Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Modernisation de l’économie : question préalable

Par / 30 juin 2008

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

L’exposé des motifs du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui illustre parfaitement l’usage fait par le discours gouvernemental de la notion de modernité.
En effet, il est intéressant de constater le nombre de projets de loi gouvernementaux censés moderniser la France : que ce soit lles institutions, l’économie, ou encore le marché du travail ...

Pourtant, en guise de modernisation, nous constatons qu’il s’agit en réalité d’un net recul démocratique et social, et également économique.
Mais qu’importe, ces reculs sont considérés par votre gouvernement d’une grande modernité et ils permettront, selon vous, d’ancrer la croissance.
Ainsi, selon l’exposé des motifs, « le présent projet de loi a pour ambition de stimuler la croissance et les énergies, en levant les blocages structurels et réglementaires que connaît l’économie de notre pays. Pour ce faire, il faut à la France à la fois plus d’entreprises et plus de concurrence. »
Il s’agit donc de toujours plus de déréglementation, de toujours plus de concurrence. Rien de bien nouveau.

Pourtant, ce projet de loi permettrait, encore selon l’exposé lyrique des motifs de « faire souffler un vent de liberté et de concurrence sur notre économie, au bénéfice de la croissance et de l’emploi »
Depuis le début de la législature en cours, le Gouvernement tente, régulièrement, avec constance et détermination, de prendre toutes dispositions pour stimuler la croissance, pour faire en sorte que les points de croissance qui nous manqueraient, pour atteindre le progrès et le plein emploi, soient au rendez vous.
A dire vrai, cette loi dite de modernisation de l’économie n’est pas la première à afficher cette intention.
La loi TEPA, en son temps, devait, elle aussi, permettre la relance de l’activité économique et de la croissance.
Elle affichait d’ailleurs une orientation courageuse en précisant, dans son propre exposé des motifs.

La relance de l’économie passe en priorité par la réhabilitation du travail comme valeur, comme outil d’amélioration du pouvoir d’achat et comme instrument de lutte contre le chômage. Cet objectif suppose de lutter contre la pauvreté au travail.
Et la suite prouva que loin de ces déclarations d’intentions, la réalité était toute autre.
Car, enfin, Madame la Ministre, en toute objectivité, que constate on ?
Dois-je vous rappeler que les seules mesures de la loi TEPA qui aient trouvé une pleine application soient uniquement, je dis bien uniquement, les mesures d’allégement sensible de la fiscalité des patrimoines, qu’il s’agisse de la réduction des droits perçus sur les donations ou de l’optimisation d’un impôt de solidarité sur la fortune que certains souhaitent d’ailleurs aujourd’hui supprimer ?
Où est passée la réhabilitation du travail quand vous ne donnez ce 1er juillet aucun coup de pouce au SMIC, malgré la hausse continue des prix à la consommation, quand vous vous apprêtez à mettre en cause ce progrès essentiel qu’est la réduction du temps de travail en favorisant le retour à des horaires atypiques et manifestement excessifs, avec votre projet de loi de rénovation de la démocratie sociale et de réforme du temps de travail ?

Où est la réhabilitation du travail quand n’importe quel emploi précaire ou saisonnier va devenir, selon la terminologie en vigueur, une ‘ offre raisonnable d’emploi ‘ qu’il faudra accepter sous peine de subir l’inexorable réduction de ses allocations de chômage ?
Le chômage, parlons en !
Le Gouvernement se répand depuis plusieurs mois sur une baisse du nombre des chômeurs qui serait d’une ampleur inégalée et qui appelle, pourtant, ne vous en déplaise, bien des observations.
Ne serait ce que parce que le nombre de chômeurs officiellement annoncé n’est que celui des chômeurs de catégorie 1...

