Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les collectivités doivent avoir les moyens de leur politique

Exercice du droit de préemption -

Par / 29 juin 2011

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous sommes invités à examiner, qui vise à réformer le droit de préemption urbain, nous est présentée plus de trois années après le rapport du Conseil d’État du 6 décembre 2007 dont l’objet était d’« identifier les mesures qui pourraient être prises pour aboutir à une procédure équilibrée permettant aux collectivités locales de faire face à leurs besoins et leurs obligations et assurant une réelle garantie des droits des propriétaires ».

La commande était claire, et nous pouvions être en accord avec l’objectif, avec une interrogation cependant : comment serait interprétée l’expression « procédure équilibrée » ? En effet, suivant que l’on considère l’intérêt général ou le droit de propriété comme l’intérêt premier, la balance ne penche pas du même côté.

Nous allons donc examiner ensemble l’équilibre préconisé par la présente proposition de loi.

Rappelons que nous avons déjà abordé le sujet lors du débat sur la proposition de loi relative à la simplification et l’amélioration de la qualité du droit, devenue la « loi Warsmann », débat au cours duquel nous avons unanimement et légitimement estimé utile de se donner plus de temps pour la réflexion sur une question aussi importante pour nos collectivités, qui représentent l’intérêt général dans cette question du droit des sols.

Il est intéressant aussi d’expliquer le contexte général dans lequel s’exerce ce droit de préemption pour mieux mesurer les enjeux de la présente proposition de loi.

Les ressources des collectivités sont, progressivement mais inexorablement, réduites compte tenu des politiques menées par le Gouvernement depuis plusieurs années.

Dans le même temps, dans de nombreuses régions, et notamment dans la région parisienne, la spéculation foncière et immobilière sévit.

C’est pourquoi je m’inscris en faux contre l’idée selon laquelle nos collectivités feraient n’importe quoi dans l’exercice du droit de préemption, quand bien même cette idée n’est pas exactement exprimée ainsi. Lorsqu’elles ont recours à cette procédure, c’est pour permettre la réalisation de projets utiles à la population, à l’économie et au bon fonctionnement de nos villes.

On n’exerce pas le droit de préemption à la légère. Il représente, d’ailleurs, un coût important et une source de contentieux potentiels avec les propriétaires concernés.

Le risque à l’avenir est donc plutôt de ne plus pouvoir utiliser ce droit. C’est la raison pour laquelle ce débat est le bienvenu.

La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui contient des dispositions que nous estimons utiles et qui ont été renforcées lors du passage devant la commission.

Nous sommes ainsi d’accord avec l’article 1er, qui tend à enrichir le contenu des déclarations d’intention d’aliéner et de renforcer la publicité faite à ce document. Cet article a été modifié en commission, puisqu’il y est maintenant prévu que les informations liées aux installations classées seront communiquées. La commission a également proposé que le titulaire du droit de préemption puisse visiter le bien qu’il envisage d’acquérir.

De plus, l’insertion d’un article additionnel après l’article 1er étendant la préemption partielle aux opérations de constructions nous semble une bonne mesure.

Nous sommes d’accord avec le contenu de l’article 3, qui fixe le transfert de propriété au moment de la signature de l’acte authentique, ainsi que la diminution du délai de paiement, conformément à la préconisation du Conseil d’État.

Bien entendu, nous souscrivons à la volonté de clarifier la procédure en cas de renonciation de la collectivité, prévue à l’article 4.

Nous estimons par ailleurs utile de préciser, comme le préconisait le Conseil d’État, que le bien préempté peut être affecté à une autre destination, sous réserve que celle-ci respecte les conditions autorisant la préemption. C’est le sens de l’article 5. Cependant, nous vous proposerons de sécuriser cette pratique, comme cela a été suggéré par le rapport du Conseil d’État, en subordonnant le changement de destination du bien préempté à une information de l’instance délibérante.

J’ajoute à ces motifs de satisfaction que l’auteur de la proposition de loi n’a pas repris certaines mesures évoquées au cours des derniers mois, notamment celles qui figurent dans la proposition de loi déposée par M. Jean-Luc Warsmann, refusant le recours au juge de l’expropriation pour le droit de préemption urbain.

