Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Organismes génétiquement modifiés

Par / 5 février 2008

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, aborder le sujet des organismes génétiquement modifiés, c’est nécessairement aborder des questions éthiques, culturelles, scientifiques, économiques, de santé publique, de sécurité sanitaire et environnementale.

La catégorie « organismes génétiquement modifiés » est très large. Elle recouvre aussi bien des plantes, des animaux, des bactéries, des champignons et des virus dont le profil génétique a été transformé en laboratoire. Tous ces organismes ont en effet pour trait commun d’avoir subi une opération de génie génétique aboutissant à la greffe d’un ou de plusieurs gènes dans leur patrimoine héréditaire.

La transgénèse permet d’aller au-delà des lois naturelles de l’hybridation, par la transgression de la barrière des espèces. Si les hommes ont depuis longtemps cherché à améliorer les végétaux et les animaux en utilisant des méthodes de sélection naturelle, de greffage ou d’hybridation, un cap a été désormais franchi.

C’est pourquoi nous aurions tort de mépriser le sentiment de défiance de nos concitoyens envers les organismes génétiquement modifiés ; nous aurions tort de réduire le débat à une opposition entre obscurantisme et progrès scientifique.

Les craintes de nos concitoyens, que bon nombre d’entre nous partagent sur ces travées, ont des racines dans des réalités historiques que constituent les crises sanitaires récentes - la vache folle, la listeria, l’amiante, la dioxine, le sang contaminé, l’hormone de croissance -, mais également dans une conception très culturelle de notre alimentation.

Face aux choix et aux enjeux en présence, aux incertitudes scientifiques, il paraît naturel de ne pas avoir une position catégorique sur chaque aspect de la question. Cependant, il revient au pouvoir politique de trancher et de prendre ses responsabilités.

Aujourd’hui, le bilan du coût par rapport aux avantages des organismes génétiquement modifiés joue en défaveur de ces derniers.

C’est pourquoi nous partageons sans réserve la position de notre rapporteur qui souligne « la nécessité vitale de reprendre les recherches dans le domaine des biotechnologies ». Il est fondamental de donner les moyens aux scientifiques de poursuivre leurs recherches. L’annonce du Gouvernement de consacrer 45 millions d’euros de crédits budgétaires en trois ans à la recherche en biotechnologies végétales tombe donc à point nommé, même si elle appelle des précisions de la part des chercheurs.

Il est notamment nécessaire de mettre en place des études épidémiologiques, puisqu’aucune étude de cette nature n’a été conduite dans les pays forts consommateurs d’OGM, et d’orienter la recherche vers des applications socialement utiles, en maintenant la primauté de la recherche fondamentale en amont de la recherche appliquée, et non l’inverse, comme c’est trop souvent le cas.

Les plantes génétiquement modifiées, auxquelles ce texte est consacré en grande partie, avaient été initialement conçues pour combattre la faim dans le monde, protéger l’environnement et économiser l’eau.

En ce qui concerne les questions environnementales, les objectifs sont loin d’être atteints. Ma collègue et amie Évelyne Didier y reviendra en détail tout à l’heure. L’objectif d’un recours réduit aux herbicides, fongicides, insecticides et pesticides laisse le citoyen interrogatif face aux avis partagés des scientifiques, qui déplorent la mise en champ massive sans avoir de certitudes quant aux risques sanitaires possibles, et ce tout particulièrement à moyen et à long terme.

Lors des débats en mars 2006, j’avais rappelé les phénomènes d’accoutumance des plantes, des adventices et des insectes. Au regard des modifications des micro-organismes dans le sol, aucune étude ne permet de dire avec certitude si la réversibilité vers des cultures conventionnelles ou biologiques sera possible. Des millions d’hectares seraient ainsi « gelés » et condamnés aux PGM.

Dès lors, comment respecter les objectifs du Grenelle de l’environnement et multiplier par trois les surfaces dédiées à l’agriculture biologique ? Quelle crédibilité accorder à l’annonce des repas « bio » dans nos cantines municipales ?

Quant aux plantes résistantes à la sécheresse, on en parle beaucoup, mais on ne les voit jamais !

