Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Marché vitivinicole

Par / 21 novembre 2007

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est de rares occasions où les sénatrices et les sénateurs savent mettre leur énergie en commun afin de s’élever contre les graves atteintes de la politique libérale menée par la commission européenne.

La cause du Vin - avec un grand V - a su réunir nos forces.

Il faut dire que l’objectif de la réforme de l’OCM est d’introduire dans l’Union européenne un modèle vitivinicole industriel et productiviste, accompagné de techniques oenologiques correctives, et même reconstructives, qui contredisent largement l’exigence de qualité et de diversité des vins européens.

Ainsi, sous couvert de satisfaire les goûts des consommateurs et de mettre un terme à la crise vitivinicole, les instances européennes proposent de démanteler les dispositifs de régulation du marché et de libéraliser les pratiques oenologiques, afin de fabriquer un vin de masse, standardisé, sans identification géographique.

Le règlement communautaire est d’une étonnante clarté quant aux intentions de la Commission. Ainsi, le paradoxe, souligné par tous, qui tient à la poursuite de la politique d’arrachage, avec un système d’aides dégressif, au moment même où l’on envisage la libéralisation des droits de plantation à l’horizon 2013, répond, en réalité, à une logique effroyable.

Le dogme de la compétitivité s’impose à nos viticulteurs, alors que la qualité des vins, le savoir-faire et le lien entre le vin et son terroir - en un mot, tout ce qui a permis à nos vins de bénéficier d’une forte valeur ajoutée - se trouvent balayés d’un revers de main.

L’objectif de l’Union européenne est de sortir du marché à moindre coût, « dans la dignité », ceux qui ne sont pas compétitifs, et de permettre aux autres d’augmenter encore leurs surfaces de production vinicoles et leurs rendements.

Et ce n’est pas l’arrachage de 200 000 hectares de vignes, au lieu des 400 000 initialement annoncés, présenté par Marianne Fischer Boel comme un recul de Bruxelles, qui changera quoi que ce soit à cette réalité.

La réduction du potentiel de production constitue, en effet, une question délicate. Estimé à plus de deux millions d’hectolitres par an d’ici à 2010, le marché mondial du vin est porteur. Une politique d’arrachage systématique, considérée comme le dernier recours pour des viticulteurs exsangues qui n’auraient pas d’autre choix, risque donc de représenter une véritable démission face à la concurrence mondiale.

Ainsi, Mme Pascale Oriol, la directrice d’une fédération départementale de caves coopératives, expliquait : « Il faut être lucide. Les viticulteurs entament leur troisième année sans revenus ».

Le coût direct de cette politique représente plus de un milliard d’euros de fonds communautaires, sans parler des conséquences économiques, sociales, territoriales ou même environnementales induites. Quand ils auront touché leurs subventions et que leur potentiel de production aura diminué, que restera-t-il aux viticulteurs ? Aucune mesure d’accompagnement sur le long terme n’est prévue !

Alors que quasiment tous les vignobles du monde se développent, ceux des pays européens se sont réduits en 2006. En passant à 51,7 millions d’hectolitres prévus en 2006, contre 52,1 millions d’hectolitres produits en 2005, la France est le pays européen qui a le plus diminué sa production de vin.

Or, la consommation de vin dans le monde, notamment en Europe du Nord et dans les nouveaux États membres de l’Union européenne, a crû de 1,4 % en 2006, ce qui pose sérieusement la question d’une éventuelle sous-production d’ici à dix ans - je constate, d’ailleurs, que nous sommes unanimes à percevoir ce danger, devenu depuis peu une réalité pour des productions qui connaissaient des excédents voilà quelques années.

Toutefois, si le risque de sous-production ne doit pas être négligé, il serait désastreux pour l’environnement et les cours du vin de tomber dans l’excès inverse et de libéraliser les droits de plantation.

Dans sa proposition de résolution, la commission des affaires économiques prend très clairement position sur ces questions, et nous espérons que le Gouvernement français sera intransigeant s’agissant de la libéralisation des droits de plantation.

Dans son projet de règlement, la Commission européenne propose également de supprimer la quasi-totalité des outils de gestion du marché. Ainsi, les aides à la distillation des sous-produits viniques, qui visent à favoriser la qualité du vin en évitant le sur-pressage et à préserver l’environnement en assurant l’élimination de sous-produits très polluants, les aides à la production d’alcool de bouche et à la distillation des vins issus de variétés à double classement, les aides au stockage privé, ainsi que les restitutions à l’exportation ne seraient pas maintenues.