M. Daniel Raoul. Cela viendra !

Mme Évelyne Didier. L’auteur de ce texte n’a pas repris non plus l’idée, formulée par la proposition de loi déposée par le groupe socialiste, selon laquelle les établissements publics de coopération intercommunale et les régions sont les principales collectivités détentrices du droit de préemption, indépendamment de toute référence aux compétences en matière de réalisation des documents d’urbanisme, et ce, alors même que le lien de causalité entre l’un et l’autre est évident.

M. Daniel Raoul. Il y a du progrès !

Mme Évelyne Didier. De notre point de vue, cette compétence doit rester communale et donner lieu, si nécessaire, à négociation entre collectivités.

La proposition de suppression des zones d’aménagement différé ne nous convainquait pas davantage, sauf à renoncer à toute intervention de l’État dans les territoires, ce que nous désapprouvons. Vous m’en voyez désolée, mes chers collègues !

Vous le voyez, jusque-là, nous sommes en accord avec la proposition de loi, mais je vais maintenant vous dire les points avec lesquels nous ne sommes pas d’accord.

Mme Nicole Bricq. Ah !

Mme Évelyne Didier. Ainsi, nous regrettons que l’amendement préconisant que l’estimation du prix des domaines tienne compte de l’affectation du bien et pas simplement des conditions du marché n’ait pas retenu votre attention.

Nous regrettons également que la majorité ait refusé d’élargir le champ d’action du droit de préemption urbain à la lutte contre la spéculation immobilière et foncière. Cette mesure, qui vise à défendre l’intérêt général, ne saurait être présentée comme trop coercitive. En la refusant, on prive finalement les collectivités du seul levier efficace pour agir contre un mouvement que tout le monde déplore.

C’est la raison pour laquelle nous reprendrons au cours du débat ces deux amendements qui nous semblaient pertinents.

M. Daniel Raoul. C’est déjà mieux !

Mme Évelyne Didier. Mais les dispositions qui nous divisent vraiment figurent aux articles 2 et 7 de cette proposition de loi.

Nous pensons qu’une collectivité doit pouvoir renoncer en cours de procédure à son droit de préemption : non pas que nous encouragions la légèreté dans ce domaine, mais nous savons tous que la réalisation de projets urbains peut prendre du temps entre le moment où l’idée est lancée et le moment de la conclusion de l’acte. Les procédures sont longues, les surprises possibles et les recours fréquents. Les projets aboutis sont souvent différents de l’intention initiale, d’autant qu’entre-temps, il peut arriver que les électeurs décident de mettre aux commandes une nouvelle majorité, laquelle peut vouloir reconsidérer le projet.

L’article 7, qui prévoit la possibilité d’indemnisation de l’ancien propriétaire, y compris si celui-ci a renoncé à la rétrocession, n’est pas de bonne facture. Cette mesure accréditerait, au fond, l’idée que, dans cette affaire, le propriétaire est une victime. Le propriétaire a des droits ; ils doivent être respectés et le prix d’achat ne doit pas être minoré. Pour autant, laisser à penser que l’intérêt général n’a plus aucune légitimité, c’est renoncer, petit à petit, à ce qui fonde une communauté, je veux parler de l’intérêt collectif et de la solidarité. Prenons garde à ne pas user, par petites touches successives, ce qui fait le ciment de notre société ! Ou alors cessons de nous plaindre que l’individualisme se développe avec autant de force !

Aujourd’hui, à travers ce débat, ce qui est en cause, c’est bien la maîtrise foncière pour nos collectivités, une maîtrise foncière sans laquelle aucun projet d’aménagement n’est possible, d’autant que ce n’est qu’un droit ultime. Nombre de collectivités procèdent, et cela a été dit, aux acquisitions à l’amiable. Il n’y a donc pas lieu d’atténuer ce droit.

Un tissu urbain est un tissu vivant, qui a besoin de se modifier, de s’adapter pour répondre aux besoins d’aujourd’hui. Les collectivités doivent avoir les moyens de leur politique. Cette conviction, nous la porterons tout au long du débat.

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