Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Les banques doivent être mises au service de l’économie réelle et en particulier de l’agriculture

Avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (deuxième lecture) -

Par / 17 juillet 2014

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en Bretagne, il est courant de dire : « solide comme un Breton et dur comme le granit ». Je ne doute pas que Stéphane Le Foll, dont nous connaissons les origines, ne fera pas mentir cette maxime et que, dès demain, il sera parmi nous, en pleine forme.

Nous abordons aujourd’hui la deuxième lecture du projet de loi qui va structurer et orienter le modèle agricole de la France pour l’avenir. Le texte dont nous débattons étant dense et ambitieux, nous aurions apprécié une meilleure anticipation de la part du Gouvernement dans la prévision de l’ordre du jour. En effet, les conditions dans lesquelles les parlementaires, comme les administrateurs et nos collaborateurs, ont dû travailler sont loin d’être optimales, ce que nous regrettons vivement.

Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt est une véritable loi d’orientation pour le secteur agricole. L’agroécologie, qu’il décline, porte des objectifs et des ambitions que nous soutenons. Je dirais même que nous avons souhaité les renforcer avec plus ou moins de succès lors de la première lecture. Nous verrons ce qu’il en sera à l’issue de cet ultime débat.

Depuis vingt ans, le nombre d’exploitations agricoles en France a été divisé par plus de deux. Dans le même temps, la surface agricole utilisée moyenne par exploitation a augmenté, particulièrement pour les « grandes » exploitations, de 40 hectares. Comme le note l’étude d’impact du projet de loi : « 80 % du potentiel économique, le PBS, est aujourd’hui concentré dans ces grandes unités ».

Ces données chiffrées, nous en sentons les effets au quotidien dans nos territoires. Ainsi, nous constatons la baisse du nombre d’exploitations individuelles et les difficultés, au-delà des contraintes économiques réelles, que rencontrent les jeunes agriculteurs pour trouver des terres, les financer et s’installer.

M. le Foll avait déclaré vouloir trouver un équilibre entre l’objectif de renouvellement des générations et l’agrandissement nécessaire aux évolutions de productivité. Nous partageons cette volonté, et nous saluons les dispositions du texte permettant d’arriver à cet équilibre.

Les groupements d’intérêt économique et environnemental, désormais fondés sur un triple objectif associant la dimension sociale, à laquelle nous sommes très attachés, constituent une bonne mesure pour encourager les agriculteurs à s’associer avec d’autres acteurs et à mettre en œuvre de nouvelles pratiques agronomiques. L’élargissement de l’entraide, que nous avons porté en première lecture, participe également de cette volonté de fédérer les énergies tout en respectant la spécificité des métiers et des exploitations agricoles. Nous saluons aussi les dispositions visant à asseoir les groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC.

Le renforcement des outils permettant d’organiser l’occupation de l’espace agricole et de limiter la concentration des exploitations était très attendu de notre part. Nous nous félicitons donc que le projet de loi autorise les SAFER à faire jouer leur droit de préemption pour acquérir l’usufruit de terres agricoles ou la totalité de parts de sociétés à objet agricole.

Nous nous réjouissons que l’Assemblée nationale ait voté un amendement du Gouvernement pour permettre aux SAFER de préempter également, dans certaines conditions, la nue-propriété agricole. C’était l’une de nos propositions en première lecture. Nous aurions aimé aller encore plus loin, mais l’article 40 a mis un terme à l’examen de notre proposition visant à étendre ce droit de préemption à la cession de la majorité et non pas seulement de la totalité des parts de sociétés agricoles.

Je souhaiterais ici dire – nous n’y reviendrons pas dans le débat, les articles relatifs à l’installation ayant été votés conformes – que nous saluons le dispositif de contrat de génération-transmission, comme le renforcement du répertoire à l’installation. La viabilité économique des projets et la capacité professionnelle sont des dimensions déterminantes pour assurer la pérennité des activités agricoles. Nous vous proposerons tout de même de renforcer les possibilités de pluriactivité pour les agriculteurs au cas où cela serait nécessaire. En revanche, nous considérons que des efforts devraient être consentis afin de renforcer les aides financières, notamment pour les personnes qui, pour diverses raisons, s’installent après quarante ans ou qui n’ont ni emploi ni diplôme, mais se sont engagées dans des formations.

Il nous semble également important, et cela n’est pas prévu dans le projet de loi, que le rôle des banques soit recentré sur l’économie réelle au service des territoires ruraux et des activités agricoles. Les missions du Crédit agricole, établissement historiquement consacré aux agriculteurs pour encourager le crédit au profit de la petite exploitation familiale, ont été largement dénaturées par les contraintes prudentielles et la stratégie financière de la banque. Pourtant, cette « banque verte » a un rôle essentiel à jouer dans la mise en œuvre d’une politique agricole, alimentaire et forestière nationale assurant la réponse aux besoins et le développement de nos potentiels. C’est dans ce sens que nous demandons la renationalisation de Crédit agricole SA et le renforcement du mutualisme dans les caisses locales, associant usagers et salariés. Il serait également nécessaire de renforcer la traçabilité de l’utilisation de l’épargne et de l’emploi des crédits sur les territoires actuels des caisses régionales.

