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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les femmes sont particulièrement sous-représentées à la direction des grandes entreprises

Mandats sociaux -

Par / 29 avril 2010

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après que nous avons eu récemment l’occasion de nous interroger sur les rémunérations des dirigeants d’entreprise, voici que nos collègues du groupe socialiste nous invitent aujourd’hui à réfléchir à la question du cumul des mandats de direction et à celle de la représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance.

Malheureusement, cette discussion risque fort de tourner court puisque Mme le rapporteur, tout en ayant démontré le bien-fondé de ces propositions, nous demandera tout à l’heure, par le biais d’une motion de procédure, de renvoyer ce texte en commission, au motif qu’une proposition de loi de l’Assemblée nationale portant sur le même sujet est actuellement en navette.

Sur le fond, vous le comprendrez aisément, mes chers collègues, nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation, car le travail parlementaire va, de fait, être interrompu avant même d’avoir commencé. Nous le regrettons d’autant plus que certaines des dispositions de la proposition de loi de notre collègue Nicole Bricq méritaient un examen plus approfondi.

Il en est notamment ainsi de celles de l’article 1er, qui visent à empêcher qu’une personne physique puisse exercer simultanément plus de trois mandats d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance ou du directoire de sociétés anonymes, ou plus d’un mandat de président de conseil d’administration ou de président de directoire. Car il faut savoir que, du fait du cumul des mandats, 20 % des mandataires sociaux des sociétés du CAC 40 concentrent 43 % des droits de vote au sein des conseils d’administration de ces mêmes sociétés ! Au demeurant, de telles dispositions constituent sans nul doute l’un des leviers nécessaires pour accroître la représentation des femmes au sein de ces instances de décision.

Ne pas poursuivre la discussion de cette proposition de loi est en soi regrettable, mais il convient également de relever que les propositions de loi déposées par les groupes d’opposition ou les groupes minoritaires semblent de plus en plus sujettes – je me fais ici l’interprète de Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC-SPG, et de notre collègue Yves Détraigne, tous deux ayant souligné ce point en commission – à faire l’objet d’un examen écourté.

C’est à croire que, par le renforcement des droits du Parlement, déjà largement rogné par le recours constant et régulier du Gouvernement à la procédure accélérée, certains parlementaires sont, d’une certaine manière, moins égaux que d’autres et que toute proposition qu’ils formulent, en dehors de toute considération sur la qualité de celle-ci, aurait de toute façon moins de chance d’être réellement examinée et, donc, d’aboutir.

Après ces considérations formelles sur des pratiques qui pervertissent le sens de la réforme constitutionnelle – à moins qu’elles n’en dévoilent, en fin de compte, le véritable contenu ! –, venons-en au fond.

S’il est un domaine où la place des femmes est largement minorée, c’est bien celui de la direction des plus grandes entreprises du pays ! Et, de ce point de vue, on ne peut pas dire que l’État montre l’exemple avec ses grandes administrations !

En ce qui concerne les grandes sociétés, hormis le cas de la PDG de la société AREVA – dont les capitaux sont d’ailleurs plutôt publics ! –, il n’y a pas de femme PDG parmi les valeurs vedettes de la place financière de Paris. La nomination récente de deux femmes fort connues au sein des conseils d’administration de sociétés prestigieuses ne changera pas fondamentalement le taux de présence des femmes…

Le rapport de la commission indique, sans plus de précision, que les femmes représentaient en 2009 environ 10 % des membres des conseils d’administration ou de surveillance des plus grandes sociétés cotées françaises.

Au demeurant, quelques-unes de ces entreprises, qui acceptent encore parmi leurs administrateurs des représentants des salariés, de par leur passé d’entreprises publiques ou nationalisées, doivent sans doute leur taux de présence féminine au sein de leurs instances dirigeantes à des dérogations prévues par la loi de 1983 de démocratisation du service public, qui permet à quelques militantes syndicales d’être élues sur les listes présentées par leur organisation.