Et s’il fallait donner les vrais chiffres du chômage, il faudrait dès lors, Madame la Ministre, faire état des chômeurs de toutes les catégories répertoriées par l’ASSEDIC, à commencer par les dispensés de recherche d’emploi ( les fameux seniors qu’on jette de force dans l’inactivité parce que les payer au juste prix de leur expérience et de leurs qualifications devient trop cher ), les RMIstes ou encore les chômeurs Outre Mer dont la seule totalisation avec le chiffre publié tous les mois ferait que celui-ci dépasserait cette barre assez symbolique des deux millions de privés d’emploi.
Mais, ces vrais chiffres, je vais vous les donner.

Selon l’ASSEDIC, source officielle et incontestable, fin avril 2008, notre pays comptait 3 391 680 demandeurs d’emploi, dont près d’un million 400 000 sans indemnisation et moins de 48 % bénéficiaires d’une allocation au titre du régime conventionnel.
Pour ne rien arranger dans cette affaire, le nombre de privés d’emploi indemnisés est en réduction constante depuis le printemps 2007.
Voilà pour la réalité des faits, sachant qu’une part importante des chômeurs indemnisés ne bénéficie que du minimum, c’est-à-dire du régime de solidarité.
Ils sont ainsi plus de 400 000 dans notre pays !
Pour la réhabilitation du travail, nous repasserons et d’ailleurs, vous persévérez avec ce texte puisqu’entre autres solutions, il suffira d’être auto entrepreneur pour que tout s’arrange...

Rappelons encore les termes de l’exposé des motifs du présent projet de loi.
On nous parle de lever les blocages structurels et réglementaires que connaît l’économie de notre pays. Pour ce faire, il faut à la France à la fois plus d’entreprises et plus de concurrence.
Ainsi, subrepticement, la réhabilitation du travail vient de faire place à l’accentuation de la concurrence libre et non faussée.
Plus d’entreprises ?
Curieusement, notre pays a connu en 2007 une première : on y a créé plus d’entreprises que d’emplois.
Cette situation inédite montre apparemment que, malgré les blocages législatifs et réglementaires dont on nous rabat les oreilles, l’esprit d’entreprise ne se porte pas si mal.

En effet, rien n’empêche qui que ce soit, sur un même site, de donner une raison sociale spécifique au propriétaire des locaux destinés à la production de biens ou de services, une autre à la société utilisant les véhicules du groupe, acquis par crédit bail, une troisième au fonds d’investissement des cadres dirigeants, une quatrième aux services de nettoyage et de gardiennage des installations, une cinquième aux services commerciaux, une sixième au pôle administratif qu’on peut ensuite mettre en commun et une septième, enfin, à l’entreprise assurant la production de biens ou de services et employant l’essentiel des salariés !
C’est ainsi que nombre de nos groupes se sont restructurés ces trente dernières années, et ont procédé à des cantonnements juridiques ad hoc, créant au passage des flux financiers entre entités différentes, source de bien des avantages fiscaux...
Au demeurant, la création d’entreprises est une réalité concrète et constante.
Des groupes comme Leclerc, Mac Donald’s ou Carrefour, pour ne citer que quelques exemples bien connus, mettent en œuvre le développement de leur zone de chalandise en usant et abusant des possibilités multiples offertes par l’innovation juridique, le franchisage et la séparation des éléments de structuration du groupe.
On crée des PME destinés à l’exploitation des magasins utilisant l’enseigne qui se contentent, en fait, de vivre de l’existence même de leur nom commercial et surtout, des avantages comparatifs et des économies d’échelle liés à leur adossement à une centrale d’achat.