En ce qui concerne le volet relatif à la politique de l’alimentation et à la performance sanitaire, le projet de loi tend à proposer des mesures visant à diminuer la consommation de produits phytopharmaceutiques et des antibiotiques et se donne pour objectif de renforcer l’indépendance des contrôles sanitaires. Les préconisations de la mission sénatoriale d’information sur les pesticides et leur impact sur l’environnement et la santé, à laquelle j’ai participé, n’ont pas toutes été suivies. Nous aurions pu aller plus loin, car il s’agit là d’enjeux de santé publique d’importance.

Je veux notamment dire un mot des autorisations de mise sur le marché et de la responsabilité qui sera donnée à l’ANSES pour, ce sont les mots de M. le ministre, « valoriser et faciliter les autorisations de mise sur le marché s’agissant de toutes les nouvelles techniques qui apparaissent en matière de biocontrôle ». Nous considérons que ce transfert pose des questions d’indépendance et que l’État doit garder la maîtrise en ce domaine. C’est pourquoi nous demanderons la suppression de cet article.

De plus, les exigences liées à la politique de l’alimentation et de sécurité sanitaire sont affaiblies par la politique d’austérité renforcée mise en œuvre par le Gouvernement. En effet, la restructuration des services du ministère de l’agriculture, la baisse des moyens accordés aux services de contrôles sanitaires, vétérinaires, à la douane ou à la police économique ne sont pas remis en cause par le projet de loi. L’alimentation et la sécurité alimentaire devaient être un axe essentiel de ce texte, notamment en matière de fraudes alimentaires. Or aucun moyen humain et financier supplémentaire n’a pour l’instant été accordé aux services chargés des différents contrôles réglementaires.

À cela s’ajoutent, comme nous l’avions dit en première lecture, les risques que l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada fait peser sur le niveau des normes de production en matière environnementale, sanitaire et de bien-être animal. Sans rupture avec les politiques de libéralisation et de déréglementation, l’agroécologie risque de rester une belle idée.

Par ailleurs, le Gouvernement a fait le choix traditionnel d’intégrer dans la loi d’avenir un volet forestier. Pourtant, la forêt aurait sans doute mérité un projet de loi dédié. En effet, au regard de l’importance de la ressource forestière française – les espaces boisés couvrent 31 % du territoire métropolitain, soit près de 17 millions d’hectares –, au regard de la diversité de cette ressource, mais également des contraintes en termes d’accessibilité, les sujets sont vastes et les problématiques denses, comme a pu le rappeler notre collègue Philippe Leroy. Or, encore une fois, le projet de loi ne remet pas en cause les logiques de rentabilité initiées par la révision générale des politiques publiques. Dans ce cadre, l’ONF a développé une logique commerciale préjudiciable aux missions d’intérêt général de la forêt. Comme vous le savez certaines missions d’intérêt général, telles que la prévention des incendies, la restauration des milieux montagnards ou la fixation des dunes, qui faisaient l’objet de conventions entre l’État « donneur d’ordres » et l’ONF « prestataire », ne sont plus entièrement financées par l’État. Dès lors, il faut craindre pour l’avenir et pour la qualité des missions que l’ONF n’aura plus les moyens d’assumer seul.

Le projet de loi contient cependant des mesures positives sur le volet forestier que je tiens à souligner : il cherche à encadrer la conservation des ressources génétiques forestières ; il instaure un fonds stratégique de la forêt et du bois, dont l’efficacité reste suspendue aux arbitrages budgétaires de la loi de finances ; il renforce les instruments de gestion durable et multifonctionnelle des forêts appartenant à des particuliers en instaurant le GIEEF, instrument favorisant le rassemblement des parcelles forestières.

Lors de la discussion des articles, nous vous proposerons de renforcer les outils permettant de lutter contre le contournement du droit de préférence des propriétaires de terrains boisés dans le cadre d’une vente portant sur un ensemble constitué de plusieurs parcelles dissociées.

Nous saluons également le dispositif de contrôle et de sanction de la mise sur le marché de bois et de produits dérivés du bois issus d’une récolte illégale, portant atteinte au développement durable des forêts.

J’évoquerai enfin l’agriculture ultramarine. Les territoires d’outre-mer sont soumis à des contraintes propres. Je voudrais dire quelques mots plus particulièrement de La Réunion, au nom de mon collègue Paul Vergès, et de la production de canne à sucre.

Il se prépare, à La Réunion, en raison de la dérégulation des politiques de l’Union européenne, une crise économique, sociale et environnementale d’ampleur. En effet, l’Europe, suite à une plainte de pays producteurs de sucre – Brésil et Australie – déposée auprès de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, en 2008, a décidé de supprimer non seulement les quotas, mais aussi le prix garanti. Ce sont 30 000 emplois qui sont concernés, directement ou indirectement : planteurs, coupeurs de cannes, ouvriers d’usine, transporteurs, dockers, commerçants,… Ce sont aussi 25 000 hectares qui seront livrés à l’érosion. Le quart des exportations réunionnaises est en suspens ! En termes financiers, l’exportation canne et rhum représente 93,2 millions d’euros, soit le plus gros poste d’exportation de La Réunion !

