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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Modification du statut d’EDF-GDF : motion de renvoi en commission

Par / 5 juillet 2004

par Roland Muzeau

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,

Rarement une motion de renvoi en commission n’aura été aussi fondée.
La forme du débat que nous entamons aujourd’hui est elle-même inacceptable.
En effet, alors que le texte a été adopté la semaine dernière, le 29 juin, par l’Assemblée Nationale, le rapport sénatorial a été examiné dès le lendemain matin.
Cette précipitation qui devient malheureusement coutumière, n’a pas permis d’examiner sérieusement l’ensemble des questions et de fonder l’élaboration collective du rapport sur une première confrontation des idées.
Je me permets d’ailleurs d’attirer l’attention de la Présidence du Sénat sur une lente dérive du travail en Commission.

La surcharge législative explique sans doute le travail de plus en plus solitaire des Rapporteurs, mais cette surcharge n’explique pas seule la suppression des auditions en séances plénières des associations, syndicats, personnalités, dirigeants.

La surcharge a bon dos. Ce prétexte, car c’est de cela dont il s’agit, permet d’éviter la pleine information de notre assemblée et l’accélération par là même, de l’adoption de textes qui, par leur dogmatisme ultralibéral, mettent en cause la structure même de notre société.
L’habitude est aujourd’hui prise que le Rapporteur auditionne seul, sans compte rendu public.

Il faut mettre un terme à une telle pratique qui nuit au travail parlementaire. J’insiste d’autant plus sur ce point que nombreux sont ceux qui souhaitent renforcer le travail en commission au détriment de la séance publique, idée que nous combattons.
La précipitation du débat, la période choisie, ne permettent pas de légiférer dans des conditions dignes.
Une nouvelle fois, je tiens à dénoncer solennellement l’utilisation abusive de la session extraordinaire.
La session unique a été instaurée en 1995 pour permettre d’améliorer la qualité du travail législatif pour renforcer les moyens de contrôle du Parlement sur l’activité gouvernementale.

Nous assistons à un véritable détournement du sens de la Constitution. La session extraordinaire devient ordinaire puisque depuis trois ans, elle est utilisée pour permettre d’adopter à l’abri des regards et de l’écoute populaire des textes aussi essentiels que celui sur les retraites en 2003, et cette année, outre celui qui nous intéresse aujourd’hui, la décentralisation libérale et bien sûr, le projet de loi relatif à l’Assurance maladie, sans oublier la dernière étape de la privatisation d’Air France.
M. le Rapporteur, M. le Président de la Commission, pour revenir à la préparation du débat relatif au statut d’EDF-GDF, est-il convenable de ne pas avoir procédé à l’audition de M. le Ministre de l’Economie et des Finances, M. SARKOZY, alors que les quelques jours de débats à l’Assemblée Nationale ont été pour lui l’occasion d’un jeu d’annonces peu compatible avec la tenue d’un débat contradictoire qui, pour être intéressant et productif, doit s’appuyer sur une distribution honnête des cartes.

N’aurait-il pas été nécessaire, à la suite du débat à l’Assemblée Nationale, de connaître, précisément, l’avis du Ministre sur le devenir des propositions qu’il a émises quant à l’ouverture du capital, son niveau ou sa mise en œuvre.
Le projet de loi évoque 50% d’ouverture du capital. Le Ministre a proposé de maintenir à 70% la participation publique et a même indiqué qu’il n’y avait pas urgence pour l’Etat de concéder la moindre part, évoquant même le maintien d’un capital à 100% public durant un an et même peut-être durant plusieurs années.
On a pu lire, de ci de là, que cette proposition n’agréait ni au Président d’EDF, ni à celui de GDF. Pourquoi ne pas les avoir auditionné sur ce point ?
L’économiste François MORIN commentait dans un quotidien du 16 juin ces propositions ministérielles :
« Le Ministre de l’Economie n’a pas cessé de faire des concessions sur la part qui pourrait rester aux capitaux privés : 34% puis 30%, aujourd’hui : 0%. Est-ce là un vrai problème ? Une fois la loi votée, un simple décret suffira pour introduire une part de capitaux privés et ensuite l’augmenter. »
Ces propos sont frappés de bon sens. Sans même a priori mettre en doute la parole de M. SARKOZY, peut-il engager ses éventuels successeurs, car il y en aura bien un jour ?

Les conditions de l’annonce du report de l’ouverture du capital à 2005 ne nous rassurent pas. Quelques heures après cette annonce, il a été indiqué que de toute manière, la privatisation immédiate était impossible avant un an.
Cette question de la privatisation ne doit pas, selon nous, être l’objet d’une négociation. Le statut d’EDF-GDF doit rester public et rien ne s’y oppose.
Le travail de la Commission n’a pas été poussé sur ce point. Mis à part le dogmatisme étroit que j’évoquais il y a un instant, quelle était la nature de l’obligation d’ouverture du capital ?

M. SARKOZY n’a cessé de pointer du doigt la responsable : l’Europe. C’est cette dernière qui contraindrait le gouvernement à casser le statut public.
M. le Rapporteur, pourquoi n’avez-vous pas procédé à l’audition publique de M. MONTI et de Mme de PALLACIO, Commissaires, le premier chargé de la concurrence et la seconde de l’énergie.
Ces auditions étaient à mon sens indispensables après le débat à l’Assemblée Nationale.
M. MONTI a plusieurs fois indiqué que le choix du changement de statut incombait au gouvernement français.

