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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Organe central des caisses d’épargne et des banques populaires

Par / 8 juin 2009

Madame la présidente, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui concerne directement les milliers de salariés, les millions de sociétaires et coopérateurs ainsi que les millions de clients et d’usagers des deux réseaux bancaires dont on souhaite célébrer le mariage, en leur forçant quelque peu la main...

Pour modeste que soit ce texte en apparence, il ne faudrait pas en sous-estimer l’importance, aussi bien à court et à moyen terme qu’à long terme.

Sur un plan formel, le contenu de ce projet de loi est limpide. L’article 1er décrit par le menu - ou peu s’en faut - le dispositif de fusion à réaliser. Quant aux articles 2 à 6, ils se réduisent peu ou prou à des articles de coordination, dont l’objet est d’adapter à la mise en œuvre du dispositif prévu par l’article 1er les dispositions législatives annexes relatives à l’un et l’autre des deux réseaux bancaires concernés.

Et puis, comme il fallait bien trouver un point de chute à des mesures d’intérêt capital mais qui, pour le moins, ont été distraites du contenu des lois de finances ou des lois financières dont nous avons débattu depuis le début de la session, voici que les articles 6 bis et 6 ter du projet de loi, adoptés à l’Assemblée nationale avec l’aval du Gouvernement, portent sur la question des paradis fiscaux. Permettez-nous, malgré tout l’intérêt des dispositions à prendre en la matière, de douter quelque peu de la pertinence du véhicule législatif employé.

Ce n’est évidemment que la stricte apparence des choses. Mais elle semble suffire à la commission des finances pour recommander d’adopter conforme le texte du projet de loi, sans y apporter le moindre amendement, en se contentant des corrections qui ont été effectuées à l’Assemblée nationale.

Nous, sénateurs du groupe CRC-SPG, avons une tout autre approche que celle qui consiste à adopter, quasiment sans broncher, un texte de cette nature. Nous souhaitons que ce projet de loi fasse l’objet d’un vrai débat, utilisant l’ensemble des instruments prévus par le règlement de notre assemblée et par la Constitution.

Ce texte mérite bien autre chose, eu égard aux enjeux qu’il recouvre, que cette discussion à la sauvette et cette adoption conforme.

Tout d’abord, ce texte concerne quand même plus de 110 000 salariés, employés, cadres et techniciens, aux métiers au demeurant fort divers.

Les caisses d’épargne sont évidemment connues de nos concitoyens pour être l’un des deux collecteurs historiques du Livret A, ce fameux produit d’épargne qui fait depuis peu l’objet d’une concurrence dont la pertinence n’est pas prouvée.

Mais elles sont aussi des établissements bancaires de réseau, particulièrement présents sur le territoire, menant une démarche de proximité et investis de missions d’intérêt général dont la plupart des banques privées « banalisées » se moquent totalement...

Les banques populaires, pour leur part, obéissent à des règles de fonctionnement qui leur sont propres : fondées sur le statut coopératif, celles-ci permettent également, malgré bien des dérives récentes, de rapprocher l’activité bancaire des territoires et de la demande locale de crédit.

Les banques populaires sont un élément indispensable à l’existence d’un véritable crédit bancaire aux petites entreprises ainsi que, dans une moindre mesure, aux associations et aux particuliers.

es deux réseaux partagent également certaines activités. Ceux qui suivent d’assez près l’actualité économique et financière connaissent notamment le panel d’activités couvert par Natixis, filiale commune aux deux ensembles, et dont la santé précaire semble bien avoir été à l’origine de la rédaction du présent projet de loi.

Natixis est, faut-il le rappeler, une référence dans le domaine des activités de refinancement et de gestion d’actifs - ce qui n’a pas été sans lui poser quelques problèmes ces derniers temps -, ainsi que dans le champ du crédit à l’export, dont on connaît la dimension stratégique pour nos entreprises, notre économie, et donc pour l’emploi.

Et nous ne saurions oublier d’autres métiers et d’autres fonctions, les activités de gestion et de promotion immobilières étant particulièrement présentes dans les deux réseaux, notamment avec des entités comme Nexity ou Foncia.

À la vérité, l’examen de ces données suffirait à justifier que nous ne puissions nous contenter d’une adoption à la va-vite de ce projet de loi. Mais il existe d’autres motifs plus impérieux encore.

