel en termes d’emplois, de capacité de pêche et d’exportation à la Réunion. À titre d’exemple, en 2008, la pêche locale a débarqué 11 000 tonnes, contre 8 200 tonnes en 2000, soit une augmentation de 30 %. Plus de 70 % de la production locale a été écoulée vers l’Europe et l’Asie, faisant de la pêche le deuxième poste d’exportations après la canne à sucre.

Ces chiffres dénotent le dynamisme de la filière. Cependant, ils ne doivent pas masquer les handicaps de ce secteur. La double appartenance de la Réunion à l’aire géographique de l’océan Indien et au contexte juridique de l’Union européenne soulève des contradictions entravant le développement de ce secteur.

En effet, les directives européennes réglementant nos zones de pêche sont prises en fonction de la situation de surpêche des mers des pays européens continentaux, où les ressources halieutiques sont menacées. À la Réunion, la situation est différente : les ressources abondantes et l’immensité du territoire maritime exploitable depuis l’île – 2,8 millions de kilomètres carrés, soit dix fois la zone économique exclusive métropolitaine – nécessitent une adaptation des règlements communautaires, rendue possible grâce au traité de Lisbonne et à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

De plus, l’ouverture, par les accords de partenariat économique, des marchés communautaires aux produits compétitifs des pays ACP de la zone sud-ouest de l’océan Indien fragilisera les entreprises réunionnaises, qui doivent déjà faire face aux contraintes d’un marché local exigu et aux frais inhérents à l’éloignement pour les exportations et les importations, notamment d’intrants.

Enfin, alors que l’Union européenne affiche pour les régions ultrapériphériques une grande politique de coopération régionale, certains États européens concluent des accords bilatéraux avec les pays de la zone de l’océan Indien sans passer par la Réunion, qui bénéficie pourtant d’un port de pêche « industrielle », moderne et performant.

Aujourd’hui, la pêche à la Réunion représente environ 1 000 emplois et génère 67,2 millions d’euros. C’est peu au regard de ses potentialités !

Monsieur le ministre, la filière pêche peut être porteuse d’emplois et créatrice de valeur à la Réunion. Encore faut-il se donner les moyens de cette ambition, c’est-à-dire prendre en compte ses spécificités pour mettre en place une réelle politique de pêche en outre-mer.

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