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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Opérations spatiales

Par / 16 janvier 2008

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour discuter du projet de loi déposé par M. Gilles de Robien, alors ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Ce projet de loi, dont on se demandait depuis quelques mois quand il viendrait en discussion, permet en quelque sorte de répondre aux changements brusques de l’ordre du jour parlementaire troublé par la cacophonie gouvernementale. Il est fort dommage que l’examen de ce texte intervienne dans un tel contexte, qui tend à minimiser son importance et à le faire apparaître comme le simple remplaçant du texte sur les organismes génétiquement modifiés.

En effet, selon nous, les opérations spatiales, même dans la limite des dispositions du projet de loi, constituent un sujet suffisamment complexe et important pour ne pas être traitées dans des délais si raccourcis. Je veux parler ici de l’examen du rapport la veille en commission et de l’absence de consultation de la commission des lois et de la commission des affaires culturelles, dont les avis auraient certainement été précieux au regard des domaines concernés : régime d’autorisation, responsabilité, propriété intellectuelle.

Bien sûr, nous avions à notre disposition un certain nombre de documents intéressant ces questions, comme le récent rapport de la section du rapport et des études de notre haute juridiction administrative ou encore les actes du colloque organisé par la Société française pour le droit international relatif au droit de l’espace et à la privatisation des activités spatiales.

Enfin, on ne peut que saluer le rapport de notre collègue Henri Revol Politique spatiale : l’audace ou le déclin intéressant plus directement la commission des affaires économiques.

Ce document de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques montre d’ailleurs l’urgence qu’il y a pour notre pays à prendre des décisions d’ampleur afin que la France demeure l’une des premières puissances spatiales européennes.

Dans un contexte international d’accélération où les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde, le Japon augmentent fortement leurs investissements spatiaux et où les derniers entrants confirment leurs compétences et leurs ambitions en la matière, la France et l’Europe doivent être en mesure de répondre à ces changements.

Or, comme vous l’avez écrit dans le rapport précité, monsieur le rapporteur, en cumulant les efforts nationaux et mutualisés, l’Europe investit quatre fois moins que les États-Unis dans le spatial civil et vingt fois moins dans le spatial militaire.

De plus, l’industrie spatiale européenne subit depuis 2001 - je vous cite - « une cure d’austérité profonde, avec un recul de 20 % de son chiffre d’affaires consolidé entre 2001 et 2005, et une diminution de 16 % de ses effectifs. »

Pourtant, les enjeux sont de taille : enjeux scientifiques, militaires, économiques avec, en objectif ultime, la nouvelle étape des vols habités. Le soutien public à la politique spatiale doit être renforcé.

En effet, si certaines activités deviennent rentables et sont investies par le privé, une grande partie des activités européennes spatiales souffrent de leurs insuffisances en termes de capacités de R&D et de rentabilité. Une ample loi de programmation spatiale sera sans doute nécessaire pour qu’un débat d’ampleur sur la politique spatiale puisse avoir lieu.

Aujourd’hui, le projet de loi qui nous est soumis traduit dans l’ordre interne les obligations issues du droit international régissant les activités spatiales.

Ce projet de loi tire les conséquences de l’émergence depuis plusieurs années de véritables activités commerciales et privées, notamment dans le domaine de la télévision, des télécommunications, des satellites, de l’imagerie par satellites, de la télédétection, l’activité de lancement elle-même tentant certains opérateurs privés.

Sur le plan juridique, cette évolution pose plusieurs problèmes. En effet, la libéralisation de ce secteur, même si elle connaît des limites tenant aux spécificités du droit de l’espace, constitue un mouvement irréversible prenant place dans le contexte de la mondialisation que nous ne pouvons plus ignorer.

Pour l’essentiel, il s’agit non plus de considérer la souveraineté ou non de l’État, de garantir la liberté d’action ou le principe de non-appropriation, ou encore de limiter les activités militaires, mais bien de réglementer et de contrôler les activités privées susmentionnées, même lorsqu’elles s’exercent dans un espace non soumis à la compétence territoriale d’un État.

Dans ce cadre, il était nécessaire que le droit français apporte un certain nombre de réponses.

Ainsi, le projet de loi institue un régime d’autorisation des opérations spatiales qui confie au Centre national d’études spatiales le contrôle de conformité technique des opérations. Au regard de l’importance de cette mission, il est essentiel que l’organe compétent apporte toutes les garanties en termes d’indépendance et de connaissance, ce qui est le cas en l’espèce. Cependant, nous espérons qu’il disposera des moyens humains et financiers nécessaires à l’exercice serein de cette mission.

Étant donné que les critères d’octroi de l’autorisation sont certainement très techniques, le Gouvernement, en renvoyant leur détermination à un décret, nous évite très généreusement le constat de notre incompétence. La question reste entière de savoir quelle sera l’autorité administrative compétente, mais les discussions seront sans doute l’occasion d’y revenir.

