Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La rigueur de la RGPP appliquée aux chambres de commerce et d’industrie

Réseaux consulaires -

Par / 9 juin 2010

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, certains d’entre nous se sont interrogés sur l’ambition politique portée par ce texte. Cette ambition est en réalité très simple et se résume en deux idées.

La première est bien évidemment l’application de la RGPP au réseau consulaire, conformément aux orientations du conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008.

La seconde concerne l’application des principes posés par la réforme des collectivités, notamment le principe de compétence exclusive de la région en matière économique.

Il s’agit ainsi, par le biais de cette réforme, de régionaliser les chambres de commerce et d’industrie et de permettre, en conséquence, une réduction du coût de l’ensemble du réseau.

Votre gouvernement propose donc une réforme idéologique des chambres de commerce et d’industrie, réforme qui n’est pas une bagatelle puisque l’on compte aujourd’hui près de 150 chambres de commerce et d’industrie réparties sur l’ensemble du territoire, ainsi que 21 chambres régionales. Leur budget global annuel s’élève à environ 4 milliards d’euros. Ces établissements sont des acteurs majeurs du développement économique local, puisqu’ils gèrent de nombreuses installations, notamment 90 aéroports, soit plus de 64 millions de passagers, 121 ports commerciaux, plus de 120 zones d’activité économique, de nombreux centres routiers, près de 20 palais des congrès et parcs d’exposition, ou encore plus de 50 pépinières et incubateurs d’entreprises.

Les chambres de commerce et d’industrie sont également très investies dans la formation professionnelle, qui constitue l’une de leurs missions prioritaires : les CCI assurent chaque année, au sein de leurs 500 établissements, la formation de plus de 600 000 élèves, apprentis, salariés ou demandeurs d’emploi.

Une véritable concertation aurait donc été particulièrement nécessaire sur une réforme d’une telle ampleur. Pourtant, force est de constater que, aujourd’hui, aucun consensus ne se dégage sur ce thème, comme l’a souligné M. Doligé dans son rapport pour avis !

Le conseil des présidents de chambres de commerce et d’industrie voit notamment dans cette réforme une centralisation administrative régionale supplémentaire, qui oublie les spécificités de terrain ainsi que les atouts territoriaux qui doivent être valorisés. Il déplore ainsi une perte totale d’autonomie d’initiative et de budget de leur structure et, au final, une réforme conduite « dans la précipitation et dans l’incohérence ».

Un ancien président de l’ACFCI a également publié, voilà pratiquement un an, une tribune dans le quotidien Les Échos, tribune qui dénonçait cette réforme et concluait qu’« elle ne vise pas à moderniser le réseau consulaire, mais bien à le tuer, faisant disparaître des outils de proximité, animés par des chefs d’entreprise dévoués à leur territoire ».

Les syndicats sont également très critiques et soulèvent de véritables difficultés quant à l’avenir des personnels.

Pour en finir avec la cacophonie qui entoure ce projet de loi, la commission des finances a émis un avis particulièrement réservé – c’est le moins que l’on puisse dire – sur le présent projet de loi, déplorant notamment que les modes de financement liés aux transferts de charges soient insuffisants. Elle a estimé que, en l’état, ce texte ne pouvait être débattu par notre assemblée.

Une telle levée de boucliers devrait vous faire réfléchir et vous inciter à revoir votre copie !

Et je ne vous parle même pas de l’absence de cohérence ! Si le titre Ier du projet de loi traite, comme son nom l’indique, de la réforme des réseaux consulaires, le titre II a pour unique objet la transposition de la directive « Services » pour certaines professions réglementées. Ce simple fait justifie de notre part le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable, motion qui sera défendue par Michel Billout.

Dans cette intervention, je souhaite faire la démonstration que la réforme du réseau consulaire, telle qu’elle nous est proposée, n’est pas pertinente.

Le projet de loi qui nous est soumis prévoit une nouvelle architecture du réseau – sa régionalisation totale –, plaçant ainsi sous tutelle les anciennes CCI.

Il s’agit, tout d’abord, d’une tutelle politique, puisque les assemblées locales de chefs d’entreprise élus pour administrer les chambres territoriales seraient dans l’obligation d’élire comme président l’un des membres de l’assemblée régionale.

Il s’agit, ensuite, d’une tutelle financière, puisque les ressources publiques des chambres de commerce et d’industrie seront également centralisées à l’échelon régional, qui seul répartira cette ressource entre les territoires, inévitablement au détriment des bassins d’emploi les moins favorisés, compte tenu de la pondération économique retenue pour la composition de l’assemblée régionale.

Il s’agit, enfin, d’une tutelle sociale, puisque l’ensemble des personnels actuels des chambres de commerce et d’industrie sera transféré à un employeur régional, puis mis à disposition de l’échelon local pour assurer le service administratif de proximité.