Le moindre est que ni les caisses d’épargne ni les banques populaires ne sont des établissements financiers tout à fait comme les autres.

En effet, la Caisse nationale des caisses d’épargne est une structure organique dont la propriété est conjointement détenue par les caisses régionales, elles-mêmes étant gérées par les sociétaires.

De même, les banques populaires régionales, propriétaires de la banque fédérale, sont placées sous le régime de la coopération, c’est-à-dire qu’elles ont, non pas des actionnaires, mais des sociétaires, détenteurs de parts sociales de leurs banques régionales et de droits de vote, souvent limités par les statuts.

Quelques différences d’organisation existent entre les deux réseaux, mais, dans les deux cas, l’organe central n’est pas le chef d’orchestre - la société holding en quelque sorte -, c’est simplement le lieu où se définit la stratégie globale de chaque groupe et, surtout, où s’accomplissent, dans un souci d’économies d’échelle parfaitement louable, un certain nombre de missions transversales.

Le réseau des caisses régionales d’épargne, comme celui des banques populaires régionales, est donc avant tout fondé sur un fonctionnement de démocratie de proximité, aux limites réelles mais aux caractères très originaux.

Or ce projet de loi procède à une mutation essentielle : il fait en sorte que l’organe central, plutôt que de rendre service aux établissements du réseau, devienne le chef de file qui impose toute règle et tout mode de fonctionnement.

Cette rupture évidente avec les principes de la coopération qui présidaient jusqu’ici au devenir tant des caisses d’épargne que des banques populaires ne peut être acceptée. Cette mise en forme d’un autoritarisme renforcé de l’organe central...

M. Philippe Marini, rapporteur. C’est le centralisme démocratique ! (M. Hervé Novelli, secrétaire d’État, s’esclaffe.)

Mme Nicole Bricq. Tout le monde sait qu’à l’UMP, c’est la base qui décide !

M. Thierry Foucaud. ...constitue, clairement, une véritable spoliation du pouvoir des sociétaires et, bien sûr, des coopérateurs, pourtant consacré par la loi et le code monétaire et financier.

Un autre motif qui nous conduit à rejeter ce projet de loi tient aux enjeux financiers qui ont présidé à son élaboration.

Nous avons souligné précédemment la place toute particulière qu’occupaient les réseaux des caisses d’épargne et des banques populaires dans le paysage du crédit bancaire. Proximité et accessibilité bancaire, notamment en direction des plus démunis, des territoires délaissés par les banques commerciales « banalisées », des très petites entreprises ou encore des associations : voilà ce qui caractérise, avant tout, l’action de ces deux réseaux.

Mais on pourrait citer également le fait que les caisses d’épargne participent au développement local, non seulement en apportant aide et soutien à des projets économiques et sociaux menés à l’échelon local - cela fait partie de leurs obligations législatives -, mais aussi en apportant leur concours à l’effort d’investissement des collectivités territoriales, singulièrement des plus petites, qui ne font que plus rarement appel aux produits sophistiqués de la Caisse des dépôts ou de Dexia.

Ce qui est donc en cause, dans cette affaire, c’est la persistance d’une source de financement accessible pour les collectivités locales, au moment même où elles sont particulièrement sollicitées pour contribuer à la reprise de l’activité économique.

Si, comme nous le pensons, l’une des priorités de la fusion est de dégager des moyens pour prendre en charge les pertes découlant, d’une part, des erreurs de M. Charles Milhaud, ancien patron de la CNCE, d’autre part, des placements hasardeux de Natixis, structure portée sur les fonts baptismaux par M. François Pérol, installé par l’Élysée à la tête du nouvel ensemble créé par le projet de loi, que va-t-il rester pour financer l’initiative locale, le développement des territoires, l’action publique des collectivités ?

Ce texte nous oblige donc clairement à nous poser certaines questions de fond sur le devenir du paysage bancaire et financier de notre pays.

Devons-nous voter un projet de loi dont la finalité est non pas l’intérêt général - c’est pourtant, en vertu de la Constitution, l’objet de la loi -, mais la défense et l’illustration d’intérêts privés ?

Les dérives financières de quelques-uns doivent-elles se traduire par une confiscation des pouvoirs de décision, par un autoritarisme renforcé - et assumé -, par des opérations et des mouvements financiers faisant payer à d’autres la facture desdites dérives ?

Ce projet de loi étant profondément injuste et déséquilibré, nous ne pouvons évidemment que le rejeter.

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