Nous approuvons la proposition de résolution de la commission des affaires économiques, qui estime nécessaire de conserver un dispositif de crise obligatoire. En effet, si les outils de gestion n’ont pas toujours fait preuve d’une efficacité structurelle, ils ont permis à de nombreux producteurs de traverser les crises.

En ce qui concerne la libéralisation des pratiques oenologiques, la Commission a toujours pour objectif d’aligner nos productions sur les pratiques viticoles et commerciales extracommunautaires, même si elle a dû abandonner en cours de route sa vieille idée qui consistait à autoriser les importations de moûts destinés à la vinification et l’assemblage de vins de l’Union européenne et de vins importés.

Pour les vins destinés à l’exportation, les restrictions applicables pour les pratiques oenologiques sont celles qui sont reconnues par l’Organisation internationale de la vigne et du vin, OIV. Si la référence qui est faite à cette organisation est plus rassurante qu’un renvoi à l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, il est important de noter que, même au sein de l’OIV, les exigences en matière de pratiques oenologiques ont été dangereusement revues à la baisse.

Toutefois, nous nous réjouissons de l’abandon du projet imaginé initialement, aux termes duquel les vins destinés à l’exportation auraient pu être fabriqués conformément aux pratiques oenologiques applicables dans le pays de destination.

S’agissant de cette dérogation pour les vins à l’exportation, nous restons très sceptiques, car nous craignons certains abus, des fraudes et, plus tard, la légalisation de fait de pratiques jusque là interdites.

Cela dit, il semblerait qu’une partie du monde viticole y soit favorable, notamment pour vendre à l’étranger un certain type de produits de moindre qualité.

Dès lors, il est fondamental, selon nous, que la dénomination « Vin » soit réservée aux produits issus de la fermentation de raisins frais et de moûts frais, respectant les pratiques oenologiques traditionnelles reconnues à l’échelle communautaire.

Pour promouvoir nos vins à l’échelon international, il est important d’interdire la vente de produits fabriqués sans contrainte, de manière industrielle et sous le même nom que des vins réalisés de manière classique.

Par ce biais, on pourrait anticiper certaines des difficultés qui ne manqueront pas de surgir avec les vins de fruits, les vins intercontinentaux, les assemblages de vins fractionnels et les vins aromatisés.

Nous avions déposé un amendement en ce sens en commission, mais nous ne l’avons pas maintenu, dans la mesure où il existe aujourd’hui une définition du vin dont nous tâcherons de faire en sorte qu’elle joue pleinement son rôle dans le règlement de ces difficultés.

M. Gérard César, rapporteur. C’est vrai !

M. Gérard Le Cam. En ce qui concerne l’interdiction de la chaptalisation, il est très difficile de prohiber l’ajout de sucre de canne ou de betterave dans le vin, qui constitue une pratique très ancienne, très répandue dans les vignobles du Nord et très difficile à contrôler. Néanmoins, il est essentiel de maintenir l’aide aux viticulteurs qui utilisent les moûts de raisins concentrés.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Gérard Le Cam. Enfin, la question de la détermination des pratiques oenologiques et de l’étiquetage doit relever de la compétence du Conseil européen.

En ce sens, nous nous félicitons que la commission des affaires économiques ait repris notre amendement visant à affirmer notre opposition à tout transfert de compétence. En effet, celui-ci reviendrait à abandonner entièrement ces questions à la Commission, qui disposerait alors d’un pouvoir d’initiative, d’élaboration des textes et de décision !

En conclusion, la réforme que propose la Commission dans son projet de règlement est dangereuse pour nos vignobles et nos vignerons. Ces derniers sont frappés par la crise vitivinicole et, pour certains d’entre eux, par la baisse chronique de leurs revenus. Or ces problèmes ne seront pas réglés par la promotion d’une viticulture de masse standardisée et concentrée dans quelques grandes exploitations, au contraire.

Il sera malheureusement très difficile pour la France de faire entendre sa voix face à une Commission européenne résolue et dévastatrice. Toutefois, qu’un consensus ait été trouvé au Sénat sur la nécessité de résister à cette politique nous rend optimistes quant à la défense d’une viticulture classique et de qualité.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vin est le produit d’une longue histoire et de nombreux savoir-faire. Il est habité par son lieu de production, il comporte une forte dimension intergénérationnelle et possède un pouvoir de sociabilité. C’est pourquoi nous ne devons pas accepter la disparition de ce produit et des centaines de milliers d’exploitations qui lui donnent sa richesse et sa diversité.

Il suffit d’écouter Baudelaire faire chanter « L’âme du vin » pour le comprendre :

« Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,

De peine, de sueur et de soleil cuisant

Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme ;

Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant ».

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