Le rattachement proposé s’apparente ainsi à une démarche autoritaire et centralisatrice, que nous jugeons inacceptable.

Plus pernicieux encore, un dispositif spécifique est créé pour l’Île-de-France, où les chambres départementales perdraient non seulement leur autonomie de gestion et leur autonomie financière, mais également leur statut juridique.

Nous pouvons ainsi voir la volonté de ce gouvernement de réduire les chambres de commerce et d’industrie des départements franciliens à de simples annexes de la chambre régionale, alors que la situation des bassins d’emploi en Île-de-France est extraordinairement variée.

La précipitation n’est pas facteur d’efficacité et nous estimons qu’il faut laisser aux actuelles chambres de commerce et d’industrie le choix d’être rattachées ou non à la chambre régionale, et ce selon un calendrier qu’elles auront elles-mêmes défini.

Comme une obsession, au fil de vos lois, l’échelon départemental est ainsi systématiquement dépecé de son organisation administrative et institutionnelle. Nous contestons cela. En effet, d’une part, la disparition du département entraîne, de fait, la suppression d’un espace de démocratie. D’autre part, il est utile de garantir un fort pouvoir d’initiative aux CCI à l’échelon départemental, au plus près des besoins comme des réalités.

Dans le droit-fil de la réforme territoriale, vous créez un dispositif spécifique pour les chambres de commerce et d’industrie métropolitaines, alors même que la réforme des collectivités n’a pas été adoptée de manière définitive par les assemblées parlementaires. Il s’agit bien de précipitation, et nous ne savons même pas quelles compétences seront accordées aux métropoles !

Par ailleurs, alors que le principe de subsidiarité est un principe fondateur des institutions européennes, que vous vénérez par ailleurs, vous refusez l’application de ce principe au réseau consulaire. Il existe là une incohérence majeure ne correspondant pas à l’attente des acteurs économiques dans les territoires qui souhaitent, au contraire, plus de proximité.

Cette volonté de régionalisation s’inscrit également pleinement dans la logique de la RGPP. À ce titre, je vous rappelle les propos de M. le rapporteur, qui nous a réaffirmé en commission que l’un des objectifs de la réforme était bien de faire des économies. Nous ne sommes pas opposés à la réalisation d’économies, mais celles que vous proposez se font systématiquement « sur le dos » du service public et de l’aménagement du territoire.

Ce faisant, vous construisez la France de demain sur la base d’un désert administratif où ne subsisteront que des pôles de compétitivité, bénéficiant de l’ensemble des infrastructures et des financements, rompant avec tout principe de cohésion sociale et territoriale.

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez également affirmé en commission qu’il s’agissait de la seule réforme menée dans le cadre de la RGPP permettant de diminuer les charges des entreprises. À ce titre, vous y voyez un phénomène doublement vertueux.

Je considère, pour ma part, que tenir de tels propos est inconvenant au moment même où les salaires sont si bas, où les salariés seront tenus de travailler plus pour gagner moins. Ce souci d’alléger toujours plus les charges des entreprises est indécent, surtout s’il ne s’accompagne d’aucune exigence en faveur du développement de l’emploi.

De plus, alors que l’Assemblée nationale avait permis une véritable avancée en garantissant, conformément à la jurisprudence, notamment du Conseil d’État et du tribunal des conflits, le statut « d’établissement public administratif » aux CCI, les membres de la commission de l’économie, hormis ceux du groupe CRC-SPG, ont choisi de supprimer cette référence, considérant qu’une telle qualification était trop contraignante et qu’il s’agissait d’un mauvais signe envoyé aux chefs d’entreprise.

Pour notre part, nous continuons de penser que l’adjectif « administratif » non seulement est justifié, mais également garantit l’accomplissement de missions publiques exercées, je vous le rappelle, avec le concours de subsides publics !

À ce titre, nous trouvons déplorable la rédaction de l’article 7 ter, qui traite des ressources fiscales des CCI.

Nous estimons que de telles dispositions d’une part, doivent relever de la loi de finances et, d’autre part, portent en germe un principe absolument contestable selon lequel ceux qui bénéficient le plus du service public doivent y contribuer le plus. En l’occurrence, sont concernées les PME, dont ce gouvernement se dit par ailleurs le plus farouche défenseur : c’est une contradiction supplémentaire que l’on peut relever !

Je ne peux également passer sous silence la question de l’avenir des 30 000 salariés des chambres de commerce et d’industrie. La centralisation à l’échelon régional soulève des interrogations importantes quant à la mobilité de ces agents.