Comment ne pas relever que cette faculté d’adaptation a largement impacté de nombreux secteurs de la distribution, notamment en matière de ventes de produits textiles, mais aussi de chaussures, de produits de boulangerie et de viennoiserie ou encore, dans d’autres domaines de l’optique et de l’ameublement, par exemple ?
Les fameuses rigidités dont notre droit serait empli et qui empêcheraient le plein essor de l’esprit d’entreprise n’existent que dans l’imagination de tous ceux qui veulent, en réalité, assurer encore plus leur position dominante.
Car, dans les faits, ces innovations juridiques conduisent immanquablement aux mêmes résultats : si la logique interne et la profitabilité demeurent celles de groupes fortement constitués, en tirant parti d’économies d’échelle conséquentes, les relations sociales dans ces entreprises demeurent celles de PME, avec des établissements transformés en vastes champs d’expérimentation des horaires de travail atypiques, des bas salaires, du temps partiel imposé, sans oublier, bien entendu, la répression anti syndicale, le harcèlement moral ou encore la négation des droits à la formation et à la promotion !
Votre loi ne propose donc rien de nouveau, si ce n’est peut être d’en faire encore plus en la matière !

Quant au vent nouveau, porté par une concurrence libre et non faussée qui serait l’universelle panacée de tous les maux du pays, qu’en est-il exactement ?
A la lecture de bien des dispositions, on se perdrait presque à retrouver, au fil de certains articles obligeamment arrangés, la trace des attentes de tel ou tel groupe, de tel ou tel commanditaire précis.
Cette loi de modernisation de l’économie pourrait changer de titre : s’appeler loi Lidl, Leclerc, Carrefour, Auchan, Numéricâble, Bouygues, Lagardère, ING Direct, Bolloré, que sais-je encore ?
Que viennent faire en effet dans une loi de portée économique des dispositions aussi directement profitables à certains intérêts particuliers que cette disposition qui permet à Bouygues de tirer parti des investissements des autres pour développer son réseau, à Numéricable de s’assurer un quasi monopole sur le développement de l’Internet haut débit, à Lagardère de pouvoir développer son empire audiovisuel sans risque, et aux géants de la distribution d’intégrer définitivement, comme on s’y apprête, les marges arrière dans les conditions générales de vente ?
Ainsi, nous n’aurons pas plus de concurrence, Madame la Ministre, nous aurons plus de profits, toujours plus de profits, pour le plus grand bonheur des assemblées d’actionnaires.

L’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen indique :
« La Loi est l’expression de la volonté générale. »
Or, nous sommes, avec ce texte, face à une telle accumulation de dispositions défendant des intérêts particuliers que nous pouvons nous demander quelle est leur validité de ce point de vue.
Ce n’est pas la volonté générale qui est ici défendue, c’est celle d’une République confisquée.
Cette République dont on fait aujourd’hui étalage pour vendre les centrales nucléaires fabriquées par l’entreprise dont souhaite profiter le même groupe qui veut valoriser son empire audiovisuel grâce à une possible augmentation des recettes publicitaires qu’il sera habilité à percevoir !

Cette République qu’on galvaude et qui déroule le tapis rouge pour quelques dirigeants économiques nord américains ou quelques artistes bien en cour tandis qu’on fait du chiffre à renvoyer chez eux les travailleurs immigrés sans papiers qu’on a fait trimé depuis des années dans nos restaurants, nos entreprises de nettoyage, sur nos chantiers !
Cette République où l’on détruit peu à peu le service public, où l’on privatise à tour de bras, et où la fiscalité, plutôt que de participer à la juste allocation des richesses créées par le travail, devient un outil d’accroissement du revenu des plus aisés et des profits des plus grandes entreprises !

Votre enthousiasme, Madame la Ministre, quand vous avez annoncé que la croissance 2007 dépassait de 0,2 ou 0,3 % les prévisions initiales, n’est pas partagé par la population de notre pays.
A l’angoisse du lendemain, à la hausse des prix, à la pression constante sur les salaires que votre politique archaïque de soutien aux heures supplémentaires encourage, aux plans sociaux qui se succèdent, aux mises en cause de la qualité de la protection sociale, qu’offrez vous avec ce texte ?

Une série de dispositions toutes plus libérales les unes que les autres, en tout cas en apparence, destinées pour les plus significatives à servir les intérêts de quelques groupes clairement identifiés, en tout cas rien qui ne soit moderne !
Faisons donc, en adoptant cette question préalable, l’économie de cette modernité là !

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