Pour l’heure, l’île est assurée de vendre tout son sucre à l’Union européenne à un prix garanti, mais, dans trois ans, ce sera fini. Le sucre de canne de La Réunion se retrouvera sur le marché européen en concurrence directe avec le sucre de betterave, dont le prix est moins élevé de 200 euros par tonne.

La fin des quotas et la fin du prix garanti du sucre réunionnais vendu en Europe est pour 2017, d’où l’inquiétude des usiniers et des planteurs. Comme vous le savez, la durée de l’exploitation du pied de canne est de cinq à huit ans. S’il faut replanter, il faut le savoir aujourd’hui. Mais, pour l’heure, les planteurs n’ont aucune visibilité sur la question des quotas ou celle du prix d’achat.

Ce grave problème démontre, s’il en était encore besoin, que les politiques nationales agricoles sont largement contraintes par les politiques définies à l’échelle de l’Union européenne et de l’OMC. Or la voie choisie est celle de la dérégulation et de la libéralisation au détriment des hommes et de l’environnement.

Comme vous, nous sommes convaincus que nous avons besoin d’un nouveau modèle agricole à la fois plus durable et à même d’assurer notre indépendance alimentaire. Un modèle qui préserve les écosystèmes et valorise de nouvelles pratiques agronomiques vertueuses pour les hommes et l’environnement. À cet égard, le projet de loi propose des pistes intéressantes et offre des outils pertinents, lesquels trouveront toutefois vite leurs limites si l’on ne soustrait pas l’agriculture aux règles purement marchandes et concurrentielles.

Nous avons également besoin d’un modèle agricole qui garantisse un juste partage de la valeur ajoutée, au service du maintien et du renouvellement des générations d’actifs agricoles, d’un modèle qui assure un revenu décent, une protection sociale efficace pour l’ensemble des femmes et des hommes de ce secteur.

Sur ces exigences, le projet de loi n’a pas su être à la hauteur des besoins, et nous le regrettons. Nombreuses sont les lois qui ont tenté, sans succès, de répondre au déséquilibre des relations commerciales. Nous n’avons jamais pu ou su protéger les producteurs contre les pratiques commerciales inqualifiables des centrales d’achat de la grande distribution, sujet qui fait l’actualité de ce jour.

Il est sans doute temps, là aussi, de changer de paradigme. Après l’agroécologie, peut-être serait-il nécessaire de proposer un autre modèle économique pour toute la filière de commercialisation des produits agricoles ?

Madame la secrétaire d’État, nous comptons sur le ministre Stéphane Le Foll et avons toujours confiance en lui pour poursuivre dans une direction dont nous partageons l’essentiel, au service de l’agriculture française.

C’est vrai, nous, les communistes, sommes à la fois matérialistes et réalistes. Notre politique est toujours teintée d’idéalisme et d’utopie pour que le rêve et l’espoir portent la population. Un peuple sans rêve, sans espoir, sans utopie est un peuple perdu. Sachons ne pas le décevoir, il nous attend !

Les dernieres interventions

Affaires économiques Mobilisés contre le frelon asiatique

Proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique - Par / 11 avril 2024

Affaires économiques Un plan large pour un temps long

Débat sur le thème : « Haut-commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? » - Par / 10 avril 2024

Affaires économiques Kanaky : dire non à la colonisation de peuplement

Projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. - Par / 27 mars 2024

Affaires économiques Formation, salaires et accès au crédit

"Tests PME" et création d’un dispositif "impact entreprises" - Par / 26 mars 2024

Affaires économiques CETA : une victoire démocratique

Projet de loi sur la ratification du CETA - Par / 21 mars 2024

Affaires économiques Sécurité nucléaire : pourquoi défaire ce qui fonctionne ?

Projet de loi sur la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection - Par / 7 février 2024

Affaires économiques La bagnole reconditionnée

Proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires - Par / 14 décembre 2023

Affaires économiques 1% du budget de l’État pour le sport

Vote des crédits 2024 pour le sport - Par / 11 décembre 2023

Affaires économiques Inflation : les rustines du gouvernement

Si vous voulez agir sur la hausse des prix, bloquez-les ! - Par / 9 novembre 2023

Affaires économiques Les pratiques détestables des acteurs du secteur

Accès au marché de l’assurance emprunteur - Par / 26 janvier 2022

Affaires économiques Cette pratique fait obstacle aux continuités écologiques

Limitation de l’engrillagement des espaces naturels - Par / 10 janvier 2022

Affaires économiques L’agrivoltaïsme maîtrisé peut avoir des vertus

Développement de l’agrivoltaïsme en France - Par / 4 janvier 2022

Administration