Je souhaite à présent aborder la souveraineté alimentaire, question qui est en lien direct avec l’appropriation du vivant par de grandes multinationales, avec sa brevetabilité, ou encore avec la mondialisation et la dépendance des États les plus pauvres vis-à-vis des États les plus riches.

Il serait malhonnête de laisser entendre que les organismes génétiquement modifiés peuvent constituer une réponse suffisante pour éradiquer la malnutrition ou les famines dans le monde.

La FAO, ou Food and Agriculture Organization, tout comme les organisations humanitaires s’accordent à dire que, en règle générale, les crises alimentaires ne sont dues ni aux épisodes de sécheresse ni aux invasions d’insectes et que, dans l’ensemble, elles sont liées non pas à un déficit de production agricole, mais à la répartition des produits et des revenus au sein de la société. Bref, la nourriture est produite en quantité suffisante, mais de larges segments de la population n’ont pas les moyens de se la procurer.

En France, où il devrait être aisé de permettre à toutes les familles d’accéder à des revenus du travail compatibles avec les dépenses alimentaires nécessaires à la survie de leurs membres les plus fragiles, que constate-t-on ? Les Restaurants du coeur, les banques alimentaires, les différents services d’aide sociale, publics ou privés, distribuent des dizaines de millions de repas par an.

Lutter contre la faim, c’est lutter contre les inégalités sociales, réduire la dépendance des petits exploitants ; ce n’est certainement pas soumettre ces derniers au diktat d’une poignée d’oligopoles mondiaux, dont l’unique but est de verrouiller et de contrôler l’ensemble du marché des semences, au mépris de l’indépendance alimentaire des pays.

C’est d’ailleurs dans ce sens que nous avons déposé un amendement dans ce texte, visant à défendre les semences de ferme !

J’en viens aux dispositions du projet de loi.

Le texte qui nous est soumis entérine la possibilité des cultures en plein champ, notamment à visées commerciales, et les dommages collatéraux inévitables, opérant ainsi un choix que nous ne partageons pas.

L’article 1er pose, avec raison, les principes régissant l’utilisation des organismes génétiquement modifiés. Il soumet, notamment, la culture et la commercialisation au respect de l’environnement et de la santé.

À peine posés, ces principes risquent fort d’être méconnus. En effet, s’agissant de la coexistence, rien n’est dit, au contraire, sur l’irréversibilité des risques provoqués par les OGM, qu’il s’agisse des sols, des adventices ou de plantes modifiées, comme la ravenelle.

Rappelons, à titre d’exemple, quelques lignes de l’avis rendu sur le maïs MON 810. Depuis 1998, des faits nouveaux sont apparus, renforçant les risques que présente cette plante génétiquement modifiée : la dispersion du pollen sur de grandes distances kilométriques, la pollinisation systématique croisée entre champs de culture d’OGM et champs sans OGM à l’échelle locale, l’apparition de résistances sur les ravageurs cibles, les effets négatifs sur la faune sauvage non cible.

Le chapitre Ier porte création de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés. Mutualiser au sein d’un même organisme les compétences peut être une bonne chose afin d’éclairer les autorités publiques, à condition de ne pas façonner le futur haut conseil pour servir uniquement le lobby des grands semenciers et de l’agriculture intensive.

Nous pensons donc qu’il est nécessaire que la mission de surveillance soit, quant à elle, dévolue à un autre organe, qui pourrait être le comité de biovigilance. Ce serait d’ailleurs l’occasion de le formaliser.

En outre, nous déposerons plusieurs amendements visant à fixer la composition des deux comités participant à la Haute autorité. Il nous semble peu souhaitable que cette question soit renvoyée à un décret compte tenu de l’importance des missions. Nous tenons également à ce que les deux comités élaborent conjointement les avis et que l’on ne s’en remette pas à un collège de trois membres pour l’adoption du document final.

Au cours des débats, nous reviendrons plus en détail sur la composition, l’indépendance des comités et le champ de la mission de la Haute autorité.

S’agissant de la responsabilité, l’article 5 du projet de loi, relatif à la responsabilité des exploitants cultivant des plantes génétiquement modifiées, exclut néanmoins de cette définition la mise sur le marché, ce qui tend à déresponsabiliser les semenciers au détriment des exploitants agricoles.