En ce qui concerne l’immatriculation des objets spatiaux lancés, nous ne trouvons pas à redire dans la mesure où il s’agit ici de tenir compte de la convention de 1975 sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique.

Cette convention prévoit que l’État de lancement immatricule l’objet spatial, ce qui est normal, puisque le but est de faire connaître l’État de lancement responsable à d’éventuelles victimes. Ce texte exige des États concernés qu’ils mettent toute information pertinente à la disposition de l’ONU, plus particulièrement de son bureau des affaires spatiales, qui est chargé d’établir un registre. Cela sera sans doute facilité par la tenue d’un registre national.

La France doit également avoir à l’esprit que l’immatriculation a une autre conséquence puisque l’État d’immatriculation conserve sous sa juridiction et sous son contrôle l’objet et son personnel.

Ainsi l’État, même s’il n’a plus de rapport avec l’activité d’un satellite immatriculé chez lui, reste responsable des dommages qu’il pourrait causer. Le projet de loi prévoit naturellement aussi un certain nombre de sanctions administratives et pénales en cas de non-respect des obligations posées par le présent texte. Il traite des données d’origine spatiale ainsi que du régime de propriété intellectuelle applicable aux objets spatiaux placés sous la juridiction de la France.

Cet article trouve naturellement sa limite dans le beau principe fixé par le traité fondateur de 1967, qui précisait que « l’exploration et l’utilisation des espaces extra-atmosphériques [...] sont l’apanage de l’humanité tout entière ».

Cela étant dit, je voudrais maintenant aborder plus en détail la question de la responsabilité.

En contrepartie de la liberté d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique reconnue dès 1963 par les États non spatiaux aux États capables de l’utiliser, le traité de 1967 et la convention de 1972 établissent un régime de responsabilité objective pour dommage sur terre et de responsabilité pour faute pour un dommage dans l’espace. Que l’activité soit publique ou privée, c’est l’État qui est responsable.

En ce qui concerne, plus spécialement, la responsabilité à l’égard des tiers, le chapitre Ier dispose que tout opérateur est responsable de plein droit des dommages causés aux tiers. Peut-être la précision des lieux n’était-elle pas nécessaire dès lors que l’on visait les tiers et que la règle était posée par le droit interne.

Cette responsabilité absolue est une bonne chose dans la mesure où elle dispense les victimes de prouver l’existence d’un lien entre l’objet spatial et le dommage et de démontrer qu’il y a eu un comportement fautif ou inadéquat de la part de l’opérateur de lancement.

Le projet de loi s’inscrit dans cette veine, réserve faite de la preuve de la faute de la victime. Ce faisant, l’article 6 impose très judicieusement, assurant ainsi en partie la solvabilité des responsables, que tout opérateur soumis à autorisation a et maintient pendant toute la durée de l’opération une assurance ou une autre garantie financière agréée par l’autorité compétente.

Les activités spatiales sont récentes, restent complexes et assez aléatoires, même si l’aléa a eu tendance à s’amenuiser au fil des ans. C’est pourquoi il est apparu souhaitable de les faire bénéficier d’une couverture particulière des risques auxquels les opérateurs pouvaient se trouver confrontés.

Cette question est essentielle compte tenu de l’importance des sommes investies dans ce secteur, tant pour les activités se déroulant dans l’espace extra-atmosphérique que pour celles qui ont lieu sur terre ; elle est également importante en raison des dangers potentiels pour les tiers.

Dans cette logique, le projet de loi instaure très justement, dans son article 6, une assurance obligatoire qui doit couvrir le risque d’avoir à indemniser les dommages susceptibles d’être causés aux tiers à l’opération spatiale.

Il est impossible, même après une longue série de succès dans la réalisation des opérations spatiales, d’évaluer le facteur risque. Des lancements réussis ne constituent pas la garantie que l’objet spatial fonctionnera correctement en orbite.

Il s’agit donc ici de couvrir des risques très différents selon les moments - avant le lancement, pendant celui-ci, dans la période qui le suit immédiatement ou encore pendant la phase opérationnelle, c’est-à-dire au cours de la vie en orbite de l’objet spatial -, de trouver des assureurs disposés à les couvrir, encore que cela ne soit pas le plus difficile, et de bien mesurer les difficultés qui peuvent naître de la spécificité des activités spatiales.

En cas de dommages catastrophiques, les États seraient en tout état de cause amenés à prendre en charge l’indemnisation des victimes puisqu’ils sont responsables, aux termes des articles VI et VII du traité de 1967, des activités menées par les entités, gouvernementales ou non, dépendant d’eux.

La convention de 1972 prévoit un régime de responsabilité pour risque. Elle exclut de cette responsabilité le dommage causé aux ressortissants de l’État qui serait à l’origine du dommage, puisqu’il s’agit alors d’un problème de droit interne.

Le projet de loi ne fait pas de distinction, et tous les tiers bénéficieront donc du même régime de responsabilité.

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