Le 10 juin 2003, auditionné par la commission d’enquête sur la gestion des entreprises publiques, présidée à l’Assemblée Nationale par M. DOUSTE-BLAZY, il précisait : « L’Etat pourrait continuer sous certaines conditions, à octroyer sa garantie financière à une entreprise publique. » « Nous réclamons uniquement l’élimination de la garantie illimitée de l’Etat » indiquait-il.
Enfonçant le clou, M. MONTI, dans un courrier adressé le 29 janvier 2004 à François IMBRECHT, Secrétaire de la Fédération de l’Energie CGT : « Le gouvernement aurait pu avoir recours à d’autres moyens pour soumettre EDF à la législation sur le redressement et la liquidation judiciaire. »

Le gouvernement, vous, M. le Rapporteur, pouvez-vous dire clairement que l’un des objectifs essentiels du changement de statut d’EDF-GDF, de l’harmonisation européenne est de pouvoir mettre un jour EDF-GDF en faillite, ce qui n’est évidemment pas possible avec le statut public ?
Est-ce cela la modernité, la voie du progrès, l’ambition pour la France dont on se prévaut ici et là, permettre d’envisager la mise en faillite d’un patrimoine historique comme EDF-GDF ?

Nous ne rentrons pas dans le domaine de l’irrationnel ou du fantasme. L’actionnariat, la loi du marché sans le moindre frein peut dévaster des acquis formidables. Le seul exemple des fonds de pension américains peut nous faire craindre le pire.
Pourquoi le gouvernement français pousse-t-il plus loin les feux du libéralisme que le Commissaire à la concurrence européen lui-même ?
Cette simple question aurait mérité un long débat en Commission. Il n’a pas eu lieu. Cela est d’autant plus regrettable que Mme de PALLACIO, Commissaire à l’Energie, a volé au secours de M. SARKOZY, avec des déclarations tonitruantes et pour le moins caricaturales.

Ce membre du PPE de M. AZNAR : « La Commission européenne a demandé à l’Etat français de retirer son statut d’établissement public car, a-t-elle précisé, elles ne peuvent pas bénéficier de la garantie de l’Etat. »
Ne serait-il pas nécessaire, M. le Rapporteur, avant de poursuivre nos débats, de permettre à ces deux commissaires européens d’accorder leurs violons ? L’enjeu est trop lourd pour être fondé sur u ne incertitude ou sur une interprétation.
Mme de PALLACIO n’en est pas restée là, puisqu’elle a donné son verdict : « EDF doit devenir une entreprise comme Renault. »

Sans mépris aucun pour l’industrie automobile, Mme de PALLACIO estime-t-elle que l’on construit des automobiles comme des centrales nucléaires ?
Par ailleurs, notre très libérale commissaire appelle-t-elle de ses vœux un « Vilvorde » de l’énergie ?
Alors que vous consacrez les premières pages de votre texte, M. le Rapporteur, au marché européen de l’énergie, n’aurait-il pas été utile de procéder à ces deux auditions ?

Tout de même, le fait de savoir si le changement de statut était une obligation supranationale n’est pas secondaire !
Par ailleurs, pourquoi, M. le Rapporteur, avoir refusé une audition publique des organisations professionnelles, salariés et patronat ?
Il aurait été intéressant de connaître le point de vue de ces derniers, inquiets d’une augmentation sensible des prix avec la concurrence qui n’aurait donc pas toutes les vertues qu’on lui prête.

Sur cette question des augmentations, n’aurait-il pas été intéressant d’auditionner les auteurs d’une note interne d’EDF-GDF qui annonce une hausse de 15 à 20% avec l’ouverture du marché ? De même, n’aurait-il pas été intéressant de recevoir les dirigeants de grandes entreprises déjà soumises à la concurrence, comme M. GALLOIS pour la SNCF et Mme IDRAC pour la RATP, qui soulignent des hausses de 50% de l’électricité, répercutées évidemment sur les usagers et font connaître leurs graves inquiétudes.

Enfin, et c’est sans doute le comble, ni M. ROUSSELY pour EDF, ni M. GADENNEIX pour GDF, n’ont été conviés pour éclairer l’ensemble de la Commission sur leur analyse de la situation après la première lecture à l’Assemblée Nationale. Peut-être aurait-il été intéressant d’interroger M. ROUSSELY sur sa conception des libertés syndicales ?
Pour ma part, je trouve surprenant, voire effarant, le silence du rapport sur le mouvement social dans l’entreprise. Cette conception de l’entreprise met en danger l’avenir d’EDF-GDF qui, justement, est fondé sur une grande solidarité sur une communion entre les établissements et les agents.

Enfin, M. le Rapporteur, alors qu’un important rapport sur l’idée même de fusion des deux établissements EDF et GDF a été demandé par M. SARKOZY lui-même, n’aurait-il pas été judicieux d’atteindre le résultat de cette étude plutôt que de légiférer dans une telle précipitation ?

Ces quelques mots mettent en exergue le choix du saut dans l’inconnu ou plutôt dans la jungle d’un capitalisme « libéré », alors que l’intérêt général, l’intérêt des salariés et des usagers, de notre peuple, nécessitait d’examiner toute les solutions pour préserver la propriété publique, de la collectivité, dans un monde hostile.
En conséquence de quoi, chers collègues, avec cette motion de renvoi en commission, je vous invite à vous ressaisir et à créer enfin les conditions de la préservation d’EDF-GDF, entreprise publique, qui fait l’honneur de notre pays.

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