De surcroît, nous pouvons légitimement nous interroger sur la force dont disposeront dorénavant les règlements intérieurs des chambres territoriales, puisque le niveau de référence sera l’échelon régional. Nous voyons là une volonté d’uniformisation des règlements intérieurs, afin de les lisser avec les dispositions les moins favorables aux salariés.

Par ailleurs, le projet de loi indique que les conditions de transfert des agents de droit public sous statut seront examinées par une commission paritaire régionale. Or cette commission n’existe pas aujourd’hui et ses modalités d’élection ne sont pas encore connues. Nous avons donc déposé un amendement tendant à créer une telle instance et à définir sa composition ; les règles de représentativité devront être fixées au regard de la concertation en cours.

Nous considérons, pour notre part, que si le réseau consulaire a effectivement besoin d’être modernisé, la réforme que nous examinons ne permettra pas de réel progrès en la matière.

Afin d’assurer une modernisation plus soucieuse du service public, nous avons des propositions ambitieuses. Dans ce cadre, nous estimons que la gouvernance doit être réexaminée, afin d’instituer un conseil d’administration où seraient représentés non seulement les chefs d’entreprise, mais également les élus de la République et des représentants des salariés.

Une réelle modernisation du réseau consulaire passe également, selon nous, par une réforme de la représentativité au sein des instances paritaires, notamment de la commission paritaire nationale, dont les modalités de représentativité des salariés n’ont pas été revues depuis un décret de 1953 ! C’est vous dire s’il est temps…

Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes engagé à engager une négociation avec les syndicats.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Oui !

Mme Odette Terrade. Nous serons particulièrement attentifs aux résultats,…

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Je vous les donnerai !

Mme Odette Terrade. … mais les éléments dont nous disposons aujourd’hui ne sont pas satisfaisants.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Ah bon ?

Mme Odette Terrade. Nous estimons également que des élections sur sigles devraient être organisées très prochainement, afin de définir la représentativité au sein de la commission nationale paritaire.

Enfin, une réelle modernisation du réseau consulaire passerait par un renforcement des missions de service public, notamment en termes de formation professionnelle. En effet, les chambres de commerce et d’industrie pourraient constituer des partenaires privilégiés pour la mise en œuvre de la sécurité en matière d’emploi et de formation que nous proposons de longue date.

Nous constatons également la tendance actuelle à une augmentation des prestations payantes des CCI parallèlement à une diminution des prestations de service public.

Je ne peux terminer cette intervention sans revenir sur la question des MIN,…

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie et M. Gérard Cornu, rapporteur. Ah !

Mme Odette Terrade. … question qui a suscité un grand émoi chez les professionnels et chez les élus des départements à la suite de l’adoption d’un amendement déposé par Mme le rapporteur Catherine Vautrin à l’Assemblée nationale.

Sur ce point encore, votre réforme est dogmatique, alors même que la constitution d’un périmètre de référence, ancien périmètre de protection, se justifie non par la volonté d’instituer un monopole, qui n’existe que dans vos fantasmes, mais bien par des considérations d’intérêt général liées à l’aménagement du territoire, à des considérations sanitaires et environnementales.

Depuis leur création, les MIN ont permis à l’État d’intervenir fortement dans le domaine de la distribution de gros. D’autre part, je vous rappelle que la Commission européenne n’a jamais considéré que l’existence de ces périmètres était une atteinte à la concurrence, puisque ce sont des lieux de concurrence.

Vous ne nous ferez pas croire que les producteurs seront avantagés par la suppression des barrières du périmètre. Une telle mesure permettra simplement à la société Metro, aux cash and carry et autres grossistes de venir s’installer à côté du MIN sans être soumis aux mêmes règles sanitaires et d’exercer ainsi une concurrence déloyale.

Il est temps selon nous non pas de libéraliser un peu plus les conditions d’organisation du marché agricole, mais bien de le réguler en permettant de rééquilibrer les relations commerciales entre les producteurs et les distributeurs et d’instaurer un prix rémunérateur pour les producteurs, ce qui fut tout l’enjeu de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

De plus, il est impossible d’écarter du débat la question de l’avenir des 13 000 emplois liés, par exemple, au MIN de Rungis, des 26 000 emplois qui découlent, en France, des marchés d’intérêt national.

Vous l’aurez compris, les membres du groupe CRC-SPG ne peuvent adopter en l’état un texte animé par une application spécifique de la RGPP et de la réforme des collectivités territoriales, alors même que les politiques d’austérité et de concurrence font la démonstration partout en Europe de leurs échecs.

De plus, nous ne pouvons accepter la démarche systématique de ce gouvernement et du Président de la République, démarche qui réside dans une reprise en main autoritaire et centralisatrice des institutions et des administrations territoriales, ignorant les territoires et leurs spécificités.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous voterons contre ce texte.

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