Les agriculteurs font, par nature, confiance aux techniciens, qui ont à la fois une mission de conseil et un objectif de vente. L’on ne voit pas pourquoi ceux qui tirent le plus grand bénéfice du système, à savoir les semenciers et les organismes revendeurs, ne porteraient pas leur part de responsabilité en cas de dissémination.

Par ailleurs, l’indemnisation porte uniquement sur la perte économique de la récolte et ignore d’éventuels déclassements de l’exploitation ou d’autres dégâts collatéraux irréversibles.

Quant au recours à la garantie financière obligatoire pour les cultivateurs de plantes génétiquement modifiées, il présente l’inconvénient de charger uniquement l’agriculteur sur le plan financier. Le système proposé par la commission relevant, quant à lui, plus de l’improvisation de dernière minute, ne nous satisfait pas.

Il est également très problématique que la preuve de la contamination et son coût soient à la charge de la victime.

L’exigence de transparence est considérablement réduite par la persistance d’informations non transmissibles. En la matière, la France ne satisfait pas aux exigences posées par l’article 6-2 de la Convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. La jurisprudence administrative a estimé que la diffusion des données opérée par internet et la publication des fiches d’information ne constituaient pas une garantie acceptable.

Le projet de loi prévoit la localisation des cultures OGM à la parcelle. Cependant, la portée de l’obligation d’information en matière de dissémination n’est pas encore très claire, en raison de l’invocation de l’ordre public ou d’autres secrets protégés par la loi. En effet, le Conseil d’État a décidé de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle sur l’obligation de communication par l’administration de la localisation des parcelles.

C’est pourquoi il faut être prudent quand on parle de transparence et bien avoir en tête la question de l’accès du public à l’information.

De plus, nous considérons qu’une information effective du public en ce qui concerne la liberté de consommer sans OGM passe par l’instauration d’un affichage positif de la mention « avec OGM ».

Enfin, il est indispensable que nos concitoyens s’emparent de ce sujet de société et que l’information soit diffusée partout. Nous demandons qu’un grand débat public national soit organisé sur le sujet.

« Les Français sont d’accord avec les OGM, ils en mangent déjà » avez-vous dit, monsieur le rapporteur. Mais les Français sont-ils au courant ? Donnons-leur la possibilité de choisir et de s’exprimer sur cette question. Il convient d’avancer avec la société en informant, en débattant, en décidant démocratiquement.

Certains pays, tels que la Suisse, ont recouru au référendum pour dire « non » aux OGM ; d’autres ont prolongé le moratoire. L’opinion publique française, majoritairement contre la dissémination et la consommation d’organismes génétiquement modifiés, n’est pas isolée à cet égard en Europe. La France devrait profiter de la présidence de l’Union européenne pour relancer le débat sur ce sujet.

Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de loi pour des raisons essentielles, que je souhaite rappeler : il s’agit d’un texte voté sous la contrainte de Bruxelles et de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, et qui n’a été précédé d’aucun grand débat public national.

Souvenons-nous de l’affaire du boeuf aux hormones. À l’époque, l’Organe de règlement des différends avait confirmé la condamnation de l’Union européenne en ne retenant pas la pertinence du principe de précaution.

D’ailleurs, les États-Unis ne considèrent pas le « principe de précaution » comme une règle de droit international coutumier et ils estiment qu’il s’agit plus d’une « approche » que d’un « principe ». On connaît pourtant aujourd’hui les effets de tels produits sur la santé !

Le présent texte prône une conception mondialiste et capitalistique de domination des grandes firmes internationales et de certains pays dans le cadre de la guerre alimentaire ; il confirme le concept de brevetabilité du vivant ; il promeut une technologie incomplètement maîtrisée, alors qu’elle aura des effets irréversibles sur la biodiversité ; il est de nature à entraîner une remise en cause des formes d’agriculture à dimension humaine, conventionnelle ou biologique ; enfin, il comporte un chantage inacceptable à la délocalisation et à la dépendance technologique.

Tout cela fait beaucoup dans un monde dominé par l’argent, un monde où ceux qui ont faim et se font exploiter par les pays riches n’attendent pas les OGM. Aussi, nous ne voterons pas ce texte.

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