Si l’on examine les fonctions exécutives les plus importantes – président de conseil d’administration ou de conseil de surveillance, directeur général délégué ou directeur financier –, on constate que, plus encore que dans la sphère politique, ces fonctions valorisantes dans les entreprises restent la chasse gardée des hommes, qu’ils soient diplômés de grandes écoles ou héritiers de grandes familles industrielles. La « démocratie actionnariale » semble donc encore moins vivante et réelle que la démocratie représentative !

Que le monde économique soit ainsi très largement masculin, ne laissant aux femmes que la portion congrue, est finalement assez logique ! Car c’est le même monde économique qui estime normal de confiner les femmes salariées dans les tâches les moins valorisantes, de pratiquer l’inégalité salariale, de généraliser le développement du stress au travail et des pressions les plus diverses !

La quasi-absence des femmes dans les organes de direction de nos plus grandes entreprises n’est en fait que la partie visible de l’iceberg, la partie immergée étant le développement de la précarité de l’emploi des femmes, la décote de 20 % des salaires pour les postes d’exécution et de 25 % à 30 % pour les postes d’encadrement, les discriminations à l’embauche, à la promotion sociale comme devant la formation, sans parler des changements de poste intempestifs après un congé maternité ou du harcèlement moral, reconnu comme violence dans la proposition de loi qu’ont examinée nos collègues de l’Assemblée nationale.

Tant que nous n’aurons pas résolu ces questions, que nous n’aurons pas réellement pris la mesure de ces enjeux, la question de la « représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance » restera assez symbolique.

Pour autant, nos collègues du groupe socialiste ont raison de vouloir agir à la fois sur le cumul des mandats d’administrateur et sur la « diversité des instances dirigeantes des sociétés anonymes ».

Mme Nicole Bricq. C’est lié !

Mme Odette Terrade. D’autres pays l’ont fait et se retrouvent aujourd’hui, telle la Norvège, avec une proportion record de 42 % de femmes membres des conseils d’administration de grandes sociétés, de 27 %, en Suède, ou de 24 %, en Finlande.

Avec un taux de 10 %, notre pays se situe à peine dans la moyenne des vingt-sept pays de l’Union européenne et loin derrière les pays les plus avancés.

Un rapport de la Commission européenne, publié le 25 mars dernier, et que Mme le rapporteur a cité tout à l’heure, considère que « l’accroissement de la place des femmes dans les organes dirigeants des entreprises contribue à l’amélioration de leurs performances économiques ».

Le même rapport pointe, à partir des expériences étrangères, que seule l’intervention du législateur permet d’accélérer ce processus. Dès lors, comme pour la parité en politique, laisser faire le mouvement naturel et spontané de l’arrivée des femmes ne suffit pas !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Nous sommes d’accord !

Mme Odette Terrade. Vous avez indiqué, madame le rapporteur, que cette simple évolution nous ferait attendre jusqu’à 2075 !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Eh oui !

Mme Odette Terrade. Pouvons-nous laisser patienter ainsi plusieurs générations de femmes, nos filles, petites-filles et arrière-petites-filles ?

Face à ce constat, il est de notre responsabilité de législateur de créer les outils susceptibles de faire évoluer les choses.

Tout en regrettant de ne pouvoir aller plus loin dans l’examen de cette proposition de loi, nous ne pouvons que répéter qu’il y a urgence à lutter contre l’ensemble des discriminations dont souffrent les femmes dans la vie professionnelle, qu’il s’agisse de la rémunération qu’elles perçoivent ou des fonctions et responsabilités qui leur sont confiées.

Nous déplorons donc vivement que la commission des lois concoure, une nouvelle fois, en présentant une motion tendant au renvoi en commission, au report de l’examen de ces questions pourtant urgentes et essentielles…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Pas du tout ! Nous lançons des auditions !

Mme Odette Terrade. … non seulement pour les femmes, mais également pour l’ensemble de notre société.

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